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Sur le rôle de l'historien : acteur social de son temps, expert ?

Dans le document Le procès Barbie (Page 137-146)

Chapitre 14. Impacts dans le monde de l’histoire et des médias

14.3 Sur le rôle de l'historien : acteur social de son temps, expert ?

En tout cas, l’affaire Aubrac a entamé la défiance des historiens dans le rôle, voire l’engagement qu’ils peuvent apporter au sein de la société. Il n’en demeure pas moins que l’affaire en soi a déclenché des réactions d’indignation et de soutien aux époux Aubrac au sein même du monde des historiens. Ainsi, dans un article intitulé Une déplorable leçon d’histoire, un collectif de onze historiens ont dénoncé les dérives de cette table ronde et rappelé la méthodologie et les règles de déontologie qui incombent au métier d’historien284. Si l’historien a le devoir de démythification,

que le doute lui est toujours permis dans ses travaux de recherche, il a aussi un devoir d’humilité en 282 Thomas GOMART : Quel statut pour le témoignage oral en histoire contemporaine ? in Hypothèses 2000/1 (3), pp. 103-111. Voir également à ce sujet, l’article d’Antoine PROST : Les historiens et les Aubrac : la question de trop, in Le Monde, 12 juillet 1997.

283 Annette WIEVIORKA : L’ère du témoin, op. cit. et pour la p. 110 cf. Thomas GOMART : ibid.

284Claire ANDRIEU, Christian BOUGEARD, Laurent DOUZOU, Robert FRANK, Jean-Marie GUILLON, Pierre LABORIE, François MARCOT, Pierre MENCHERINI, Denis PESCHANSKI, Jacqueline SAINCLIVIER et Serge WOLIKOW : Une déplorable leçon d’histoire, in Libération, 25 juillet 1997. Cet article répondait à la fois à l’épreuve endurée par les Aubrac, lors de la table ronde mais aussi à un numéro spécial intitulé Une belle leçon d’histoire rédigé par Serge JULY où, comme le relatera Béatrice VALLAEYS, le journaliste considérait que des « incertitudes subsistent ». Cf. à ce sujet, Béatrice VALLAEYS : 1997, le couple à l’épreuve des historiens, op. cit.

ce que ses propos ne lui autorisent pas à porter atteinte à l’honneur du témoin. Le lieu qu’il choisit pour sa quête de vérité ne peut être une salle d’audience, de rédaction ou encore un plateau de télévision, qui mènerait forcément à une confusion des rôles et des genres entre l’historien, le journaliste, le chroniqueur, le journaliste etc. dont les règles de temporalité et de recherche de la vérité, ne sont pas du tout les mêmes. En conclusion de leur article, les historiens solidaires du couple Aubrac qui a été en quelque sorte soumis à un test de vérité, sont sans appel jusqu’à réfuter la formulation « affaire Aubrac » :

« Rien ne nous autorise à donner une quelconque légitimité à la stratégie de soupçon, à jouer, sans preuves, avec la dignité des femmes et des hommes que nous rencontrons et écoutons, à porter atteinte à leur «humaine condition», qui est aussi la nôtre. Il n'y a pas d'affaire Aubrac, mais bien une affaire de conception et de médiatisation de l'histoire. »285

Pour ce qui est de la médiatisation de l’histoire, dans la conférence organisée lors des Lundis de l’INA en 2000, les différents intervenants ont pu constater à leur tour à plusieurs reprises l’instrumentalisation de la presse, en l’occurrence par la partie adverse, pour occuper le devant de la scène judiciaire, voire politique ou idéologique286. A plusieurs reprises, au sortir des audiences,

l’avocat Vergès n’hésite pas à se servir de la presse pour laisser entendre qu’il a des révélations à faire alors qu’il n’en est rien. A contrario, comme pour l’affaire Aubrac, les médias ont aussi servi à rétablir la vérité, les fonctions pédagogiques du procès en diffusant en grande partie des extraits de celui-ci en direct, suivi de débats, comme ce fut le cas sur la chaîne Histoire. L’historien et réalisateur Christian Delage, spécialiste des questions histoire et cinéma, soulignait déjà l’importance de l’audiovisuel lors du procès de Nuremberg, jusqu’à évoquer une « technique au service de la mémoire », un « génocide sur la pellicule » ou encore une « preuve par l’image » :

« Si l’expérience de filmer un procès manque, la présentation de films comme preuves a fait l’objet d’une préparation très en amont. Il s’agit en effet de donner à l’image un pouvoir d’évocation et de conviction, et d’en faire un moyen privilégié de confronter les nazis à leurs crimes. »287

285Claire ANDRIEU : Une déplorable leçon d’histoire, ibid.

