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La Cour suprême, en effet, confirme d’abord la nullité des conventions qui portent “tout à la fois sur la mise à la disposition des demandeurs des fonctions reproductrices de la

Dans le document Le détournement d'institution (Page 70-76)

Chapitre II : Définition et domaine du détournement d’institution

65. La Cour suprême, en effet, confirme d’abord la nullité des conventions qui portent “tout à la fois sur la mise à la disposition des demandeurs des fonctions reproductrices de la

mère et sur l’enfant à naître”278. La Cour poursuit en indiquant que : “l’activité de

l’association, qui tend délibérément à créer une situation d’abandon, aboutit à détourner

l’institution de son véritable objet279 qui est, en principe, de donner une famille à un enfant

qui en est dépourvu.”.

La Cour rejette le pourvoi, sans se contenter, comme elle aurait pu le faire, de s’en remettre au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, mais en procédant à une véritable

substitution de motifs280, montrant, de cette manière, l’importance qu’elle entend donner à sa

décision.

Ainsi, à l’issue d’une évolution jurisprudentielle relativement rapide, le détournement d’institution a accédé, en moins d’une dizaine d’années, au statut de mécanisme protecteur de l’adoption, permettant de stopper les utilisations abusives dont cette dernière pouvait être la victime.

L’évolution devait se poursuivre et s’amplifier avec la consécration du nouveau concept par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.

En effet, la question tranchée par la Cour de cassation en 1989, à propos de la validité des adoptions des enfants nés de mères porteuses, était loin de faire l’unanimité, aussi bien en doctrine que dans les décisions des juges du fond, les questions en suspens dépassant de loin le cadre strictement juridique, pour toucher à des questions aussi fondamentales que celles de la dissociation entre mère génitrice et mère « porteuse », de « droit à l’enfant » ...

66. Confrontés à de tels enjeux, les juges étaient apparus hésitants sur les solutions à

apporter et des décisions contradictoires furent constatées en jurisprudence.

C’est ainsi que deux décisions de la Cour d’appel de Paris du 15 juin 1990281 ont cru possible

de remettre totalement en cause et le raisonnement et la solution dégagée par la Cour de cassation en 1989.

278

De telles conventions “sont donc nulles en application de l’art. 1128 C. civ. ... ces conventions contreviennent au principe d’ordre public de l’indisponibilité de l’état des personnes en ce qu’elles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont l’état ne correspondra pas à sa filiation réelle au moyen d’une renonciation et d’une cession, également prohibée, des droits reconnus par la loi à la future mère.”.

279

C’est nous qui soulignons.

280 Cf. note SERIAUX, n°3, citée supra.

281 JCP 1991, II, 21653, note EDELMAN et LABRUSSE-RIOU ; RTD civ. 1990, p. 457, obs. RUBELLIN-DEVICHI. L’une des deux décisions concernait un problème d’adoption internationale. L’affaire concernait aussi une maternité de substitution (mère porteuse de nationalité américaine). Cf. note BOULANGER, D. 1990, p. 542.

La Cour d’appel, dans des décisions fortement motivées, a adopté des motifs identiques sur le problème de la maternité de substitution ; la question à régler concernait notamment la

demande d’adoption plénière de l’enfant issu de cette maternité substituée282.

La Cour a réfuté les arguments tirés de la violation du principe d’indisponibilité de l’état des

personnes et de l’article 1128 du Code civil.283

La Cour a indiqué au sujet de l’objet du contrat, à savoir la remise de l’enfant, que cet accord “ne consacre pas le don – ou la cession – d’une chose (l’enfant) qui n’est pas dans le commerce, dès lors que la faculté est réservée à la mère de reconnaître l’enfant et que le père biologique tient ses droits à l’égard de cet enfant ... de l’abandon volontaire consenti par la mère après la naissance.”. La Cour a donc conclu que “l’adoption plénière réalisée dans ces conditions est seule de nature à assurer la parfaite cohésion de la famille constituée par le père biologique et son épouse”.

