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LES DOMAINES POSSIBLES DU DETOURNEMENT D’INSTITUTION

Dans le document Le détournement d'institution (Page 162-200)

155. A côté des détournements d’institution relevés par la jurisprudence, la doctrine, en

s’interrogeant sur cette nouvelle notion de « détournement d’institution », a découvert d’autres pistes pour lesquelles le détournement d’institution pourrait permettre d’appréhender, ou d’expliquer certaines situations.

Evidemment, le droit de la famille s’est révélé être un terrain fertile pour constater de nouveaux détournements (§1), mais toutes les institutions juridiques, ont en quelque sorte

« vocation » à faire, un jour ou l’autre, l’objet de détournements695 (§2).

§1- Le droit de la famille

156. En droit de la famille, le terrain de prédilection du détournement d’institution reste

sans aucun doute l’adoption (A). Mais d’autres institutions sont touchées par le phénomène (B).

A – L’adoption

157. La doctrine a vu en effet dans certaines formes d’utilisation de l’adoption des

détournements d’institution. C’est le cas, par exemple, en matière d’adoption de son propre enfant naturel (1), d’adoptions réalisées dans un but successoral (2), d’adoptions-légitimation (3) ou d’adoption pour obtenir l’autorité parentale conjointe (4).

1) – L’adoption de son propre enfant naturel

158. De telles adoptions concernent des enfants naturels simples (a), mais également des

enfants naturels adultérins696 (b).

a) L’adoption de son enfant naturel simple

695 En raison du sens retenu du mot institution. Cf. supra, Institution et institution juridique, p. 93.

696 L’ordonnance 2005-759 du 4 juillet 2005 supprimant les distinctions entre enfants naturels simples et adultérins, de telles adoptions ne présenteront désormais qu’un intérêt historique. Sur ces adoptions, cf. François

TERRE, Dominique FENOUILLET, Droit civil. Les Personnes, la Famille, les Incapacités, 7ème éd. 2005, Précis

159. L’adoption par un parent de son enfant naturel (enfant naturel simple) a été admise de

bonne heure par la Cour de cassation697.

A l’époque, l’intérêt d’une telle démarche reposait sur la volonté d’assurer une meilleure situation successorale à l’enfant et de lui conférer une sorte de légitimité hors mariage : “Le principe du Code civil, rappelait M. DELANGLE, a été d’honorer le mariage. Aussi ce code a t-il refusé aux enfants naturels le titre d’héritiers, pour leur accorder seulement la qualité de créanciers. Pour prohiber la fraude à cette disposition, il a pris dans le titre Des donations d’autres dispositions ; tout cela n’est pas pour faire payer à de malheureux enfants la faute de

leur origine, mais c’est pour pousser leurs parents au mariage ”698.

Mais avec l’instauration de l’égalité entre les filiations légitimes et naturelles, par la loi du 3

janvier 1972699, la question avait été pratiquement vidée de son intérêt, s’agissant des enfants

naturels simples700.

Le débat a pourtant été relancé il y a quelques années, à l’occasion d’une demande d’adoption

d’un enfant naturel issu d’un inceste701. Un enfant, né de relations incestueuses entre un

demi-frère et une sœur, avait été reconnu par sa mère, puis par son père. La seconde reconnaissance

ayant été annulée702, le père avait formé une demande d’adoption simple de l’enfant. La Cour

697 Cass. ch. civ. 1er avril 1846, D.P 1846, I, p. 81, concl. contraires DELANGLE : “Il en résulte, jusqu’à l’évidence, que l’adoption de l’enfant naturel est une violation flagrante des lois qui régissent la matière ... Qui pourrait nier que l’adoption de l’enfant naturel ne doive avoir pour résultat de porter atteinte aux lois qui organisent la famille, et qui règlent le sort de transmissions successorales? ”.

698 Ainsi que l’a fait observer Madame RUBELLIN-DEVICHI, “jusqu’en 1972, plus qu’un moyen d’adoption,

l’article 343-1 du Code civil apparaissait surtout comme un moyen donné à une célibataire de légitimer son enfant naturel.” (Obs. à la RTD civ. 1984, p. 304) ; M. P. CHAMPENOIS-MARNIER, Jurisclasseur civil, Adoption, cité supra, n°50 et Pierre RAYNAUD, La réforme de l’adoption, D.1967, chron., n°36, p.84, qui regrette cette “déformation d’une institution”.

699

C. civ., article 334 : « L’enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère ». V. article 310 du Code civil, issu de l’ordonnance 2005-759 du 4 juillet 2005 : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux ».