286Cette conférence Les Lundis de l’INA avait pour thème Les perceptions audiovisuelles du procès Barbie. Elle s’est tenue le 20 novembre 2000 à la Bibliothèque nationale de France. Parmi les différents intervenants, il y avait : Sandie SCOZZI, doctorante en sciences de la communication, Philippe CHAZAL, Directeur de la chaîne thématique Histoire, Henry ROUSSO, historien, Serge KLARSFELD, avocat et historien, Paul LEFÈVRE, journaliste et animateur de la conférence.

287Christian DELAGE : Dossier Le Procès de Nuremberg, Une « super production » hollywodienne, in

Pour ce qui est du procès Barbie, le même Christian Delage concédait que les images ne pouvaient rendre compte que d’une partie de celui-ci :

« Les montages effectués à partir des archives filmées du procès de Klaus Barbie n'avaient pu faire autrement que de mettre en relief les dépositions des témoins, puisque l'accusé avait décidé de ne pas assister, sauf obligation, à son procès. »288

Tout en ayant conscience des écueils de l’exploitation des sources audiovisuelles, l’historien Christian Delage pose la problématique :

« Pourtant, qu'elle soit audiovisuelle ou écrite, une source ne peut être convoquée seule, sans croisement avec d'autres, ou, à tout le moins, sans afficher un point de vue, une problématique. Il faut un jeu de va-et-vient entre ce que l'archive nous dit et ce que nous convoquons comme lectures et comme réflexions critiques sur une question donnée. Or, nous sommes dépourvus de la remise en contexte du procès et, surtout, des conditions distanciées de sa résonance dans le temps présent (il n'est pas sûr que le spectateur non averti comprenne bien que la polémique contemporaine du procès autour de la responsabilité des conseils juifs ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd'hui). Il faut reconnaître néanmoins que nous sommes sans doute préservés des dangers soi-disant graves que le travail sur les images du procès ferait courir à la morale, voire à l'éthique de la représentation ».289

Faisons aussi un bref détour sur l’article de Pierre Laborie Historiens sous haute surveillance, paru en 1994, où l’auteur pointe du doigt d’autres pierres d’achoppement auxquelles se heurte l’historien dans son métier et qui ne sont pas sans rappeler les dérives mises en exergue par l’affaire Aubrac290. En effet, pour l’auteur, l’historien rencontre des réticences et des difficultés à écrire

l’histoire de la Résistance car la pression des témoins est telle, les enjeux mémoriels et politiques si forts, que peu d’historiens ont le courage de s’engager dans son étude. Pierre Laborie va même jusqu’à considérer - d’où le titre de son article - que « l’historien de la Résistance a un statut particulier ; celui d’être sous haute surveillance. » Dans une analyse qui se veut épistémologique sur la fonction et le rôle social de l’historien, comme sa quête de vérité, Pierre Laborie distingue au moins deux types d’historien qui ont eu à s’intéresser à ce genre historiographique : l’historien non témoin et l’historien-témoin. Ce faisant, l’auteur met en évidence les relations antinomiques et à la fois, complémentaires entre mémoire et histoire qu’il résume comme étant des « effets du flou et du 288Christian DELAGE : Le procès Eichmann vu par Rony Brauman et Eyal Sivan, in Esprit, mai 1999, pp.

185-190. L’auteur renvoie aussi à ce propos dans une note de bas de page au montage court produit avec l’historienne Anne GRYNBERG à partir des archives filmées du procès Barbie et centré sur la rafle des enfants d’Izieu (Christian DELAGE, Anne GRYNBERG : La Rafle des enfants d'Izieu. Extraits des archives filmées du procès Barbie, 1994, 25 minutes).

