• Aucun résultat trouvé

Pour mémoire, l’institution en cause était l’adoption, en la forme plénière, de l’enfant

Dans le document Le détournement d'institution (Page 76-82)

Chapitre II : Définition et domaine du détournement d’institution

71. Pour mémoire, l’institution en cause était l’adoption, en la forme plénière, de l’enfant

du conjoint303.

L’un des effets de l’adoption plénière est de conférer “à l’enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine : l’adopté cesse d’appartenir à sa famille par le sang, sous réserve des

prohibitions au mariage visées aux articles 161 à 164.”304.

L’adoption de l’enfant du conjoint a été utilisée par des conjoints divorcés ou veufs puis

remariés, dans le but non pas de resserrer les liens autour du nouveau noyau familial305, mais

de faire échec aux relations de l’enfant avec ses grands parents par le sang306.

Or, la Cour de cassation a considéré que, dans ce cas de figure, il y avait lieu de sanctionner un détournement de l’institution de l’adoption.

Les faits ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 1989 ont été présentés en introduction307.

La Cour d’appel, qui avait retenu l’existence d’un dol pour déclarer la tierce-opposition

recevable, voit sa décision être approuvée par la Cour de cassation308.

Mais la Cour va plus loin, en affirmant, sur le fond309, l’existence d’un détournement de

l’institution de l’adoption310. La Cour de cassation consacre ainsi en l’espèce, par sa

motivation, une notion large du dol311. La Cour laisse également entendre que l’utilisation

d’une institution dans le but de nuire à autrui correspond à un détournement, ce que Louis

JOSSERAND n’aurait sans doute pas désavoué312

303 C. civ., art., 343-2, 344 et 356. Elle permet, précise Jean CARBONNIER, à un conjoint épousé en seconde

noces, de “consolider en un rapport de parenté le rapport d’alliance qu’il a déjà avec des enfants du premier lit.” (Droit civil, T. I, La famille, PUF, 14e éd. rev. et mise à jour, 1991, n°355, p. 521).

304

C. civ; art. 356.

305 Philippe MALAURIE et Laurent AYNES, Droit civil, La famille, par Philippe MALAURIE et Hugues FULCHIRON, 3ème éd., Defrénois, 2008, n°1405, p. 554 : “L’adoption faite par un seul conjoint peut intervenir, soit du vivant de l’autre époux, soit après son décès. Généralement, elle tend à rattacher à l’adoptant des enfants présents lors de l’union conjugale : enfants nés d’un précédent mariage ou de relations hors mariage, ou accueillis au foyer.”.

306 Cf. HAUSER, L’adoption à tout faire, D. 1987, chron., p.207. Sur le contentieux entre grands-parents et enfants, cf Hubert BOSSE-PLATIERE, La présence des grands-parents dans le contentieux familial, JCP 1997, I, n°4030, p. 267 et s., spéc. n°4 et s.

307 Cf. supra, p. 12.

308 La Cour indique que “le fait de s’être abstenu sciemment d’informer le tribunal ... de circonstances qui auraient pu influer de façon déterminante sur sa décision, comme le fait de dissimuler la procédure d’adoption aux grands-parents par le sang des adoptés, alors que ces grands-parents entendaient maintenir avec leurs petites filles des liens affectifs, constitue un dol au sens de l’article 353-1 C. civ.”. V. sur l’importance de caractériser la fraude ou le dol quant la recevabilité de la tierce opposition, Civ. 1ère 28 février 2006, Bull. civ. 2006, I, n°125, p. 114.

309

Cf. décision du 28 février 2006, précitée.

310 “l'adoption en la forme plénière de Céline et Delphine par le second mari de la mère, dans le but ... de couper les enfants de leur famille paternelle et notamment de leurs grands-parents, loin de correspondre à la finalité

de l'institution en constituait un véritable détournement”.

311

Pourtant, le texte de l’article 353-1 (applicable à l’époque) est assez restrictif et ne vise comme cas d’ouverture à la tierce-opposition que la fraude ou le dol, de la part de l’adoptant. Ce texte, inchangé, est devenu l’article 353-2, depuis la loi 96-604 du 5 juillet 1996. Cf. J. MASSIP, note à la Gazette du Palais, 1990, citée

supra, p. 132 et Philippe MALAURIE et Laurent AYNES, Droit civil, La famille, par Philippe MALAURIE et

Hugues FULCHIRON, 3ème éd., Defrénois, 2008, note 95, p.566.

