• Aucun résultat trouvé

L’institution juridique est un corps de règles de droit

Dans le document Le détournement d'institution (Page 110-117)

SECTION I : DEFINITION DU DETOURNEMENT D’INSTITUTION

B- La finalité est au cœur de la notion d’institution juridique

1) L’institution juridique est un corps de règles de droit

107. L’idée que l’institution juridique est, en droit privé, un corps de règles de droit461 est

constante en doctrine, mais affirmer que l’institution est un corps de règles ne résout rien, sauf à préciser ce qu’il faut entendre par « corps de règles ».

La doctrine évoque d’ailleurs indifféremment les notions de « corps »462 ou « d’ensembles de

règles »463, de « composé »464, de complexe465, de « nœud », ou de noyau, ou encore de

- l’unité de l’ensemble, unité résultant de ce que toutes ces règles tendent à réaliser une seule et même idée, poursuivent une seule et même fonction.” (Dominique FENOUILLET, Couple hors mariage et contrat, p. 81 et s., spéc. p. 102/103, in D. FENOUILLET et P. de VARENNES-SOMMIERES, La contractualisation de la

famille, Economica, 2001).

461 La définition de la règle de droit fait aujourd’hui preuve d’un relatif consensus, au sein de la doctrine. Il s’agit d’une “ une règle de conduite humaine, à l’observation de laquelle la société peut nous contraindre par une pression extérieure plus ou moins intense” (Jean CARBONNIER, Droit civil. Introduction, Les personnes, La

famille, l’enfant, le couple, vol. I, 1ère éd., Quadrige, PUF, 2004, n°4, p. 10).

Gérard CORNU précise que la règle de droit est “toute norme juridiquement obligatoire (normalement assortie de la contrainte étatique), quels que soient sa source (règle légale, coutumière), son degré de généralité (règle générale, spéciale), sa portée (règle absolue, rigide, souple, etc.) ; en ce sens l’exception aussi est une règle.” (Vocabulaire juridique, 8ème éd., PUF, Quadrige, 2007, p. 788. Du même auteur, Droit civil. Introduction. Les

Personnes. Les Biens, 7ème éd., Domat, Droit, Montchrétien, 1994, n°13, p. 18 : “Etymologiquement, « règle de droit » est une double métaphore et un pléonasme : la règle (« regula ») est l’objet rigide et rectiligne qui empêche de dévier et « droit », venant de « direct » (directum, diri gere composé de regere) signifie à la fois en ligne droite (suivant la règle) et, au figuré, conforme à la règle. Pourtant, la définition juridique donne un sens à chaque mot.”. V. également Jean-Louis BERGEL, Théorie générale du droit, 4ème éd., Dalloz, 2003, n°172, p. 201 : “La règle de droit, règle de conduite générale, abstraite et obligatoire, dont la sanction est assurée par la puissance publique, ne régit généralement que des aspects particuliers d’une relation sociale.”. Julien BONNECASE, Introduction au Droit. Le problème du droit devant la philosophie, la science et la morale, Sirey, 1926, n°6, p. 20. Julien BONNECASE, Introduction à l’étude du Droit. Notions élémentaires, 3ème éd., Sirey, 1939, p. 31).

462 Gaston MORIN parle de «corps constitués» pour désigner les institutions-organismes, reprenant en cela l’expression utilisée par HAURIOU, et précise que RENARD “ne comprend, sous le terme d’institution, que les seuls corps sociaux, c’est à dire, si l’on se réfère à la terminologie d’HAURIOU, que l’une des espèces du genre.”(Gaston MORIN, Vers la réunion de la Technique juridique. Le concept d’institution, APD 1931, p. 76. André DESQUEYRAT, L’institution, le droit objectif et la technique positive. Essai historique et doctrinal, Thèse, Paris, Sirey, 1933, cité supra, p. 18).

463 “L’institution-mécanisme … est donc un ensemble de règles bien coordonnées et visant à un but social : exemple : le livret scolaire, le registre du commerce, le cadastre, le casier judiciaire, les retraites ouvrières, etc.” (André DESQUEYRAT, L’institution, le droit objectif et la technique positive. Essai historique et doctrinal,

« faisceaux » de règles juridiques466 : les institutions juridiques sont “des ensembles de règles

de Droit, des corps de règles, organisés autour d’une idée centrale”467. Elles correspondent “à

ces ensembles organiques et systématiques de règles de droit qui régissent, en fonction d’un

but commun, une manifestation permanente et abstraite de la vie sociale.”468.