700

On pourrait presque en douter à la lecture de cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 31 janvier 1983 (Gaz. Pal. 1983, 2e sem., somm., p. 99). Il s’agissait d’une adoption d’un enfant par le père naturel alors qu’il avait épousé la mère naturelle. On peut se demander pourquoi les parents n’ont pas eu recours à la légitimation par mariage prévue à l’article 331 du Code civil. V. également Paris, 1ère ch. suppl., 22 novembre 1985, Gaz. Pal. 1986, 1er sem., somm., p. 126, qui refuse l’adoption en invoquant l’intérêt de l’enfant. Le père souhaitait obtenir le transfert de l’exercice de l’autorité parentale et l’attribution à l’enfant du double nom de ses parents. Le ministère public avait rappelé opportunément que les souhaits du père adoptif pouvaient être réalisés par utilisation de l’article 374 §2 du Code civil sur l’autorité parentale et l’article 334-2 concernant la substitution du nom du père naturel à celui de la mère.

701 Civ. 1ère, 6 janvier 2004 ; Bull. civ., I, n°2, p. 2. D. 2004, 362, concl. Sainte-Rose, note Vigneau ; somm. 1419, obs. Granet-Lambrechts ; JCP 2004, II, 10064, note LABRUSSE-RIOU ; I, 109, obs. RUBELLIN-DEVICHI ; Defrénois 2004, 594, obs. MASSIP ; AJ famille 2004, 66, obs. BICHERON ; Dr. Fam. 2004, n°16, note FENOUILLET ; RJPF 2004-3/34, note GARE ; RLDC 2004/3, n°107, note DEKEUWER-DEFOSSEZ ; Petites Affiches, 8 avril 2004, note VOISIN ; RTD civ. 2004, p. 75, obs. HAUSER ; Dr. Famille 2003, n° 29, Dominique FENOUILLET, L’adoption de l’enfant incestueux par le demi-frère de sa mère, ou comment l’intérêt

prétendu de l’enfant tient lieu de seule règle de droit. Dr. Famille 2003, n° 29, p. 5 et s.

702

Sur le fondement de l’article 334-10 du Code civil : « S'il existe entre les père et mère de l'enfant naturel un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 ci-dessus pour cause de parenté, la filiation étant

d’appel avait fait droit à la demande, aux motifs notamment que la loi n’interdisait pas

l’adoption de son propre enfant703. Cette décision est censurée par la Cour de cassation, qui

indique que la demande d’adoption formée par le père incestueux “contrevient aux dispositions d’ordre public édictées par l’article 334-10 du Code civil interdisant l’établissement du double lien de filiation en cas d’inceste absolu”.

La demande d’adoption ainsi formée constituait sans nul doute un détournement de

l’institution de l’adoption704, car l’adoption n’a pas pour but de permettre de tourner la

prohibition de l’inceste. Le détournement d’institution était, de surcroît, en l’espèce, le moyen

d’accomplir une fraude à la loi sur la filiation705. La Cour de cassation ne vise en l’espèce ni

le détournement d’institution, ni la fraude à la loi, mais censure au visa de l’article 334-10, en

indiquant que ses dispositions sont d’ordre public706.

En outre, la question de l’adoption de son propre enfant naturel avait aussi conservé une certaine actualité, s’agissant des enfants naturels adultérins.

b) L’adoption de son enfant naturel adultérin

160. En effet, l’égalité instaurée entre enfants légitimes et enfants naturels n’était pas

parfaite car le législateur de 1972 avait cru bon de maintenir en position d’infériorité l’enfant

déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre ». (nouvel article 310-2 du Code civil, issu de l’ordonnance 2005-759 du 4 juillet 2005.

703 « et que l’adoption simple, ne manifestant pas une filiation biologique, ne pouvait être assimilée à la reconnaissance d’un enfant dont les père et mère connaissent un des empêchements à mariage prévu par les articles 161 et 162 du Code civil ». Cf. Dominique Fenouillet, L’adoption de l’enfant incestueux par le

demi-frère de sa mère, ou comment l’intérêt prétendu de l’enfant tient lieu de seule règle de droit. Dr. Famille 2003,

n° 29. 704

V. obs. Jacques MASSIP, Defrénois 2004, n°38, 594 : “Il n’est pas douteux non plus que l’admission de la requête constituerait un détournement de l’institution de l’adoptionˮ. V. l’arrêt de la Cour de renvoi : Cour d’appel de PARIS, 1ère ch. C, 5 avril 2005, Gaz. Pal. 2005, 1er/3 mars, J., p. 8 et s., concl. GIZARDIN. Madame GIZARDIN estime que “l’adoption de son propre enfant, telle qu’elle est prévue par l’article 348-5 du Code civil ne saurait mettre à néant les prohibitions de l’article 334-10 précité. En décider autrement constituerait un détournement de procédure constitutif d’une fraude à la loi. Le détournement de l’institution de l’adoption a été régulièrement sanctionné par la jurisprudence.ˮ. Dominique Fenouillet, L’adoption de l’enfant incestueux par le

demi-frère de sa mère, ou comment l’intérêt prétendu de l’enfant tient lieu de seule règle de droit. Dr. Famille