67. Un certain malaise s’est alors installé en jurisprudence, à la suite de ces décisions

apparaissant clairement comme contradictoires, avec la jurisprudence de la Cour de cassation : une illustration en est fournie par un arrêt de la Cour d’appel de Pau du 19 février

1991284. La Cour, tout en affirmant la nullité des conventions dites de «mère porteuse» et la

violation des dispositions de l’article 353-1 du Code civil285, avait tourné la difficulté en

282 La Cour a commencé par poser que l’adoption trouvait sa cause dans l’engagement liant le couple demandeur

à la mère porteuse et a déclaré qu’un tel engagement était valable “tant au regard des principes généraux que des règles légales applicables”. La Cour en a appelé aux “droits naturels”, au nombre desquels “figure celui de fonder une famille par la procréation, dans le respect des droits d’autrui.” (V. A. SERIAUX, Droit naturel et

procréation artificielle. Quelle jurisprudence ? , D. 1985, chron., p. 53). Elle a considéré que la maternité

substituée n’était pas illicite ou immorale au sens de l’article 6 du Code civil : “la maternité substituée, qui réalise une procréation médicalement assistée par la méthode de l’insémination artificielle ... n’apparaît que comme l’application de techniques désormais reconnues, mises en œuvre avec le libre consentement des intéressés, de sorte qu’en l’état actuel des pratiques scientifiques et des mœurs cette méthode n’apparaît pas contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.”.

283 Elle a estimé que “le caractère artificiel de la filiation consacrée par la maternité de substitution ne distingue pas ce type de situation d’autres processus, prévus par la loi ou permis par elle, tels l’abandon volontaire à la naissance suivi d’une adoption plénière”, que “l’engagement de la mère substituée ... ne méconnaît pas les règles sur la parenté et la filiation”, au nom de la liberté de la mère de reconnaître son enfant. La Cour a ajouté que l’abandon ainsi réalisé ne constitue pas une cession illicite de droits d’autorité parentale au profit du père biologique “qui, en la circonstance, les possède au même titre que la mère”. S’agissant de l’atteinte portée à l’article 1128 du Code civil, “il ne peut être déduit de ce texte l’illicéité de tout contrat ayant pour objet le corps humain, un certain nombre de dérogations étant ... intervenues – tel le don d’organes – en fonction de l’évolution sociale et des progrès de la technique.”. V. P. KAYSER, Les limites morales et juridiques de la procréation

artificielle, D. 1987, chron., p. 189.

284 D. 1991, p. 380, note LARRIBAU-TERNEYRE.

285 Lequel disposait à l’époque que « Dans le cas d'adoption d'un pupille de l'Etat ou d'un enfant étranger qui n'est pas l'enfant du conjoint de l'adoptant, le tribunal vérifie avant de prononcer l'adoption que le ou les requérants ont obtenu l'agrément pour adopter ou en étaient dispensés. Si l'agrément a été refusé ou s'il n'a pas été délivré dans le délai légal, le tribunal peut prononcer l'adoption s'il estime que les requérants sont aptes à accueillir l'enfant et que celle-ci est conforme à son intérêt ». Depuis la loi n°2002-93 du 22 janvier 2002, ce texte dispose : « Dans le cas d'adoption d'un pupille de l'Etat, d'un enfant remis à un organisme autorisé pour l'adoption ou d'un enfant étranger qui n'est pas l'enfant du conjoint de l'adoptant, le tribunal vérifie avant de prononcer l'adoption que le ou les requérants ont obtenu l'agrément pour adopter ou en étaient dispensés. Si

énonçant qu’elle n’était “pas saisie de la validité ni même de l’existence d’une telle convention (et) n’a à statuer que sur la requête aux fins d’adoption.”.

Elle avait donc choisi de se placer sur le terrain de l’adoption plénière, et notamment sur celui de l’article 353 du Code civil, qui charge le juge de vérifier “si les conditions posées par la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.”. Ainsi, après avoir constaté que les conditions légales étaient remplies, la Cour avait estimé que l’adoption était conforme à l’intérêt de l’enfant qui “n’a pas de filiation maternelle établie” et qui a été accueilli au foyer de l’adoptant dès les premiers jours suivant sa naissance par un couple doté de “très bonnes

conditions de moralité.”286.