Les termes de « corps » ou de « corpus »469 renvoient, sur le plan juridique, à 1) une « Série

de dispositions formant un ensemble cohérent (ex. régimes matrimoniaux) » ou à 2) un « ensemble cohérent de règles ou un recueil privé des textes de loi … ».

Jean DABIN470 reprend lui aussi cette notion de corps et explique que “comme les personnes

morales font corps au service d’une œuvre, les règles de droit font corps autour d’une idée.

Thèse, Paris, Sirey, 1933, p. 167/168). Ou encore : “l’institution se présente, au niveau intermédiaire des systèmes collectifs d’organisation et d’action, sous l’aspect d’ensembles partiels relativement isolés, séparés, cloisonnés, et dotés d’une certaine consistance organique.” (Jacques CHEVALLIER, L’analyse institutionnelle,

in L’institution, ouvrage collectif, PUF, 1981, p. 13). L’institution y est présentée en effet comme “une

association de règles de droit plus importantes que celle des catégories.” (Boris STARCK, Henri ROLAND, Laurent BOYER, Introduction au droit, 5ème éd., 2000, n°256, p. 108), ou encore comme “un ensemble organique dont les pièces sont les règles de droit.” (Julien BONNECASE, Introduction à l’étude du Droit.

Notions élémentaires, 3e éd., Sirey, 1939, p. 80). Pour Claude DU PASQUIER, “Les règles se groupent autour de noyaux, qui sont les institutions juridiques. L’institution juridique est un ensemble typique de relations organisées par le droit : par exemple le mariage, la propriété, le testament” (Claude DU PASQUIER,

Introduction à la théorie générale et à la philosophie du droit, 3ème éd., mise à jour et augmentée, Delachaux et Niestlé SA, 1948, p. 141). Jean CARBONNIER définit l’institution juridique comme un “composé de règles de droit qui embrasse un série de relations sociales tendant aux mêmes fins. ” (Jean CARBONNIER, Droit civil.

Introduction, Les personnes, La famille, l’enfant, le couple, vol. I, 1ère éd., Quadrige, PUF, 2004, n°4, p. 12).

464 J. BONNECASE définit l’institution juridique comme “un composé de règles de droit se pénétrant les unes

les autres au point de constituer un tout organique et embrassant une série indéfinie de relations qui sont, du coup, transformées en rapports de droit et dérivent toutes d’un fait unique fondamental ; ce fait, origine et base de l’institution, la domine nécessairement, en commande la structure et le développement” (Supplément au

Traité théorique et pratique de Droit civil, précité, n°381, p. 591. Introduction au Droit. Le problème du Droit devant la philosophie, la science et la morale, cité supra, n°8, p. 28 et Introduction à l’étude du Droit, Notions élémentaires, n°62, p. 80. V. IHERING, L’esprit du droit romain, précité, p.36 et s., dont BONNECASE

s’inspire directement en ce qui concerne l’institution).

465 Paul ROUBIER, Théorie générale du Droit. Histoire des doctrines juridiques et Philosophie des valeurs

sociales, 2ème éd., revue et aug., Sirey, 1951, p. 17 : “la notion d’institution juridique, envisagée comme un complexe organique, auquel correspond tout un faisceau de règles de droit.”. Jean CARBONNIER, Sociologie

juridique, 2ème éd. Quadrige, PUF, 2004, p. 339.

466 ROUBIER définissait l’institution comme “un ensemble organique qui contient la réglementation d’une

donnée concrète et durable de la vie sociale et qui est constituée par un nœud de règles juridiques dirigées vers un but commun” . (Paul ROUBIER, Théorie générale du droit. Histoire des doctrines juridiques et Philosophie des valeurs sociales, 2e éd. rev. et aug., Sirey, 1951, p. 17).

467 Jean BRETHE DE LA GRESSAYE, Marcel LABORDE-LACOSTE, Introduction générale à l’étude du

droit, Sirey, 1947, n°193, p. 157 : “Toutes les règles relatives à un rapport social fondamental s’agrègent les unes aux autres, forment un tout organique, un corps de règles, qui s’appelle une institution juridique, ou ensemble ordonné, stable (du latin stare, se tenir).”. Jean BRETHE DE LA GRESSAYE, Institution, Recueil Dalloz, 1973, n°2. Rappr. Jean-Louis BERGEL, Théorie générale du Droit, 4ème éd., Dalloz, 2003, n°165, p. 194 : “les institutions sont … des « corps de règles » organisés autour d’une idée maîtresse”.

