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La Cour de cassation allait consacrer le mouvement jurisprudentiel et faire un pas de

Dans le document Le détournement d'institution (Page 52-65)

Chapitre II : Définition et domaine du détournement d’institution

43. La Cour de cassation allait consacrer le mouvement jurisprudentiel et faire un pas de

plus en direction de la notion de détournement d’institution192, dans une célèbre décision du

20 novembre 1963, l’arrêt Appietto193.

En l’espèce, un homme et une femme n’avaient contracté mariage que dans le but avoué de légitimer l’enfant naturel commun. Le mari demandait la nullité du mariage en invoquant “sa propre turpitude”, à savoir qu’il n’avait “consenti à cette union que dans le but de conférer la légitimité à l’enfant dont il était le père, mais qu’il n’avait aucune intention de fonder un foyer et qu’il fut convenu entre les futurs époux que le divorce serait demandé dès la célébration du mariage”.

La Cour suprême propose de faire la distinction entre l’hypothèse où les époux “ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale” (dans

ce cas, le mariage est nul, faute de consentement194) ; et le cas où “les conjoints ont cru

pouvoir limiter ses effets légaux, et notamment n’ont donné leur consentement que dans le but de conférer à l’enfant commun la situation d’enfant légitime”. (Le mariage est alors valable). La Cour approuve les juges du fond qui ont relevé que “le mariage est «une institution

d’ordre public à laquelle les parties contractantes ne peuvent apporter les modifications que leur intérêt ou les circonstances exigeraient»195.

Cette décision confirme toute l’évolution jurisprudentielle antérieure et consacre, d’une certaine manière, la notion de « détournement d’institution », même si l’expression n’est pas utilisée.

En fait, l’expression de « détournement d’institution » n’apparaît en tant que telle que trente ans plus tard, dans une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 juin

1993196.

44. L’évolution de la jurisprudence sur les annulations de mariage a donc eu, sans aucun

doute, une place non négligeable au sein de la réflexion qui a conduit à la reconnaissance du détournement d’institution par la jurisprudence. Mais, en réalité, le concept de « détournement d’institution » va être forgé par le droit du travail.

192 Car si les juridictions du fond admettaient la notion de détournement de l’union matrimoniale, elles ne précisaient pas quelle était la nature de celle-ci.

193 Civ. 1ère, 20 novembre 1963, D. 1964, p. 465 et s, note G. RAYMOND. Cf. infra, p 59. 194

Il faut, semble t’il, rattacher cette solution à la maxime qui affirme qu’il n’y a “pas de nullité sans texte en matière de mariage”. Cf. G. RAYMOND, Jurisclasseur civil, cité supra, fasc. 100, n°8 et s.

195 C’est nous qui soulignons.

Ne peut-on trouver plus belle confirmation de l’idée que l’institution est un bloc de droit auquel le sujet peut ou non adhérer, mais dont il ne peut pas extraire certains éléments et en abandonner d’autres.

§2- La naissance du concept en droit du travail

45. La naissance du concept de « détournement d’institution », en droit du travail, a été

évoquée en introduction de ce travail.

La Cour de cassation a été amenée à se pencher, à plusieurs reprises, entre les années 1975 et 1980, sur la validité de demandes liées à la désignation de salariés en qualité de délégués syndicaux, alors qu’ils étaient sous le coup d’une procédure de licenciement.

Les représentants du personnel, qui “ont en charge l’exercice collectif d’un droit individuel : celui des salariés à déterminer leurs conditions de travail et leur participation à la gestion des

entreprises”197, ont bénéficié dès 1945 d’un statut protecteur afin d’encadrer le pouvoir

disciplinaire et le pouvoir de licenciement de l’employeur198. Le salarié qui est désigné

comme représentant du personnel est notamment protégé en cas de licenciement, dans le sens où il bénéficie d’un régime dérogatoire au droit commun. Son licenciement doit faire l’objet d’un avis du comité d’entreprise (s’il existe) et être préalablement autorisé par l’inspection du

travail199.

Aussi, il s’est avéré être tentant, pour des salariés menacés de licenciement dans une entreprise, d’obtenir leur désignation par un syndicat comme délégué du personnel, aux fins de bénéficier du statut protecteur des représentants du personnel.