2003, n° 29. Madame FENOUILLET note que “L’adoption est cette institution destinée à créer un lien de filiation malgré l’absence de lien biologique. Elle n’est certainement pas destinée, en revanche, à permettre l’établissement d’un lien de filiation en présence d’un lien biologique interdit.ˮ.

705 Jacques MASSIP indique qu’il “est clair que le recours à l’adoption est ici un cas typique de fraude à la loi, à savoir le recours à une technique licite pour obtenir un résultat prohibé par une loi impérativeˮ, Defrénois 2004, n°38, 594. Cf. également Dominique Fenouillet, L’adoption de l’enfant incestueux par le demi-frère de sa mère,

ou comment l’intérêt prétendu de l’enfant tient lieu de seule règle de droit. Dr. Famille 2003, n° 29, p. 5 et s.

706 Un auteur en a déduit que qu’il n’existait pas à propos de la notion de détournement d’institution “de théorie jurisprudentielle consolidéeˮ. Dominique FENOUILLET, Le détournement d’institution familiale, Mélanges Philippe MALAURIE, Defrénois, Paris, 2005, p. 237 et s, spéc. p. 243. L’explication ne vient-elle pas tout simplement du fait, qu’en l’espèce, ainsi que le relève fort justement Jacques MASSIP, “la Cour suprême peut s’appuyer sur un argument de texte : l’article 334-110 du Code civilˮ ? Le détournement d’institution ne serait ainsi sanctionné, de la même manière que l’abus de droit ou la fraude à la loi, qu’en l’absence de textes permettant d’appréhender le comportement malhonnête de l’utilisateur.

naturel adultérin, lorsqu’il venait à la succession de son auteur en concours avec le conjoint ou les enfants victimes de l’adultère. L’enfant adultérin voyait alors ses droits successoraux

réduits de moitié707.

Il pouvait alors être tentant, pour le conjoint auteur de l’adultère, de rétablir une vocation

successorale “normale” de ces enfants en ayant recours à l’adoption708. L’enfant adopté

acquerrait alors le statut d’enfant “légitime” du mari, puisque l’adoption avait pour effet de

conférer les mêmes droits à l’adopté et les mêmes obligations qu’un enfant légitime709.

Cette assimilation de l’enfant adopté à l’enfant légitime était complète, car la Cour de

cassation710 avait même décidé que l’enfant adopté par un couple marié pouvait bénéficier des

dispositions des articles 759, 760 et 915 du Code civil, protégeant l’enfant légitime issu du

mariage, en concours avec l’enfant adultérin du mari ou de l’épouse711.

707 C. civ. art. 759, 760 et 915. Article 759 : « Les enfants naturels dont le père ou la mère était, au temps de leur conception, engagé dans les liens du mariage avec une autre personne, n'excluent pas celle-ci de la succession de leur auteur, lorsque, à leur défaut, elle y eût été appelée par application des articles 765 et 766 ci-dessous. En pareil cas, ils ne recevront, quel que soit leur nombre, que la moitié de ce qui, en leur absence, aurait été dévolu au conjoint selon les articles précités, le calcul étant fait ligne par ligne.

La répartition de la succession se fixe d'après l'état des vocations héréditaires au jour du décès, nonobstant toutes renonciations ultérieures. ».

Article 760 : « Si le conjoint survivant ou les enfants issus du mariage demandent, à charge de soulte s'il y a lieu, que certains biens de la succession leur soient attribués par préférence dans les conditions de l'article 832, les enfants naturels visés aux deux articles précédents ne pourront s'opposer à cette attribution préférentielle. La même faculté s'étend au local d'habitation dans lequel le ou les demandeurs avaient leur résidence secondaire. Le conjoint peut exercer ce droit lorsqu'il vient à la succession par application, soit de l'article 759, soit de l'article 767, et il peut, dans tous les cas, l'exercer en demandant une attribution préférentielle sur ces mêmes biens en usufruit seulement. ».