De telles décisions des juges du fond, qui méconnaissaient la position prise par la Cour de cassation en 1989, remettaient en cause l’autorité de cette Cour ; c’est la raison pour laquelle, à la suite des décisions rendues par la Cour d’appel de Paris en 1990, un pourvoi en cassation

dans l’intérêt de la loi287 fut formé contre l’une d’entre elles par le Procureur général près la

Cour de cassation.

68. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a ainsi rendu le 31 mai 1991288 un arrêt

condamnant la pratique des maternités de substitution.

L’Assemblée plénière a choisi de réaffirmer haut et fort la position prise par la première

chambre civile en 1989289, condamnant par là-même les positions adoptées par les Cour

d’appel de Paris et de Pau.

l'agrément a été refusé ou s'il n'a pas été délivré dans le délai légal, le tribunal peut prononcer l'adoption s'il estime que les requérants sont aptes à accueillir l'enfant et que celle-ci est conforme à son intérêt ».

286 Madame RUBELLIN-DEVICHI constatait déjà, avant que n’intervienne cette décision, que “les tribunaux qui prononcent l’adoption sont généralement au courant, mais comme ils considèrent l’intérêt de l’enfant, ils n’envisagent pas de refuser le statut d’enfant légitime à celui qui était jusque là enfant adultérin du père.” (RTD civ. 1990, p. 255 ; La gestation pour le compte d’autrui, D. 1985, chron., 147 ; Procréations assistées et

stratégies en matière de filiations, article précité, p. 184). Pourtant, Madame LARRIBAU-TERNEYRE

considérait que le seul moyen de décourager ces pratiques des mères porteuses consisterait à “leur interdire d’atteindre le but recherché – l’établissement d’un lien de filiation fictif entre l’enfant et la mère substituée – en refusant l’adoption, indivisiblement liée à une convention illicite. ” (Article précité au D. 1991, p. 382. V. également B. EDELMAN et C. LABRUSSE-RIOU, JCP 1991, II, 21653, p. 114, n°27, qui condamnent le procédé).

287 Sur cette procédure ne remettant pas en cause la décision des juges du fond, qui est devenue définitive, v. article 17 de la loi du 3 janvier 1967 et Jacques et Louis BORE, La cassation en matière civile, Dalloz Action, 2009, n°141 et s.p. 754 et s. ; M. GOBERT, La maternité de substitution : réflexions à propos d’une décision

rassurante, Petites Affiches, 23 octobre 1991, n°127, p. 4.

288 D. 1991, p. 417 ; JCP 1991, II, 21752 ; JCP 1992, I, 3547, RTD civ. 1991, p. 517 ; Petites Affiches 27 novembre 1991, n°142, p. 13 et s. Décision qu’appelait de ses vœux Madame RUBELLIN-DEVICHI dans un article au JCP 1991 (Procréations assistées et stratégies en matière de filiations, JCP 1991, I, 3505, p. 183) : “Il est opportun qu’un pourvoi dans l’intérêt de la loi permette à la Cour de cassation de dire le droit : vraisemblablement, la Haute juridiction ne se déjugera pas quant à l’illicéité du recours à une mère porteuse ; mais elle pourrait être conduite à protéger le juge de première instance de l’indécence avec laquelle les demandeurs se moquent des magistrats, en cachant à moitié le détournement d’institution.”.

289

Cette décision a présenté la particularité d’avoir été rendue après audition d’une personnalité extérieure à la Cour, le Professeur Jean BERNARD, en qualité d’«amicus curiae», ce qui, à notre connaissance, se produisait

La Cour déclare en effet que “la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ... cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus

d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant

atteinte aux principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce

processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption.”290.

L’arrêt rendu a bénéficié ab initio d’une autorité incontestable, car la Cour casse l’arrêt pour violation de la loi, ce qui est le motif de cassation le plus grave, et indique par là que les juges du fond ont mal appliqué le droit.

Le concept de détournement d’institution a donc reçu la consécration de la plus haute

juridiction française291.

Cependant, tout en consacrant la notion, la Cour n’a pas pris le soin de préciser le sens qu’elle attribuait à cette expression.