46. La Cour de cassation a eu à se prononcer sur la validité de telles désignations à

plusieurs reprises, sur une période de temps assez courte (puisqu’elle s’étale sur cinq ans), et a été saisie de l’existence de « détournements d’institution ». Il est assez frappant de remarquer que les chambres sociales et criminelles de la Cour ont toutes deux admis l’existence de la

notion.200

La première décision significative date du 18 juin 1975201.

197 Jean-Yves KERBOURC’H, Statut protecteur. Domaine d’application, Jurisclasseur Travail Traité, vol. 3, fasc. 15-94, 2003, n°1, p. 3. V. également, Patrick MORVAN, Délit d’entrave, Jurisclasseur Travail Traité, vol. 3, fasc. 15-92, 2000, n°105, p. 21. Jean PELISSIER, Alain SUPIOT, Antoine JEAMMAUD, Droit du travail, Précis Dalloz, 24ème éd., 2008, n°901, p. 1155 et s.

198 Jean-Yves KERBOURC’H, Statut protecteur. Domaine d’application, Jurisclasseur Travail Traité, vol. 3, fasc. 15-94, 2003, n°5, p. 3. Sur ce statut, cf. article précité. Jean PELISSIER, Alain SUPIOT, Antoine JEAMMAUD, Droit du travail, Précis Dalloz, 24ème éd., 2008, n°901, p. 1155 et s.

199 Article L 425-1 du Code du travail (ancien). Cf. article L2411-3 du Nouveau Code du travail (entré en vigueur le 1er mai 2008).

200 Il n’est pas rare de voir des jurisprudences divergentes se développer entre certaines formations de la Cour de cassation saisies des mêmes questions de droit …

201 Soc. 18 juin 1975, Bull. soc. 1975, n°338, p. 294. En l’espèce, le salarié avait été désigné par le syndicat comme représentant du personnel juste après avoir reçu une lettre de l’employeur le convoquant à l’entretien préalable au licenciement. Il était établi que la désignation intervenait en remplacement d’un délégué qui exerçait ses fonctions depuis plusieurs années, et qui avait encore quelques jours auparavant participé à un protocole d’accord avec l’entreprise.

Le juge d’instance, saisi d’une demande d’annulation de la désignation202, avait fait droit à la demande, en retenant que “si la désignation était en principe juridiquement valable, il était établi qu’elle avait été faite à la hâte, non en vue de défendre les intérêts des travailleurs, mais uniquement pour assurer la protection de M. et qu’ayant été détournée de son but, elle devait

être annulée.”. Cette décision est approuvée par la Cour de cassation203, qui rejette le pourvoi

formé contre la décision du tribunal d’instance.

Evidemment l’expression de « détournement d’institution » n’apparaît pas dans cette décision, qui ne vise que le détournement du but de la désignation, mais les choses se clarifient quelques mois plus tard, avec l’intervention d’une nouvelle décision de la chambre sociale de

la Cour de cassation204, qui va consacrer la notion.

En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation, saisie de la validité de la désignation comme délégué du personnel d’un salarié postérieurement à la notification de son préavis de licenciement (le lendemain), alors que l’approbation de son licenciement par le comité

d’entreprise était connue depuis deux mois, approuve le juge d’instance205 d’avoir estimé que

la désignation du salarié, « intervenue près de deux mois après la date à laquelle Dame Y … et son syndicat avaient connu la menace de licenciement qui pesait sur elle », s’expliquait « par son action constante en faveur de son organisation ».

Bien que l’on ne puisse pas non plus dire que l’expression de « détournement d’institution » ait été utilisée par la Haute juridiction, la formule du tribunal confirmée en l’espèce, à savoir que “la preuve n’était pas apportée que la désignation ait eu pour objet de détourner à des

fins particulières une institution d’intérêt collectif”206, peut, sans l’ombre d’un doute, recevoir la qualification de « détournement d’institution ».

L’aphorisme entériné par la Cour dans cette affaire va faire « jurisprudence », puisque l’expression est reprise au mot près, moins d’un an plus tard, dans des conclusions au soutien

d’un pourvoi devant la même chambre sociale207 : les auteurs du pourvoi soutenaient que

“pour juger que C … s’était fait nommer délégué syndical dans le but d’éviter un licenciement ultérieur le tribunal a présumé l’existence d’une volonté concertée du syndicat

pour détourner à des fins particulières une institution d’intérêt collectif208, ce qui était en

contradiction avec ses propres constatations”.