Article 915 : « Quant un enfant naturel dont le père ou la mère était, au temps de la conception, engagé dans les liens du mariage avec une autre personne, est appelé à la succession de son auteur en concours avec les enfants légitimes issus de ce mariage, il compte par sa présence pour le calcul de la quotité disponible ; mais sa part dans la réserve héréditaire n'est égale qu'à la moitié de celle qu'il aurait eue si tous les enfants, y compris lui-même, eussent été légitimes.

La fraction dont sa part dans la réserve est ainsi diminuée accroîtra aux seuls enfants issus du mariage auquel l'adultère a porté atteinte ; elle se divisera entre eux par égales portions. ».

708 Cf. obs. RUBELLIN-DEVICHI, RTD civ. 1984, p. 304. L’adoption suppose néanmoins l’accord du conjoint

(article 343-1 al. 2 du Code civil). 709

C. civ; art. 358. Idem en matière d’adoption simple, (art. 368 du C. civ). V. Civ. 1ère 8 octobre 1985, Bull. civ. 1985, I, n°249, p. 224 ; RTD civ. 1986, p. 614, obs. PATARIN. Cette décision confirme que l’adoption d’un enfant adultérin lui confère dans la succession de son auteur la situation d’enfant légitime, car le principe selon lequel « l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption simple, bien que conservant ses droits héréditaires dans sa famille d'origine, a, dans la famille de l'adoptant les mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime est général et doit trouver application dans tous les cas ou il n'en est pas dispose autrement par la loi laquelle ne fait pas de distinction entre les enfants adoptés selon la nature de leur filiation d'origine ». V. également Cour d’appel de PARIS, 8 octobre 1976, D. 1977, J., p. 42, note RAYNAUD.

710

Civ. 1 ère, 8 novembre 1982, Defrénois 1983, art. 33032, p. 443, note FLOUR et GRIMALDI, confirmant Paris, 26 juin 1981, Defrénois 1982, art. 32834, p. 258, note FLOUR et GRIMALDI. V. également obs. critiques PATARIN, RTD civ. 1982, 449 et RTD civ. 1983, 569.

711 Philippe MALAURIE et Laurent AYNES, Droit civil, La famille, par Philippe MALAURIE, Cujas, éd. 1995/1996, n°658, p. 384 et n°688, p. 406. E.S. DE LA MARNIERRE, Commentaire de la loi 66-500 du 11

juillet 1966 portant réforme de l’adoption, JCP 1966, I, 2028 : Monsieur MALAURIE constatait que “lorsque

l’adoptant adopte son enfant naturel, il peut de cette manière, tourner les règles sur l’établissement de la filiation fondée sur le sang, celles sur l’établissement volontaire de la filiation naturelle et celles sur la légitimation ... un homme pourra ainsi légitimer son enfant naturel, sans épouser la mère, ce à quoi aurait dû répondre la légitimation par autorité de justice”. Pourtant, la pratique montre que de tels détournements existaient encore

On pouvait alors légitimement craindre, ainsi que le faisait observer Jean HAUSER712 que “poussé à l’extrême, le principe de l’égalité successorale des enfants légitimes et adoptifs permet[te] à ceux, parmi les enfants adultérins d’un même individu, qui ont des chances d’être adoptés, pour des raisons diverses, de se prévaloir de cette «supériorité» pour diminuer la part successorale ab intestat et la part de réserve des autres enfants adultérins ... l’adoption, utilisée de plus en plus fréquemment pour tout faire, secrète des conséquences imprévues qui

heurtent le bon sens et permettent tous les calculs.”713.

161. La doctrine a donc vu dans les adoptions de son propre enfant naturel des

détournements d’institution714.

Si l’adoption de son propre enfant naturel adultérin peut constituer un détournement d’institution, cela justifie a fortiori la solution retenue par la jurisprudence, lorsqu’un époux adopte l’enfant adultérin de son conjoint, dans le cadre d’un processus de maternité de substitution, car cela aboutit à “consacrer la validité des conventions qui ont pour motif

déterminant la naissance d’un enfant adultérin. ”.715

récemment et Monsieur MALAURIE considérait que l’adoption “ne doit (ou plutôt ne devrait) porter que sur l’enfant d’autrui, tandis que la légitimation suppose une filiation biologique entre l’enfant et le parent. En fait cependant les institutions s’entrecroisaient : on peut adopter ses enfants naturels et il existe des légitimations de complaisance.” (Pour une illustration de ce phénomène, cf. Paris, 8 octobre 1976, D. 1977, p. 42, note RAYNAUD : enfant né d’une femme mariée déclaré à l’état civil de mère inconnue, adopté en la forme plénière par son père naturel. La mère divorce puis se remarie avec son amant, qui reconnaît l’enfant. Les époux engagent alors une procédure en légitimation par mariage à laquelle la Cour fait droit en estimant que “ce serait détourner ces règles de leur finalité [irrévocabilité de l’adoption plénière et interdiction d’établir un lien de filiation entre l’adopté et un autre que l’adoptant, article 356 du Code civil] que d’en déduire qu’elles s’opposent à ce que soit proclamée la véritable nature du lien de filiation unissant l’adoptant lui-même à l’adopté”.).