69. La Cour de cassation292 a eu, après 1991, l’occasion de réaffirmer la position

condamnant la pratique des maternités de substitution dans deux autres affaires ; dans l’une, la seconde, la Cour a d’ailleurs purement et simplement repris en «chapeau», la solution dégagée par l’assemblée plénière en 1991, alors que dans la première, la Cour affirme que “la

pour la première fois. (Président du Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la vie. V. – le texte de sa communication au D. 1991, p. 417 et s.). L’amicus curiae, ou ami de la Cour : v. sur cette pratique,

cf. Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Procédure civile, Précis Dalloz, 27ème éd. Refondue, 2003, n°1000, p.

791. Tanguy BARTHOUIL, La filiation contractuelle : épilogue ou moratoire ? (Commentaire de l’arrêt du 31

mai 1991 de l’assemblée plénière de la Cour de cassation), RRJ 1991, 3, p. 846.

290 Le rapporteur de cette affaire, Yves CHARTIER avait écrit : “l’adoption plénière en l’occurrence est la fin d’un processus d’ensemble dont il est artificiel de l’isoler. Elle n’est que la partie, l’ultime partie d’un tout. Ainsi, dès lors que le «contrat» de maternité de substitution est nul, admettre l’adoption, n’est-ce pas donner indirectement force de loi à cette convention ? Est-il logique d’accepter de faire produire effet à ce qui est prohibé ?” (v. D. 1991, p. 421/422).

291 La position adoptée par la Cour de cassation en 1991, sur la question des mères porteuses, a reçu l’aval du législateur, avec la loi 94-653 du 29 juillet 1994, dite loi relative au respect du corps humain, qui a inséré dans le Code civil un article 16-7 disposant : “Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle.” (Ch. BYK, La loi relative au respect du corps humain, JCP 1994, I, 3788). Ceci constitue une nouvelle illustration du phénomène de prise en considération du détournement d’institution par le législateur). Cette nouvelle loi a sanctionné également, sur le plan pénal, le fait de “s’entremettre, même sans but lucratif, entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de leur remettre.” (Ch. BYK, article précité, et article 227-12 al. 3 du Code pénal).

Déjà en 1992, le législateur avait incriminé “le fait, dans un but lucratif, de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître.” (Loi 92-684 du 22 juillet 1992, article 220-12 al. 2 du Code pénal). Actuellement, un mouvement en faveur de la légalisation des mères porteuses semble prendre de l’ampleur : cf. Le Monde du 30 mars 2009, qui évoque un appel lancé sur le web par 60 personnalités et chercheurs.

292

Civ., 1 ère , 29 juin 1994, Bull. civ. , I, n°226 ; JCP 1994, 2153, p. 285 ; D. 1994, p. 581 ; JCP 1995, II, p. 15, note RUBELLIN-DEVICHI ; Gaz. Pal. 12-13 juillet 1995, n°193-194, somm. p. 60.

maternité pour autrui, dont le caractère illicite se déduit des principes généraux du Code civil

et, aujourd’hui, de son article 16-7, réalise un détournement de l’institution de l’adoptionˮ293.

La deuxième affaire a permis d’illustrer un des dangers que Madame

LARRIBAU-TERNEYRE294 avait essayé de dénoncer, à propos de la jurisprudence sur les mères

porteuses, en affirmant qu’il ne fallait pas faire de “l’enfant une victime encore plus pitoyable

du système utilisé par ceux qui revendiquent un droit à l’enfant.”.295

En effet, en l’espèce, la Cour d’appel s’était fondée sur la notion d’intérêt de l’enfant, pour ne prononcer qu’une adoption simple, en considérant qu’il était “du devoir de la société de protéger l’enfant contre les erreurs des adultes et que l’adoption est conforme à l’intérêt de la

jeune Solène, qui vit depuis sa naissance auprès de Mme B...”296.

La Cour de cassation casse l’arrêt pour violation de la loi, en indiquant “qu’en se déterminant ainsi, alors que cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption, la Cour d’appel a violé les textes

susvisés”297.