En outre, il est frappant de constater que, l’effet recherché par l’adoptant, en l’espèce, était précisément l’un des effets de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, à savoir la rupture

des liens avec la famille d’origine313.

La doctrine, de son côté, voyait, dans l’utilisation de l’adoption dans le but de nuire à autrui,

des détournements de l’institution de l’adoption314.

Répondant aux vœux que cette dernière avaient formulés, le législateur est intervenu en 1993 pour que de telles hypothèses ne se reproduisent plus, en insérant un nouvel article 345-1 dans

le Code civil315, afin de ne permettre désormais que l’adoption simple, dans de telles de

situations316.

72. Toujours dans les années 1990, l’adoption a encore servi de cadre à la sanction de

détournements d’institution, dans des tentatives d’utilisation de cette technique, dans un but successoral.

c) L’adoption dans un but patrimonial ou successoral

73. Dans une espèce, jugée par la Cour de cassation le 19 novembre 1991317, une

personne, propriétaire de terres agricoles qui étaient louées à des fermiers, avait adopté en 1982 un jeune homme, en ayant recours à une adoption simple. Les fermiers avaient alors formé tierce-opposition au jugement d’adoption, en arguant du fait que “leur bailleresse n’avait eu pour but que de se soustraire à la législation sur les baux ruraux.”.

313 V. obs. MASSIP à la Gazette du Palais, 1990, citées supra. La doctrine a été amenée à constater que de nos jours, de telles adoptions manifestaient “le souci d’effacer le passé, d’assumer la nouvelle situation conjugale dans sa totalité, de consolider essentiellement les structures familiales tournées vers l’avenir en tirant un trait sur le passé.” (M. P. CHAMPENOIS-MARMIER, Jurisclasseur civil, art. 343 et s., fasc. 2, 1985, n°44, p.8 (V. Claire NEIRINCK, Filiation adoptive. Adoption plénière. Conditions préalables à l’adoption. Jurisclasseur civil, art. 343 et s., fasc. 20, 2003, n°10 et s. , p. 5 et s. V. également J. HAUSER, note au D. 1989, précitée, p. 480 ; RUBELLIN-DEVICHI, RTD civ. 1990, p.253 ; C. PHILIPPE, Volonté, responsabilité, filiation, D. 1991, chron., p. 47 ; E. DE MONREDON, L’adoption aujourd’hui, JCP 1992, I, 3607, n°27). En pratique de tels litiges avaient donné lieu à de nombreuses décisions, mais les magistrats s’étaient surtout concentrés sur les problèmes liés au droit de visite et d’hébergement. S’agissant des recours fondés sur l’article 353-1 du Code civil, les juges du fond semblaient divisés quant à l’attitude à adopter. (Obs. J. RUBELLIN-DEVICHI, RTD civ. 1984, p.312 et 313. J. MASSIP, sous Civ. 21 juillet 1987, Defrénois 1988, art. 34186, p. 320, qui parle dans de tels cas de

figure de fraude à la loi.). Cf. sur le droit de visite et d’hébergement, CA AIX-EN-PROVENCE, 6e chambre, 7

janvier 1994; Jurisdata, n°049375, qui accorde un droit de visite aux grands-parents par le sang dans une affaire où le premier mari était prédécédé, en retenant l’existence d’un détournement d’institution comme circonstance exceptionnelle, justifiant l’action sur le fondement de l’article 371-4 al. 2 du C. civ.

314 J. RUBELLIN-DEVICHI, RTD civ. 1984, p.312 et 313, ou J. HAUSER, D.1989, p. 479. Comp. cependant

M. P CHAMPENOIS-MARMIER, Jurisclasseur civil, art. 343 et s. , fasc. 2, 1982, n°44, qui y voit une déviation de l’institution, ce qu’a finalement consacré la Cour de cassation dans la présente décision.

315 Repris par la loi n°96-604 du 5 juillet 1996.

316 Loi 93-22 du 8 janvier 1993, art. 29 : “L’adoption plénière de l’enfant du conjoint n’est permise que lorsque cet enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint.” (Voir Introduction).

L’adoptant avait reconnu s’être cherché un héritier, à la suite d’une brouille avec les fermiers, pour faire échec à leurs droits puis avait alors décidé d’engager une action en révocation de

l’adoption318, pour motifs graves.

La Cour d’appel avait rejeté l’action en révocation de l’adoption.