289 Christian DELAGE, ibid. p. 188.

fonctionnement délicat entre le couple histoire-mémoire »291. Ces relations sont antinomiques car le

témoin tente autant que faire se peut, de rester fidèle à sa mémoire, tandis que l’historien, n’est pas toujours en mesure de composer avec ces marges d’erreur à cause de sa rigueur scientifique, de la fonction de son métier n’exigeant dans sa quête de véracité des faits, aucune faille. Dans son ouvrage posthume, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Marc Bloch évoquait déjà ces différences de méthode et de récit national entre le témoin et l’historien en soulignant le fait que les erreurs du témoin pouvaient être involontaires, en dépit de sa bonne foi et de son souhait d’apporter sa contribution à l’histoire292. Pour autant, les relations entre mémoire et histoire sont

complémentaires car même si le témoin vivant, constitue un matériau nouveau, l’historien ne peut faire l’impasse de son apport. A ce titre, Pierre Laborie rappelle dans son article en quoi consiste le rôle de l’historien dans cette relation ambivalente :

« Le rôle de l’historien n’est pas seulement de distinguer la mémoire de l’histoire, de séparer le vrai du faux, mais de faire de cette mémoire un objet d’histoire, de s’interroger sur l’usage du faux comme du vrai et sur le sens que les acteurs veulent ainsi donner au passé et leur passé (…) La proximité de nécessité ou de sympathie, aussi forte soit-elle, ne peut en aucune façon servir à confondre les terrains et à escamoter les distances. Il ne s’agit pas de légitimer ce qui est maintenant, mais de pouvoir témoigner de ce qui a été, et de la façon dont cela était. Conservateur de mémoire, l’historien se trouve chargé de préserver ce qu’il doit par ailleurs décaper et démythifier. Il est et doit être, tout à la fois, un sauve-mémoire et un trouble- mémoire… »293

Durant le procès Barbie comme l’affaire Aubrac, parmi toutes ces multiples fonctions qui incombent à l’historien, le rôle d’expert demeure sans doute une des questions les plus épineuses amorcées à ce moment-là. Comment y voir clair dans débats qui n’en finissent pas et où les divergences d’opinion entre historiens se multiplient et complexifient le sujet ? Comment répondre à cette question si le statut d’historien expert n’est pas au préalable clairement défini, y compris par la justice et se révèle être un « savant » mélange d’intervenants, de spécialistes d’une période donnée ou encore d’acteurs engagés ? Si derrière cette question se cache en réalité celle du rôle de la science en générale, de l’usage de celle-ci faite par le pouvoir, la question de l’expertise, de sa pertinence, sa valeur scientifique, la remise en cause de la « scientificité » d’une expertise n’est pas spécifique à l’histoire. Elle touche nombre de sciences sociales.

291 Pierre LABORIE : Historiens sous haute surveillance, ibid. p. 43.

292 Marc BLOCH : Apologie pour l’Histoire ou Métier d’historien, op. cit. p. 46. 293 Pierre LABORIE : Historiens sous haute surveillance, op. cit. pp. 47-48.

Qu’en est-il du mot même d’expert ? A l’origine, le recours aux premières expertises apparaît au XIXè Siècle, notamment en Angleterre victorienne où médecins, juristes et ingénieurs vont apporter leurs connaissances mutuelles au service du pouvoir, qui en retour monnaiera leur savoir. Puis la mode se répand un peu partout en Europe. Dans un article qui se veut critique sur le métier d’expert et intitulé Usage, mésusage et contre-usage de l’expertise, Perspective historique, l’historienne Ludivine Bantigny nous explique les prémisses de cette nouvelle profession visant à rassurer l’establishment :