712 L’adoption à tout faire, D. 1987, p. 206. 713

Avant 1972, la question présentait un intérêt plus vif encore car l’enfant adultérin ne pouvait pas être reconnu par son auteur et ne pouvait bénéficier sur le plan successoral que de droits alimentaires. Sur ce point, Philippe MALAURIE et Laurent AYNES, Droit civil, Les successions, Les libéralités, Cujas, 1989, n°337, p. 304 (La dernière édition de l’ouvrage est plus laconique sur ce point, cf Droit civil, Les successions, Les libéralités, 3ème éd. Defrénois 2008, n°61, p 53). Le danger était déjà souligné par l’Avocat général DELANGLE, qui dénonçait en 1846 les parents qui cherchent à “trouver un moyen meilleur, moins gênant que le mariage, d’assurer leur fortune à leurs enfants.”. Il craignait que ceux-ci ne se hâtent “de l’embrasser. Ce serait détruire, par l’extension de l’adoption, les lois les plus saintes, celles que le législateur a voulu le plus respecter.”.

Madame CHAMPENOIS-MARMIER s’interrogeait sur l’intérêt qui poussait les parents à favoriser des détournements d’institution, alors qu’il existait par ailleurs des dispositions légales permettant d’atteindre le but recherché : “pourquoi détourner l’adoption de son but lorsque l’application des dispositions légales, largement interprétées par la jurisprudence, permettent d’apporter satisfaction sans fraude ?” (Opus cité, n°52).

714

V. J. RUBELLIN-DEVICHI , RTD civ. 1984, p. 304. Madame CHAMPENOIS-MARMIER indiquait que “la loi du 3 janvier 1972, instaurant une quasi égalité des filiations, tend à rendre inutiles de tels détournements de l’institution ... Par l’admission de la légitimation par autorité de justice, elle permet de légitimer sans mariage l’enfant naturel, plus exceptionnellement adultérin, qui en ce cas, n’aura plus à souffrir de l’infériorité successorale encore attachée à l’adultérinité en présence du conjoint et d’enfants légitimes” (Opus cité supra, n°52). Cf. Dominique Fenouillet, L’adoption de l’enfant incestueux par le demi-frère de sa mère, ou comment

l’intérêt prétendu de l’enfant tient lieu de seule règle de droit. Dr. Famille 2003, n° 29.

715 P. KAYSER, Les limites morales et juridiques de la procréation artificielle, D.1987, chron., p. 196 ; J. RUBELLIN-DEVICHI, Réflexions pour d’indispensables réformes en matière d’adoption, D. 1991, chron., p. 210 : “Cependant, n’est-il pas incohérent de rejeter l’adoption par le conjoint au motif qu’il s’agit d’un enfant né

Le droit des successions, qui a été réformé par une loi du 3 décembre 2001, a instauré une égalité complète entre enfants légitimes et enfants naturels y compris adultérins : l’article 733 du Code civil dispose en effet désormais que “La loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder.”.

Le législateur a ainsi mis fin aux détournements d’institution, en permettant aux parents ou aux enfants d’obtenir ce dont ils étaient privés auparavant.

Malgré cette avancée, le droit des successions « provoque » encore d’autres formes d’adoptions à but successoral.

2)- L’adoption à but successoral

162. La doctrine a aussi « découvert » d’autres hypothèses de détournements de l’institution

de l’adoption à but successoral, qui n’ont pas été sanctionnés en tant que tels par la

jurisprudence716.

Souvent, il a été constaté que l’adoption était utilisée pour permettre à l’adoptant de se trouver un héritier.

Mais les juges du fond sont vigilants, et refusent parfois de prononcer l’adoption, comme par

exemple, dans une espèce jugée le 21 mars 1995, par la Cour d’appel de Toulouse717.

Un homme marié, alors âgé de 63 ans, avait présenté, après douze ans de mariage, une requête en adoption des enfants de son conjoint ; les enfants du conjoint étaient majeurs et mariés pour la plupart. Cet homme avait un enfant issu de son précédent mariage.

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