L’un des intérêts de cette procédure était que l’adoptante avait fait état du détournement d’institution dont elle s’était rendue coupable, à l’appui de son action en révocation de

l’adoption319 et elle prétendait, au soutien de son pourvoi en cassation, que la Cour d’appel

avait mal appliqué320 l’adage «fraus omnia corrumpit» en lui opposant le règle «nemo auditur

....»321, pour refuser la révocation, alors qu’elle constatait dans le même temps que l’adoption

avait été poursuivie pour des “motifs étrangers à la finalité de l’institution”322. L’adoptante

invoquait également un manque de base légale de la décision au regard de l’article 370 du Code civil, les juges ayant affirmé que l’absence de relations affectives entre l’adoptant et l’adopté ne constituait pas un motif grave de révocation, alors que l’adoptant faisait valoir que le détournement d’institution était un motif grave, suffisant pour justifier la mesure sollicitée.

318 Sur cette action, Martine LE BIHAN-GUENOLE, La révocation de l’adoption, JCP 1991, I, 3539.

319

V. également Civ. 1ère 28 février 2006, Bull. civ. 2006, I, n°125, p. 114, qui confirme la jurisprudence. 320 Le motif de cassation est tiré de la «fausse application » de l’adage «fraus omnia corrumpit» (la fraude corrompt tout). Cf. Henri ROLAND et Laurent BOYER, Adages du droit français, 4ème éd., Litec, 1999. V.

également Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Procédure civile, Précis Dalloz, 27ème éd., 2003, n°145-3, p.

183, qui voient dans cette espèce une application de l’obligation de loyauté, dont la violation serait sanctionnée par une fin de non recevoir : “Cette notion de fin de non recevoir pourrait s’étendre à la sanction d’une

obligation de loyauté que constitue l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui. En effet, sont

récemment apparues en droit interne français des hypothèses, où le juge a rejeté la prétention d’un plaideur à remettre en cause, devant les tribunaux, une situation qu’il avait lui-même provoquée, sans que ce rejet ne soit fondé sur les théories traditionnelles de la fraude à la loi, de l’apparence ou de la règle nemo auditur : ainsi lorsqu’une « mère » adoptive sollicita la révocation de l’adoption du jeune homme qu’elle n’avait en fait adopté que pour échapper en tant que bailleur à la législation sur les baux ruraux”. L’hypothèse de la paralysie des effets d’une fraude à la loi non sanctionnée par la règle « nemo auditur » est évoquée par Bernard AUDIT, La fraude à

la loi, Dalloz, 1974, n°142, p. 111/112 : “Lorsque l’intéressée s’est rendue devant un for étranger pour divorcer

au mépris de sa loi personnelle, elle a créé un conflit qui était sur le moment un faux conflit. A mesure que le temps s’est écoulé sans que l’intéressée se prévale de son nouvel état dans le ressort de la loi évincée, le conflit s’est élevé, le conflit s’est révélé être un vrai conflit. Avec le décès du mari, le conflit est redevenu un faux conflit, mais dans lequel c’est la loi autrefois évincée qui à un intérêt moindre à s’appliquer. En réclamant des droits successoraux au motif que son divorce est sans effet au regard de la loi du for, la femme ne fait qu’exploiter ce faux conflit. S’il y a une fraude à sanctionner en pareil cas, ce n’est pas celle qui aurait été commise plusieurs années auparavant et qui a cessé d’en être une, mais celle qui est en train de se commettre. Aussi bien en pareil cas le droit français s’opposerait-il sans doute à la demande de la femme par application de l’adage Nemo auditur. Ce moyen permettrait tout à la fois de préserver l’équité tout en maintenant la qualification de fraude.”.

321

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude). Cf. Henri

ROLAND et Laurent BOYER, Adages du droit français, 4ème éd., Litec, 1999

322 En matière de fraude à la loi, et spécialement en droit international, Bernard AUDIT aborde la question de la sanction « de la fraude pour la fraude » : “lorsque l’intention de fraude qui animait le sujet dans la mise en œuvre d’une loi étrangère incompétente est établie sans équivoque, c’est souvent parce que le fraudeur lui-même, désireux d’échapper à un statut qui lui pèse plus que pourchassé par le remords, étale avec complaisance sa propre fraude. Dans ces conditions, la solution répressive que constitue le refus de reconnaître les droits acquis ne fait qu’entériner une nouvelle fraude du sujet. Cette situation n’est pas propre au droit international … On sait que le droit français a parfois recours dans des situations analogues à un adage de droit coutumier : Nemo auditur

La Cour de cassation approuve la solution et les motifs retenus par la Cour d’appel323 et retient qu’“après avoir constaté que Melle Petit avait pris elle-même l’initiative des démarches ayant conduit à l’adoption de Christophe Lagache et qu’elle avait déposé sa requête en pleine connaissance de cause, consciente de toutes les conséquences de son acte, la Cour d’appel a estimé à bon droit que l’adoptante ne pourrait se prévaloir de la fraude dont

elle était l’auteur pour solliciter la révocation de cette adoption.”324.