« L’expertise judiciaire devient le parangon de l’intervention savante en dehors de son milieu initial et trouve à cette époque sa codification procédurale. Le XIXe siècle

peut donc être considéré comme le berceau de l’expertise, imbriquant sphère savante et interventions étatiques. Le XXe siècle en a affiné les prolongements (…) Désormais,

l’expertise est devenue envahissante, en un spectre de domaines extrêmement étendus, de l’audit d’entreprise aux risques sanitaires et environnementaux, des transformations du travail à la réforme de l’État. Une véritable « consultocratie » a jeté l’ancre dans les sociétés contemporaines, pour partie parce qu’elles sont des « sociétés du risque » et qu’il s’agit de les appréhender comme telles» 294

Plus loin, l’auteur nous apprend qu’en France, les historiens experts ont commencé à être sollicités dans les années 1970, après les Trente Glorieuses, au moment où selon les termes d’Henry Rousso, la « judiciarisation du passé » emboîtait le pas sur l’interprétation de l’histoire. Ce faisant, Ludivine Bantigny nous renvoie également à l’ouvrage d’Olivier Dumoulin Le rôle social de l’historien, De la chaire au prétoire, où l’auteur analyse cette inflexion et mutation du métier d’historien295. Pour autant, même si la fonction d’expert peut connaître des déviances, voire une instrumentalisation, Ludivine Bantigny nous relate le point de vue d’Olivier Dumoulin qui concède au rôle d’expert un statut à part dans les procès des crimes contre l’humanité :

« On le sait, ce processus a accompagné la judiciarisation de l’histoire, au même titre que bien d’autres sphères sociales : certains historiens sont passés « de la chaire au prétoire. » Mais, comme l’a précisément analysé Olivier Dumoulin, les historiens convoqués en justice, notamment lors des procès Touvier et Papon, s’avèrent être « des experts d’une espèce singulière. »296

294 Ludivine BANTIGNY : Usage, mésusage et contre-usages de l’expertise, Une perspective historique, in

Histoire@Politique, 2011/2 (n°14), p. 3-3. DOI : 10.3917/hp.014.002. URL : http://www.cairn.info/revue- histoire-politique-2011-2-page-3.htm

295 Olivier DUMOULIN : Le rôle de l’historien, De la chaire au prétoire, Paris, Albin Michel, 2003.

296 Ludivine BANTIGNY : Usage, mésusage et contre-usages de l’expertise, Une perspective historique, op.

De fait, sans pouvoir approfondir toute la polémique sur la question tant elle mériterait de longs développements dans la mesure où selon les procès, le sens des interventions et le nombre d’historiens présents différaient, le procès Barbie a fait figure de premier en la matière, les « historiens-experts » cités à la barre, le sont qu’en qualité de « témoins », souvent dotés d’un double statut (résistant, historien) et aussi en tant que « spécialistes » des périodes traitées au procès : Occupation allemande en France, question de la « solution finale » etc. En tant que spécialistes d’une période donnée, au procès Barbie du moins, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’historien expert, à la différence de l’expert médical ne compromettait, ni ne modulait pas de manière déterminante les décisions finales des juges297. Les historiens cités au procès n’ont pas

eu à se présenter lors de l’instruction. De plus, pour l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, les faits étant bien souvent si clairement établis, les apports des historiens pouvaient davantage s’apparenter à des contributions scientifiques qu’à des expertises. Le sort de l’accusé ne dépendait pas de leur intervention même si leurs connaissances précises des faits historiques jouaient un rôle non négligeable dans la compréhension de la période de l’Occupation. Dans son article L’expertise des historiens dans les procès pour crimes contre l’humanité, l’historien Henry Rousso nous livre les raisons justifiant ses réticences sur la présence d’historiens experts dans les tribunaux. Historiquement, ceux-ci ont été en général sollicités par la justice dans des juridictions exceptionnelles : procès de Nuremberg, procès de crimes contre l’humanité en France. Leur intervention était nécessaire car l’époque traitée par les procédures, couvrait une périodisation considérable ou encore le temps écoulé depuis les faits incriminés était particulièrement long. Plus loin, Henry Rousso reconnaît que vu le caractère inédit des procès, la demande sociale et judiciaire de faire intervenir les historiens à la barre n’a pu être clairement établie :