468

Jean-Louis BERGEL, Théorie générale du Droit, 4ème éd., Dalloz, 2003, n°166, p. 194. Comp. Eric LOQUIN,

Les principes républicains dans le Code civil. Réflexions sur la contribution du Code civil à l’émergence de principes républicains ; in La République en droit français, sous la direction de Bertrand MATHIEU et Michel

VERPEAUX, Economica, 1996, p. 240 : “On sait que l’institution juridique peut être définie comme un ensemble de règles organisant de manière durable une donnée concrète de la vie sociale.”.). D’autres auteurs relèvent que “ les règles se regroupent autour de noyaux, qui sont les institutions juridiques. L’institution juridique est un ensemble typique de relations organisées par le droit” (Claude DU PASQUIER, Introduction à

la théorie générale et à la philosophie du droit, 3ème éd., mise à jour et augmentée, Delachaux et Niestlé SA, 1948, n°160, p. 141.

Mais tandis que les membres de la personne morale sont des personnes physiques ... les éléments constitutifs du «corps de droit», c’est à dire de l’institution qui les rassemble, sont des règles juridiques).”.

C’est pour cette raison que DABIN considère que les règles de droit forment des «ensembles organiques». Cette expression est en fait prise comme synonyme de l’expression de

«corps»471.

Jean DABIN472 écrit en effet : “Quand le droit est parvenu à un certain degré de perfection …

les règles ne se présentent pas comme autant de pièces détachées sans lien les unes avec les autres. Au contraire, elles forment (ou tendent à former) des ensembles organiques que l’on

nomme des institutions.”. Paul ROUBIER473 explique que le caractère organique “tendant à la

création d’un ensemble juridique” est un des « deux éléments principaux » de l’institution juridique. L’“institution juridique a un caractère organique ; elle constitue un ensemble vivant

de règles, et un ensemble qui est créé par le droit objectif et non par les particuliers.”474.

La notion de «corps» traduit l’idée d’une organisation475, d’une systématisation476, autour

d’un principe fédérateur477, qui est l’idée directrice ou la finalité de l’institution478. Le corps

470 Théorie générale du Droit, précitée, n°85, p. 99. Jean CARBONNIER, Droit civil. Introduction au droit, cité supra, n°4, p. 12. Roger PERROT affirme que “les institutions … opèrent chacune un groupement de règles juridiques éparses.”. L’auteur observe qu’en effet “Les règles juridiques qui commandent chacune d’elles, que ce soit la propriété ou le jury criminel, par exemple, sont groupées autour d’un même « pôle ». On peut observer, en effet, que les règles légales ne sont pas disséminées au hasard dans les Codes ; La plupart se groupent « en famille » sous forme de mécanismes complexes ; elles se rassemblent autour de certaines idées directrices.” (Roger PERROT, De l’influence de la technique sur le but des institutions juridiques, Sirey, 1953, p. 5/6). 471 En fait, la notion de «tout organique», traduit l’idée de corps, d’ensemble cohérent et organisé, et fait sans doute référence à la vision du droit qu’avait IHERING, qui le considérait comme un «organisme» (L’esprit du

droit romain , précité, p. 36).

472

Jean DABIN, Théorie générale du Droit, Nouvelle édition, Dalloz, 1969, n°85, p. 99. V. Paul ROUBIER,

Théorie générale du Droit. Histoire des doctrines juridiques et Philosophie des valeurs sociales, 2ème éd. Revue et augm., Sirey, 1951, p. 19/20 : “Une institution juridique est un ensemble organique qui contient la

réglementation d’une donnée concrète et durable de la vie sociale et qui est constituée par un nœud de règles juridiques dirigées vers un but commun.”. Jean-Louis BERGEL, Théorie générale du droit, 4ème éd., Dalloz, 2003, n°166, p. 194 : “Les règles de droit ne sont pas des normes dispersées et indépendantes les unes des autres. Elles s’ordonnent entre elles, se groupent, se hiérarchisent … Ainsi, les règles de droit doivent être groupées dans des ensembles organisés qui constituent l’ordonnancement juridique d’un certain type de relation sociale autour d’une idée directrice, d’une inspiration commune.”.

473 Paul ROUBIER, Théorie générale du Droit. Histoire des doctrines juridiques et Philosophie des valeurs

sociales, 2ème éd. Revue et augm., Sirey, 1951, p. 20.

474 Paul ROUBIER, Théorie générale du Droit. Histoire des doctrines juridiques et Philosophie des valeurs

sociales, 2ème éd. Revue et augm., Sirey, 1951, p. 20. RENARD estime pour sa part que l’institution est “l’être qui supporte les institutions, au sens vulgaire du mot ... l’institution est un organisme” (La théorie de

l’Institution, précitée, p. 98 et p. 215).