202 Sur cette compétence, articles R 2143-5, R 2314-27 et suivants et R2324-23 et suiv. du Code du travail et cf.

supra. E. DOCKES, Droit du travail, Dalloz, Hypercours, 3ème éd. 2008, n° 1108, p. 611 et 1091, p. 607. 203

Le tribunal « a ainsi justifié sa décision et que le moyen n’est pas fondé ». 204 Soc. 17 décembre 1975, Bull. 1975, V, n°615, p. 517.

205 « le tribunal a légalement justifié sa décision ». 206 C’est nous qui soulignons.

207

Soc. 26 octobre 1976, Bull. soc. n° 526, p. 432. 208 C’est nous qui soulignons.

La Cour suprême valide la conclusion du tribunal209, qui a retenu que la désignation du salarié “avait eu pour seul but d’assurer sa protection éventuelle contre le licenciement dont il relève que l’intéressé se sentait menacé”. Par cette dernière formule, la Cour confirme implicitement la notion de « détournement à des fins particulières d’une institution d’intérêt collectif », qui est exactement le versant de la désignation dans le seul but d’assurer la protection éventuelle du délégué contre un licenciement.

47. Mais surtout, la notion de détournement d’institution, telle qu’elle apparaît alors,

séduit à son tour la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui, dès 1977210, s’empare du

concept.

En l’espèce, un employeur avait été poursuivi pour entrave à l’exercice du droit syndical211.

En défense, l’employeur invoquait une fraude dans la désignation du délégué syndical, pour enlever à l’infraction son caractère punissable.

La Cour d’appel avait débouté le syndicat de sa demande de réparation du préjudice causé par l’infraction, aux motifs que le changement de désignation de délégué syndical avait été effectué avec une « précipitation insolite », au lendemain de la demande de licenciement du salarié, alors qu’un autre salarié était juridiquement désigné comme représentant syndical. La Cour en déduisait qu’“ayant pour seul objet de protéger l’intéressé contre le licenciement, qu’elle tendait ainsi à détourner l’institution de sa finalité propre et constituait une fraude dans l’utilisation de la loi du 27 décembre 1968”.

La juridiction suprême valide la décision des juges du fond, en se retranchant derrière leur

pouvoir souverain d’appréciation212. Mais, finalement, de manière indirecte certes, elle

consacre le recours à la notion de « détournement d’institution » par les juges du fond.

La chambre criminelle de la Cour de cassation entérine deux ans plus tard la position prise,

dans une décision du 6 novembre 1979213.

L’affaire ne manquait pas de rebondissements : un employeur avait adressé le 3 novembre 1976 une lettre à un salarié l’informant qu’elle envisageait son licenciement pour faute

209 La Cour de cassation estime que le juge d’instance « a justifié sa décision », en relevant d’une part l’absence de toute activité syndicale antérieure dans l’entreprise du salarié, et d’autre part l’éloignement géographique du salarié, qui travaillait sur un site situé à près de 400 kilomètres de l’entreprise principale, ce qui ne le mettait pas en mesure d’exercer normalement les fonctions de délégué syndical dans l’entreprise.

210 Crim. 18 octobre 1977, Bull. crim. n°308, p. 781.

211 Délit poursuivi par les articles L 483-1 et suiv. . Cf. article L 2316-1 du Nouveau Code du travail. Patrick MORVAN, Délit d’entrave, Jurisclasseur Travail Traité, vol. 3, fasc. 15-92, 2000. L’entrave est le fait “de porter atteinte à la libre désignation ou au fonctionnement régulier des diverses instances représentatives élues par le personnel au sein de l’entrepriseˮ (Patrick MORVAN, précité).

212 « Attendu que cette constatation de la fraude à la loi … repose sur une appréciation de fait entrant dans les pouvoirs de la Cour d’appel et s’impose à la Cour de cassation ».

professionnelle, et le convoquait pour le 5 novembre à l’entretien préalable au licenciement. Par lettre datée du 4 novembre, reçue le 5, un syndicat avait notifié à l’employeur, la désignation du salarié visé par la procédure de licenciement, en qualité de représentant syndical.