« C’est une évolution perceptible ces vingt-cinq dernières années, dont l’une des manifestations majeures, outre l’activisme commémoratif et monumental, a été précisément le déclenchement de procédures pour crimes contre l’humanité, ce qui a pris tout le monde de court, historiens, juristes et magistrats compris. Cela s’est notamment traduit par le fait qu’il n’y a pas eu de règles de procédure adaptées pour entendre des historiens à la barre autrement que comme « témoins » ayant à prêter

297 Cette distinction entre expertises des différents corps de métier des sciences sociales et humaines, n’est

pas des moindres. Un premier constat peut d’ors et déjà être établi : à la différence des « historiens experts », les expertises judiciaires, qu’elles soient médicales, graphologiques, lors du procès d’Outreau ou plus anciennement pour l’affaire Dreyfus se sont révélées catastrophiques, sinon dévastatrices sur le sort des personnes incriminées. En dépit des erreurs judiciaires qu’elles ont pu entraîner, la justice continue de s’en référer aux expertises médicales, - qui faut-il le rappeler ? -, relèvent de sciences humaines, par définition des sciences inexactes tout comme la médecine… Sans compter les scandales sanitaires produits par les diagnostics déterministes en matière d’autisme où la France, contrairement à d’autres pays est en retard en la matière.

serment, ce qui est sans doute le point le plus étrange du dispositif, les historiens étant en principe tout sauf des témoins du passé. »298

Aussi, les débats qui eurent lieu sur la pertinence ou non de la présence d’historiens dans les prétoires ne portèrent d’ailleurs pas essentiellement sur les incidences des apports de l’historien dans la sentence finale mais davantage sur l’utilisation qui pouvait être faite de ses prestations au tribunal. Pour rappel, au procès Barbie, exceptés les intervenants comme Alfred Streim et Rudolf Holtfort, qui interviennent avec un double statut, au premier rang duquel celui de procureurs, les historiens cités à la barre, le font en qualité de témoins tout court ou témoins d’intérêt général comme Léon Poliakov ou encore Jacques Delarue, tous deux étant doublés du statut de résistant. Pour autant, d’aucuns réfutent à l’historien ce statut de témoin, au nom du sacro-saint désengagement qui incomberait à la profession. Mais pourrait-on se passer de la science historique dans les tribunaux quand il s’agit de procès exceptionnels tels que ceux jugeant les crimes contre l’humanité, de surcroît médiatisés et censés mobilisés la société tout entière ? En vérité la problématique est ailleurs et Henry Rousso le souligne dans son article, ce qui amène l’historien et le juge à une telle proximité, c’est le fait que tous deux ont pour fonction d’enquêter, de s’approprier dès lors une rhétorique similaire etc. Or, à la différence du juge, l’historien dispose d’une liberté plus grande que celle du magistrat d’enquêter ou non puisque le premier est contraint aux investigations dès l’instant où une plainte est déposée, tandis que le second décide de sa propre initiative quel dossier il souhaite travailler ou non. Plus précisément, l’auteur nous apprend que les interventions notoires en France d’historiens à la barre, en dehors des procès de criminels contre l’humanité, notamment lors de l’affaire Dreyfus, ne l’ont pas été au titre d’experts de l’affaire Dreyfus mais comme des « experts techniques » des documents voulant incriminer Dreyfus (le bordereau), soit d’intellectuels engagés en sa faveur ou non. En d’autres termes, ils n’ont jamais été des « experts du passé » de l’affaire Dreyfus, cette demande s’avérant impossible puisque l’affaire était concomitante avec leur intervention au tribunal ou par voie de presse. Ensuite, dans une perspective comparée avec les procès contre les criminels nazis en Allemagne, Henry Rousso nous explique qu’à la différence de la France, les historiens allemands ont eu à travailler de concert avec leur justice. Ce faisant, il va jusqu’à établir des liens avec ce qu’il nomme « la querelle entre « intentionnalistes » et « fonctionnalistes » :

298 Henry ROUSSO : L’expertise des historiens dans les procès pour crimes contre l’humanité, pp. 58-70, in

Jean-Paul-Paul JEAN, Denis SALAS : Barbie, Touvier, Papon. Des procès pour la mémoire, op. cit. p. 60-

Dans le document Le procès Barbie (Page 137-146)