475 J. L. BERGEL effectue le même constat, pour les institutions juridiques, lorsqu’il écrit : “entre les règles ainsi articulées, il existe des enchaînements logiques et matériels. Les institutions sont de véritables corps juridiques.”(Opus cité, n°166, p. 194. Christian LARROUMET, Introduction à l’étude du Droit privé, 5e éd., Economica, 2006, n°142, p. 82).

476 Les différentes définitions juridiques évoquent à chaque fois l’idée d’ensemble : V. Gérard CORNU,

Vocabulaire juridique, 8ème éd. Mise à jour, Quadrige, PUF, 2007, p. 245. Par ex. corps de règles : “Série de dispositions formant un ensemble cohérent”.

est un ensemble de règles de fond, mais également de forme (ou de procédure). A cet égard l’adoption, le mariage, le divorce sont composés de règles de fond (capacité, âge, conséquences), mais également de forme (formes des demandes, procédure, délais, voies de recours) qui forment un tout, en ce qu’elles sont orientées autour d’un but commun.

Les règles de droit, qui constituent la « matière première » des institutions juridiques479, “se

définissent comme les règles de conduite régissant les rapports sociaux, sanctionnées par le

Droit et qui ont un caractère permanent, général et abstrait.ˮ480.

108. Evidemment, la difficulté consiste, pour l’utilisateur, à cerner concrètement ce qui

constitue le corps de règles, ou l’ensemble, afin de pouvoir déterminer ce qui ressort de l’institution de ce qui n’en est pas.

Il faut donc pouvoir en proposer un critère.

Le critère est-il quantitatif ? Il est alors nécessaire qu’un certain nombre de règles se

regroupent pour former un corps et la difficulté est alors de fixer le seuil à partir duquel plusieurs règles peuvent prétendre former une institution juridique. Combien de règles faut-il pour former un ensemble ?

Il faut se reporter aux dictionnaires de la langue française481 pour trouver une définition du

terme d’ « ensemble » (car les dictionnaires juridiques n’en font pas état) : il s’agit dans un sens premier (adverbe) de “L’un avec l’autre, les uns avec les autres” et dans un second sens

(nom masculin) de “ L'union des parties dans un tout ; l'effet qui en résulte.”.

Jean CARBONNIER explicite l’élément « ensemble de règles », caractéristique de l’institution juridique. Cet ensemble se compose, de plusieurs règles qui s’additionnent entre elles (une + une + une = institution). L’institution s’obtient donc par la somme de plusieurs

477 Le caractère systématique des institutions permet d’ailleurs de les distinguer des principes généraux du droit. Sur ce point v. J. DABIN, Théorie générale du Droit, précité, n°91, p. 105/106 et J. L. BERGEL, Opus cité, n°173, p. 202.

478 Ce caractère d’organisation est d’ailleurs commun aux institutions-organismes et aux institutions juridiques. 479 La règle de droit est l’élément de base de l’institution juridique. La règle de droit établit des droits et des devoirs. Cela explique qu’une décision récente concernant l’autorité parentale, a jugé bon de rappeler que selon l’article 371-1 du Code civil, “l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.” (Civ. 1ère, 8 novembre 2005, D. 2006, J., p. 554). Plusieurs auteurs ayant affirmé que l’autorité parentale était une institution, cela signifie qu’une institution est aussi « un ensemble de droits et de devoirs ayant une finalité commune ».

Jean CARBONNIER définissait la règle de droit comme “ une règle de conduite humaine, à l’observation de laquelle la société peut nous contraindre par une pression extérieure plus ou moins intense”( Jean CARBONNIER, Droit civil. Introduction. 22ème éd. mise à jour, PUF, 1994, n°4, p. 21/22. La dernière édition reprend la même idée, cf Droit civil. Introduction, Les personnes, La famille, l’enfant, le couple, vol. I, 1ère éd., Quadrige, PUF, 2004, n°4, p. 11/12).

480 Jean-Louis BERGEL, Théorie générale du droit, 4ème éd., Dalloz, 2003, n°36, p. 47. Cf. infra, 2ème partie, p. 397 et s. La distinction entre institution juridique et règle de droit sera évoquée pour distinguer le détournement d’institution de la fraude à la loi.

règles482. Dès lors, la qualification d’ « institution juridique » s’impose à partir du moment où plusieurs règles peuvent être reliées entre elles pour donner naissance à un « corps » juridique. Il indique en effet que “si vous ajoutez à l’a. 205 les a. 206 à 211, vous avez toute une série de règles de droit dérivées de cette idée fondamentale qu’il faut, entre proches parents, se secourir en cas de besoin. C’est l’institution juridique de l’obligation alimentaire. ”

Un autre auteur483 estime qu’“Il en faut au moins deux, sans que, pour autant, cela paraisse

suffisant.”.