293 Civ. 1ère, 9 décembre 2003, Bull. civ. 2003, I, n°252 ; Defrénois, 30 avril 2004, n°8, p. 592-594, note Jacques MASSIP. L’un des arguments de l’épouse, demandeur à l’adoption, était de dire que la conception de l’enfant (enfant née en 1987) avait eu lieu « à un moment où ni la loi, ni la jurisprudence, ne s’étaient prononcées sur la maternité pour autrui ; qu’il n’était pas prévisible, avant que l’assemblée plénière n’en décide ainsi …. qu’il serait impossible d’adopter les enfants nés à la suite d’une convention de “mère porteuseˮ. Il y aurait, en suivant ce raisonnement, une sorte de « droit acquis » à l’adoption, pour les enfants conçus de mères porteuses avant 1991. V. également, Civ. 1ère 17 décembre 2008, Bull. civ. 2008, n°289. La Cour de cassation fonde désormais la nullité des conventions de mères porteuses sur l’article 16-7 du Code civil.

294 note sous Pau, 19 février 1991, D. 1991, p. 380, spéc. p. 382.

295 Sur ce «droit», Pierre RAYNAUD, L’enfant peut-il être objet de droit ? D. 1988, chron., p. 109. En effet, les faits étaient les suivants, un couple marié avait eu recours aux services d’une mère porteuse pour avoir un enfant, lequel était né en 1985. En 1986, la mère porteuse, qui avait reconnu l’enfant, avait donné son accord pour l’adoption plénière de la jeune Solène, mais le mari ne s’était pas associé à la procédure d’adoption, l’épouse ayant quitté le domicile conjugal avec l’enfant et formé une action en divorce. L’épouse avait déposé une requête en adoption plénière de l‘enfant et a assigné son mari devant le Tribunal de grande instance. Le tribunal avait accueilli la demande.

296 Madame LARRIBAU-TERNEYRE, à l’issue d’un commentaire sur la jurisprudence concernant les

maternités de substitution, concluait : “Autrement dit, l’adoption d’un enfant issu d’une relation de mère porteuse ne peut être refusée, sur le terrain de l’opportunité, au seul motif qu’elle consacre un détournement manifeste de l’institution de l’adoption.”.

Elle indiquait, à propos de l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière que “c’est sur le terrain de la légalité que se place l’Assemblée plénière ; elle atteint l’adoption par l’intermédiaire de la convention de mère porteuse en retenant l’existence d’«un processus d’ensemble», donc l’indivisibilité entre les deux opérations. Un refus ne pourrait ainsi être justifié, sur le terrain de l’opportunité, que par une référence directe à l’intérêt de l’enfant.”. 297 Et pour marquer sa détermination, la Cour a eu recours à la procédure exceptionnelle de l’article 627 du Nouveau code de procédure civile, lequel déclare que la Cour de cassation “peut ainsi, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée.”. Sur cette procédure, cf. VINCENT et

La Cour refuse de prononcer une adoption qui aurait eu pour conséquence, dans l’hypothèse

inverse, de cautionner indirectement le système des mères porteuses298 : si l’on admet la

nullité de la convention liant le couple demandeur à la mère porteuse, il faut admettre la nullité subséquente de l’adoption de l’enfant né dans de telles conditions. C’est ce que l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait entendu marquer, en retenant que ces pratiques relevaient d’un «processus d’ensemble». La convention de mère porteuse et

l’adoption sont indissociables299, au nom du détournement d’institution qu’elles ont pour objet

de réaliser, l’adoption ne peut donc être prononcée sans remettre en cause cette affirmation.

70. Ce qui est finalement reproché par la sanction du détournement d’institution de

l’adoption, c’est le caractère programmé de la chose ou «anticipé»300, qui confère au

processus la nature d’un détournement d’institution et qui est ici sanctionné301.

L‘existence du concept de détournement d’institution, en matière d’adoption, avait fait l’objet d’une première décision de la Cour de cassation, dès avant la problématique des mères porteuses, s’agissant d’adoptions faites dans le but de nuire à autrui, dès le début de l’année

1989302.

b) L’adoption pour faire échec aux relations de l’enfant avec ses grands-parents

298 V. note LARRIBAU-TERNEYRE, citée supra ; obs. MASSIP, Defrénois 1991, art. 35088, p. 950 : “Mais en

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