74. La Cour de cassation est venue préciser, à l’occasion de deux espèces, l’une jugée le

22 juin 2004325 et l’autre le 11 juillet 2006326, les critères pour qu’une adoption à but

successoral ne soit pas qualifiée de « détournement d’institution ».

Dans la première affaire, l’existence du détournement d’institution est déduit du rapprochement entre d’une part, le fait que l’adoptant était atteint d’une « sénescence normale », « manquait d’objectivité » et « était suggestible », et encore que l’adoptée s’était prévalue, pour l’obtention d’un prêt de la qualité de conjoint de l’adopté, et d’autre part, des éléments de la fraude ayant consisté à échapper à la juridiction du tribunal normalement

compétent327.

Dans la seconde, les auteurs du pourvoi soutenaient que l’adoption avait « pour objet de consacrer, entre l’adoptant et l’adopté, un lien filial et ne saurait avoir un but essentiellement

successoral étranger à la finalité de l’institution »328. Ils reprochaient à la Cour d’appel de ne

pas avoir recherché si « compte tenu de l’âge de l’adoptant, de leur rapport de parenté et de la situation familiale de l’adopté, un intérêt autre que successoral ».

La Cour leur répond que “la conscience chez l’adoptant des effets successoraux que l’adoption ne manquerait pas d’entraîner ne pouvait être considérée comme constitutive d’un

323 “La Cour d’appel a estimé à bon droit.”

324 Analysant l’espèce évoquée ci-dessus, certains auteurs voient plutôt dans de telles situations la sanction d’une obligation de loyauté, qui consisterait dans “l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui” et serait sanctionnée par une fin de non-recevoir. Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Procédure civile, Précis Dalloz, 27ème éd. Refondue, 2003, n°145-3, p. 183.

En fait, commentant la décision du 19 novembre 1991, Monsieur MASSIP écrit : “Il est vrai que dans notre affaire, le détournement d’institution de l’adoption présente un caractère anecdotique et il y a peu de chances, nous semble t’ il, de voir se multiplier des affaires de ce type. (Petites Affiches, 19 juillet 1992, p. 38). La position prise en 1991 concernant le recours au détournement d’institution, pour obtenir la révocation de l’adoption pour motifs graves a été confirmée quelques années plus tard, en 2006, par la même première chambre civile, dans une affaire où l’adoption avait été demandée pour établir une paternité biologique. V. Civ. 1ère 28 février 2006, Bull. civ. 2006, I, n°125, p. 114.

325 Cf. Civ. 1ère 22 juin 2004, Dr. Famille 2005, com. 30, note Pierre MURAT. 326 Civ. 1ère 11 juillet 2006, Bull. civ. 2006, I, n°384.

327 Sur la nécessité de démontrer préalablement l’existence de la fraude ou du dol dans le cadre de la procédure en tierce opposition au jugement d’adoption, cf. supra, p. 60, note 239.

328 Cf. Cour d’appel d’Aix en Provence, 5 décembre 2007 ; www.legifrance.gouv.fr, n° RG 06/17298 : qui estime « qu’en l’absence d’un lien filial, le projet d’adoption apparaît avoir un but purement patrimonial, et ce au détriment de l’enfant de l’adopté, ce qui constitue, d’une part, un détournement d’institution, d’autre part, un élément de nature à compromettre gravement la vie familiale ». Cf. infra, preuve du détournement d’institution, p. 228 et s.

détournement de l’institution dès lors que le dossier révélait qu’il existait d’autres motifs

justifiant l’adoption …ˮ. Dans le cas précis qui lui était soumis, l’adoptée329 avait apporté la

preuve de la réalité des liens d’affection avec l’adoptant330 et la preuve des soins qu’elle lui

avait prodigués. La Cour en conclut que “l’adoption était conforme à la finalité de

l’institution.ˮ.

