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Au cœur de la Résistance juive

Dans le document Le procès Barbie (Page 98-100)

Chapitre 8. Études de cas

8.2.6 Au cœur de la Résistance juive

• Les particularités de la rafle de la rue Sainte Catherine : crimes de guerre et/ou crimes contre l’humanité ?

Ainsi, à la lumière de ces éléments d’histoire et de justice, il ressort que l’une des particularités de la rafle de la rue Sainte Catherine, c’est d’avoir trait à la thématique de la Résistance juive en France, de son rôle, de ses ramifications et son efficacité. Le chercheur Michel Laffitte abonde dans cette approche en nous livrant cette analyse :

« Parler de l’UGIF face aux mesures antisémites de l’année 1942, c’est s’interroger au sujet des capacités de réaction et d’action des dirigeants juifs. C’est aussi poser la question de la part de responsabilité des institutions juives officiellement créées par l’occupant et par Vichy, dans la mise en œuvre de la Shoah. » 217 (p. 124)

212 Bds : Befehlshaber der Sicherheitspolizei und des Sicherheitsdienstes : commandant de la police de sûreté

et du service de sécurité.

213 A propos de cette mention « IV B » notifiée sur certains documents en lien ici avec les rafles, Serge

Klarsfeld nous précise dans son ouvrage Le calendrier de la persécution des Juifs de France, septembre 1942 – août 1944, t. 3, Paris, Fayard, 2001, p. 1375 qu’il s’agit d’une nouvelle formulation pour désigner le service des affaires juives, l’ancienne formulation correspondant à « IV J ».

214 Serge KLARSFELD : La rafle de la rue Sainte Catherine, op. cit. p.16.

215 Lors de son réquisitoire, le procureur Pierre TRUCHE l’a d’ailleurs explicitement rappelé. Dans son

ouvrage, La rafle de la rue Sainte Catherine, ibid.p.16, Serge Klarsfeld nous fait remarquer à raison que la défense a contesté ces documents parce qu’ils émanaient du Centre de Documentation Juive Contemporaine de Paris alors qu’il détient les archives du service des affaires juives de la Gestapo en France.

216 Cf. également l’historique de ces documents dans l’ouvrage de Serge KLARSFELD, La rafle de la rue

Sainte Catherine, ibid. p.16.

217 Michel LAFFITTE : L’UGIF face aux mesures antisémites de 1942, in Les Cahiers de la Shoah, op. cit.,

pp. 123-180. Pour de plus amples détails sur ce sujet particulièrement complexe qui n’est pas l’objet de notre mémoire, nous renvoyons à l’ouvrage de Michel LAFFITTE : Un engrenage fatal. L’UGIF face aux réalités

Les nazis avaient d’ailleurs bien compris et Barbie en premier, que des réseaux clandestins oeuvraient en ce sens au sein de l’UGIF d’où leur obsession de démanteler ses principales structures (en zone occupée, parisienne notamment, la section Nord de l’UGIF fut par exemple entièrement décimée). N’oublions pas d’ailleurs qu’en fin de procès, quand Barbie daigne revenir dans son box et prendre la parole pour un prétendu mea culpa, il reconnaît explicitement avoir lutté contre la Résistance pendant la guerre lorsqu’il déclare :

« Je n'ai jamais commis la rafle d'Izieu. Je n'ai jamais eu le pouvoir de décider des déportations. J'ai combattu la Résistance... Mais c'était la guerre. Et la guerre, c'est fini. »218

En ce sens, la situation des Juifs en France, notamment de l’UGIF et a fortiori celle de la Résistance, ne saurait être ni manichéenne, ni binaire. Bien au contraire. L’histoire des Juifs en France entre 1940 et 1944 présentée dans l’ouvrage précité d’Adam Rayski, lui-même résistant juif de la première heure et qui fait œuvre d’historien, démontre comment l’historiographie sur les Juifs pendant la Shoah en perpétuel mouvement permet de se détacher du cliché du « Juif victime » tant véhiculé au détriment du « Juif résistant ». Quant à la Résistance juive, nous l’avons vu au début de notre mémoire, il faudra attendre les années 1960 après le procès Eichmann à Jérusalem, puis le procès Barbie de 1987, quand la Shoah entre dans l’histoire, pour que les Juifs soient au centre de l’historiographie, qu’ils soient victimes, résistants ou de facto, par essence, les deux. Bien que très active, la Résistance juive a en effet souvent été supplantée par la Résistance intérieure non juive alors que la première a joué un rôle prépondérant dans le sauvetage des siens, la lutte contre l’ennemi, dans les maquis etc. Dans l’ouvrage de Lucien Lazare, intitulé La Résistance juive en France, l’historien Saul Friedländer établit également ces nuances sémantiques et historiques quand il écrit dans sa préface :

« Dans le vocabulaire de nos contemporains, le terme Résistance est clairement catalogué. La Résistance a eu son Comité national et sa médaille. Les résistants, ce sont les maquisards, les francs-tireurs. Ce vocabulaire rend compte du combat mené sur le sol de France contre l’occupant et ses collaborateurs par des hommes et des femmes, sans discrimination ethnique, confessionnelle ou idéologique.

Cette définition générale occulte cependant la Résistance juive, non pas celle des Juifs qui ont pris part à la Résistance, que rien ne distingue des autres résistants au plan de l’engagement dans l’action. Elle occulte la Résistance de ceux qui ont agi dans le cadre des mouvements juifs de Résistance. Ces Juifs ont mené un combat pour la

de la Shoah. Paris, Ed. Liana Levi, 2003.

survie. Ils l’ont fait seuls dans une première phase, avec l’aide d’autres Français, par la suite. »219

Au regard de cette vérité historique, il est donc permis d’affirmer que si la rafle de l’UGIF constitue un crime contre l’humanité, l’emblème de la « Solution finale » pour avoir raflé et déporté des Juifs au motif qu’ils sont nés juifs, il paraît difficile de le considérer uniquement comme crime de guerre puisque les résistants qui se trouvaient dans les locaux de l’UGIF ont été raflés en tant que Juifs220. Ces faits sont corroborés lors des audiences consacrées à la rafle de l’UGIF au procès

Barbie, où des témoins attestent que les personnes ont été en premier lieu raflées au vu de leur identité juive. C’est le cas par exemple, de Victor Sullaper qui à la barre, raconte qu’il a pu échapper à la rafle parce qu’il disposait de faux papiers alors que son frère Rachmil Sullaper a été raflé et déporté puisque sur sa carte d’identité figurait la mention « Juif ». De fait et pour rappel, dès l’automne 1942, le régime de Vichy avait rendu obligatoire de tamponner la mention « Juif » sur les cartes d’identité et d’alimentation, comme nous le rappelle Michel Laffitte :

« Enfin, compte tenu de la présence résiduelle de salariés non juifs apposé sur les cartes de légitimation et de service, redoublant les signes immédiatement lisibles de l’exclusion. »221

8.3 Troisième étude de cas : le dernier convoi du 11 août 1944

Dans le document Le procès Barbie (Page 98-100)