En jurisprudence, les décisions ayant évoqué ouvertement la notion d’institution concernent essentiellement l’institution de l’adoption, celle du mariage et certaines institutions du droit du travail .

En matière d’adoption, une décision permet affirmer qu’il faut plusieurs règles pour qu’une institution soit constituée : en effet dans la décision du 9 juillet 1981 précitée, la Cour d’appel

de RIOM484 avait relevé qu’en l’espèce, “S’il n’est pas contestable que E. et Melle M.

remplissent les conditions exigées par les articles 344, 348 et suivants, ainsi que 363 du Code civil, il ne saurait toutefois être perdu de vue que la loi sur l’adoption a pour but de créer une filiation et qu’elle ne doit pas être détournée de son esprit”.

La Cour souligne qu’il y a plusieurs dispositions qui se regroupent pour former l’institution de l’adoption.

Il peut donc être soutenu qu’un critère quantitatif permet de cerner le corps de règles qu’est l’institution juridique.

Mais le critère ne peut-il pas être qualitatif ? Ne pourraient alors prétendre à la qualification

d’institution, que les regroupements de règles jugées suffisamment fondamentales pour mériter une telle qualification. La question se pose alors de savoir quels seront les critères retenus pour dire que telle ou telle règle est fondamentale et telle autre non.

Une illustration de ce critère peut être tirée d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles, du 2 octobre 2003. La Cour était saisie d’une décision d’un juge des référés, concernant l’utilisation du droit d’alerte par le comité d’établissement situé sur l’un des deux sites d’une entreprise.

482 Mais il est fondamental d’ajouter : reliées entre elles par une finalité commune. Cf. infra, 118 et s. En pratique, fort heureusement, il existe des « indices » permettant de reconnaître quasiment à coup sûr une institution juridique : car très souvent de tels « composés de règles de droit » sont regroupés, qu’ils soient ou non codifiés, au sein d’un même chapitre ou d’une même section (ex. les délégués syndicaux (droit du travail)). Un rassemblement de règles sous la même « bannière », autour d’un même objet, doit faire soupçonner l’existence d’une institution.

483 Dominique FENOUILLET, Couple hors mariage et contrat, p. 81 et s., spéc. p. 102, note 3, in D. FENOUILLET et P. de VARENNES-SOMMIERES, La contractualisation de la famille, Economica, 2001.

Le juge des référés avait estimé que l’exercice du droit d’alerte relevait uniquement et exclusivement du comité central d’entreprise et avait notamment « surabondamment » estimé que “le recours au droit d’alerte dans le cadre invoqué, même motivé par une légitime préoccupation de certains salariés quant à la forme de leur emploi, correspond de manière

flagrante à un détournement de cette institution.ˮ.

La Cour d’appel confirme la solution, en retenant que “par sa finalité et ses modalités, le droit d’alerte concerne l’entreprise en son entier et non tel ou tel de ses établissements, qu’ainsi énoncé par le premier juge, le droit d’alerte est une attribution purement économique qui

relève du comité correspondant à la structure sociale où s’exerce ce pouvoir économique …ˮ.

Le droit d’alerte, était, à l’époque des faits, le résultat des dispositions d’un seul article du

Code du travail, l’article L 432-5485 ...

Pourtant le juge des référés, a considéré que le droit d’alerte était une institution486. La

décision peut surprendre, mais en même temps prend tout son sens, lorsque l’on sait que le législateur a également organisé le droit d’alerte pour les membres du comite d’hygiène et de

sécurité487.

Le Code du travail permet l’exercice de ce « droit », lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits « de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique

de l’entreprise »488. Il ne fait donc aucun doute que les dispositions résultant de ce droit, qui

concernent la situation économique de l’entreprise, ont été jugées dignes de « protection »489.

Il n’est d’ailleurs pas inconcevable de songer à un cumul des deux critères – quantitatif et qualitatif - pour reconnaître à un ensemble de règles le statut d’institution.

109. En doctrine, peu d’auteurs ont évoqué de telles difficultés, si ce n’est Jean

CARBONNIER qui, dans l’exemple cité plus haut, a été peut-être le plus précis quant au nombre de règles pouvant être retenu pour former une institution.

Récemment, un autre auteur, Dominique FENOUILLET490 a évoqué la question, en se

Dans le document Le détournement d'institution (Page 110-117)