L’employeur avait alors saisi le juge d’instance pour demander l’annulation de la désignation du salarié comme représentant syndical et avait saisi parallèlement l’inspection du travail pour obtenir l’autorisation de licencier le salarié.

Les choses se compliquent à partir de là. D’abord, parce qu’un jugement, rendu sur renvoi

après cassation214, avait annulé la désignation du salarié comme délégué syndical, en retenant

l’existence d’un détournement d’institution : la désignation litigieuse “n’avait été qu’une manœuvre ayant pour seul objet de protéger l’intéressé contre le licenciement et qu’elle tendait à détourner l’institution de sa finalité”.

Ensuite parce que le salarié avait été finalement licencié en janvier 1978215.

La Cour de cassation approuve la décision rendue par les juges du fond216, en indiquant que

“la désignation comme délégué syndical de B., étant entachée de nullité pour fraude à la loi, n’avait pu être créatrice à son profit de prérogatives pénalement protégées.”.

Même s’il est vrai qu’en l’espèce, la décision du tribunal d’instance ayant relevé un détournement d’institution, était définitive et s’imposait au juge pénal, il n’en demeure pas moins que la notion de « détournement d’institution » se trouve consacrée, sous la

qualification plus générale de fraude à la loi217.

48. La doctrine a relevé, dans ce domaine, que la jurisprudence n’annulait les désignations

que si elles avaient eu “uniquement pour objet de mettre le salarié à l’abri d’une menace de licenciement en le faisant bénéficier de la protection spéciale assurée par la loi. Dès lors qu’elle a pour objet la défense de l’intérêt des salariés de l’entreprise ou de l’établissement, peu importe qu’elle ait aussi pour résultat de faire bénéficier du statut protecteur un salarié à l’égard duquel se profile une menace de licenciement ... la désignation d’un salarié ou sa candidature destinée à le mettre d’urgence à l’abri d’une menace de licenciement apparaît justifiée si elle constitue le seul moyen d’assurer une représentation des salariés ou une

214 Qui témoigne de la pugnacité des parties en l’espèce …

215 Mais au cours de la période précédant le licenciement, l’employeur avait infligé au salarié plusieurs sanctions disciplinaires. Celui-ci avait alors fait citer l’employeur devant le tribunal correctionnel, pour entrave à l’exercice du droit syndical. La Cour d’appel avait débouté la partie civile de l’action en réparation du préjudice causé par l’infraction, en retenant notamment que par l’effet de l’annulation judiciaire de sa désignation, le salarié était censé n’avoir jamais eu la qualité de délégué syndical. Il n’avait donc pu bénéficier des dispositions protectrices des délégués du personnel.

216

« La Cour d’appel était fondée à écarter de ce chef la culpabilité du prévenu ». 217 Cf. infra, p. 325 et s.

présence syndicale dans l’entreprise qu’accepte d’assumer ce salarié menacé pour cela

d’exclusion.” 218.

La jurisprudence rendue à propos des désignations des délégués syndicaux s’oriente dans les années qui suivent vers la notion de fraude à la loi, et la référence au détournement

d’institution est abandonnée, au moins dans ce domaine219.

49. Par contre, le détournement d’institution a été évoqué à trois reprises, pour d’autres

institutions220 : le congé sabbatique d’abord, dans une décision de la Cour d’appel de

Versailles de 1990, le droit d’alerte ensuite, dans une autre décision de la même Cour, de

2003221, puis le comité d’entreprise, à l’appui d’un pourvoi devant la chambre criminelle de la

Cour de cassation, dans une décision de 2006222.