75. L’adoption a aussi été utilisée par des grands parents pour adopter leurs petits

enfants331. Si les motifs de telles adoptions ont, le plus souvent, des visées patrimoniales ou

fiscales332, elles sont parfois réalisées dans un but que l’on peut qualifier de frauduleux333.

d) L’adoption par les grands parents

76. Une décision de la première chambre civile de la Cour de cassation, du 16 octobre

2001334, a rejeté une requête en adoption simple, présentée par une grand-mère de six de ses

sept petits enfants. Sur pourvoi, la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond, en retenant trois motifs : le premier, tiré de ce que “la Cour d’appel n’a pas dit que l’adoption aurait pour effet d’avantager les 6 petits enfants adoptés, mais qu’elle avait un but essentiellement successoral, étranger à l’esprit de la loi” ; le second, “qu’elle engendrerait une confusion des générations et qu’elle était inutile en présence d’un lien de parenté déjà très

329 L’adoptant était décédé après avoir déposé la requête en adoption.

330 Le critère de l’existence de liens d’affection est déterminant pour déterminer si l’adoption est ou non conforme à la finalité de l’institution. Cf. Civ. 1ère, 28 février 1995, Légifrance, n°pourvoi 93-12774 : « après avoir constaté que Mme Z... avait vécu, depuis sa naissance, dans la famille X..., l'arrêt relève que Marie Y... la considérait comme sa fille et que, loin de créer une situation nouvelle, l'adoption n'était que la "concrétisation juridique" des liens d'affection qui avaient toujours uni l'enfant à l'adoptante … qu'il ajoute que, eu égard à cette circonstance et aux âges respectifs des intéressés, une telle adoption n'était pas de nature à compromettre la vie familiale et que la participation de Mme Z... à la succession de Marie Y... n'était que la conséquence normale de la situation qui s'était créée et de l'adoption qui en résultait … qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que les conditions prévues par l'article 353 du Code civil étaient réunies, a justement décidé que l'adoption de Mme Z... par Marie Y... correspondait à la finalité de l'institution 331 Jean HAUSER rappelle qu’aucun « texte n’interdit l’adoption d’un enfant par ses grands parents et le procédé fut fort utilisé avant 1972 pour créer un lien juridique entre grands-parents naturels et petits-enfants alors que la loi ne le reconnaissait pas. (Note sous Cour d’appel de Bordeaux, 21 janvier 1988, D. 1988, J., p. 454).

332

Dominique GRILLET-PONTON, Le détournement fiscal de l’adoption simple : entre le cœur et la raison …, Droit de la famille, janvier 1999, p. 6 et s.

333 Cour d’appel de BORDEAUX, 21 janvier 1988, D. 1988, J., p. 454, note Jean HAUSER : demande en adoption plénière par les grands parents, pour faire échec à une reconnaissance par le père naturel. Jean HAUSER note : “Utiliser l’adoption pour faire échec au droit qu’a tout individu d’établir sa paternité paraît tout aussi bien un détournement que pour faire échec aux droits des grands-parents aux relations avec leurs petits enfants.ˮ.

334 Civ. 1ère, 16 octobre 2001 ; Bull. civ., I, n°256, p.162 ; D. 2002, J., p. 1097, note François BOULANGER ; Petites Affiches, 28 février 2002, n°43, p. 21, note J. MASSIP ; Defrénois 2002, art. 37478, n°6, p. 195 ; Droit de la famille 2002, n°41, note P. MURAT.

proche”335 et enfin que l’adoption n’était pas conforme à l’intérêt des petits-enfants “en dehors de leur intérêt financier”.

La Cour de cassation n’emploie pas l’expression de « détournement d’institution », mais la doctrine ne s’y trompe pas, en évoquant la prise de conscience des tribunaux “du phénomène

de détournement de l’adoption de son objet véritable”336

77. Pourtant, une décision antérieure de la Cour d’appel de Douai, du 6 mars 2000337,

avait pris une position totalement différente sur cette question. La Cour avait infirmé la décision de première instance, qui avait rejeté la demande, en rappelant d’abord que les conditions de l’adoption étaient réunies, qu’il n’y avait pas de fraude par dissimulation de la procédure à la mère, que l’adoption était conforme à l’intérêt de l’« enfant », qui avait été confié à la garde de ses grands parents depuis son enfance par plusieurs décisions de justice, qu’il avait été entièrement élevé par ses grands parents, que l’adoption viendrait conforter des liens affectifs réels et anciens. La Cour avait rejeté l’argument de bouleversement des liens et structures de la filiation en raison de l’existence d’une situation particulière : « celle de D. M.

Dans le document Le détournement d'institution (Page 76-82)