218 Note J.M. VERDIER, sous Soc. 14 mai 1997, D. 1997, J, p. 479, spéc. n°7, p. 480 ; RJS 1/99, n°69.

219 La jurisprudence fournit pourtant des arguments en faveur du rattachement de la sanction au détournement d’institution et non pas à la fraude : elle annule purement et simplement les désignations ou candidatures non conformes à la finalité de l’institution, et elle exige pour ce faire que la candidature « tende exclusivement à assurer la protection de l’intéressé ». (Par exemple, Soc. 24 novembre 1983, Bull., V, n°578 : “Attendu que le tribunal a relevé que la candidature de l’intéressé visait, compte-tenu des circonstances dans lesquelles elle était intervenue, à faire obstacle à sa mutation, que dès lors la candidature d’un salarié à des fonctions représentatives est nulle, lorsque tendant à assurer sa protection individuelle, elle revêt un caractère frauduleux ...”. Or la sanction traditionnelle de la fraude n’est pas la nullité mais l’inopposabilité … Cf. infra. Sanction du détournement d’institution, p. 240 et s. et 2ème partie, p. 471 et s. V. par exemple, Crim. 22 octobre 1991, Bull. n°367, p. 914. Cette affaire est particulièrement intéressante, dans la mesure où il était établi en l’espèce que la salariée ne s’était portée candidate comme délégué du comité d’entreprise qu’afin d’éviter un licenciement et pour la seule protection de ses intérêts personnels, concrétisant sans aucun doute un détournement d’institution (l’arrêt d’appel évoque la fraude à la loi), mais la Cour fait prévaloir sur le détournement d’institution commis par la salariée, les règles relatives aux délais de contestation en matière électorale, qui « sont des délais judiciaires dont l’expiration entraîne forclusion sans qu’aucune exception ne puisse être admise. La justification de cette solution est fournie par la Cour de cassation elle-même, qui rappelle qu’en retenant la fraude, la Cour d’appel « qui a implicitement admis que l’employeur pouvait se faire juge de la validité des élections, a méconnu les textes susvisés. Le détournement d’institution n’est pas sanctionné parce qu’il se heurte à des principes juridiques qui lui sont supérieurs, en l’espèce le principe selon lequel l’employeur ne peut se faire juge de la validité des élections.

220 Cf. infra, p. 56 et s.

221 Cour d’appel de Versailles, 2 octobre 2003, n° RG 2002-4791. www.legifrance.gouv.fr. 222

Crim. 6 avril 2005, www.legifrance.gouv.fr, n° 04-85.799. Dans cette affaire, une plainte avait été déposée pour abus de confiance et délit d’entrave au comité d’entreprise. Le comité d’entreprise et la société « victime » de l’abus s’étaient constitués parties civiles contre l’auteur des faits. (L’abus de confiance tenait à l’utilisation non conforme à sa destination de fonds du comité d’entreprise. Cf. Code pénal, article 314-1 : « L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende ». V.

infra, notion de détournement, p. 141 et s. Sur le délit d’entrave, cf. infra, émergence jurisprudentielle du

détournement d’institution, p. 54. (Délit poursuivi par les articles L 483-1 et suiv. du Code du travail. Cf. article L 2316-1 du Nouveau Code du travail. Patrick MORVAN, Délit d’entrave, Jurisclasseur Travail Traité, vol. 3, fasc. 15-92, 2000. L’entrave est le fait “de porter atteinte à la libre désignation ou au fonctionnement régulier des diverses instances représentatives élues par le personnel au sein de l’entrepriseˮ (Patrick MORVAN, précité). Cf.

Jean PELISSIER, Alain SUPIOT, Antoine JEAMMAUD, Droit du travail, Précis Dalloz, 24ème éd. 2008, n°863,

p. 1095 et s.)

L’ordonnance de non lieu, rendue par le juge d’instruction, avait été frappée d’appel par la société partie civile, qui réclamait réparation du préjudice qu’elle avait subi.

La Chambre de l’instruction de la Cour d’appel avait déclaré l’appel irrecevable, pour défaut d’intérêt légitime, aux motifs que la partie civile ne pouvait justifier d’aucun préjudice personnel et direct résultant d’un

Pour prendre l’exemple de l’affaire du détournement d’institution du congé sabbatique223, un salarié avait pris un congé sabbatique de six mois dans son entreprise et avait parallèlement signé avec une autre société un contrat de travail, lequel prévoyait une période d’essai de six mois. A l’issue de la période d’essai, le salarié était resté dans la seconde entreprise, mais n’avait pas démissionné de la première, dans le but de percevoir des indemnités suite à sa non réintégration dans l’entreprise d’origine.

La Cour d’appel224 relève que le salarié “a tenté de détourner l’institution du congé sabbatique

pour conduire son employeur à refuser de le réintégrer à l’issue de son congé et ainsi éviter de donner sa démission pour percevoir les indemnités qu’il réclame dans la présente instance”. La Cour indique que l’intéressé “n’a jamais eu l’intention de reprendre ses activités au sein de la société intimée à l’issue de son congé sabbatique”. Elle estime que son comportement doit

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