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L’organisation de l’institution autour d’une finalité commune

Dans le document Le détournement d'institution (Page 117-162)

SECTION I : DEFINITION DU DETOURNEMENT D’INSTITUTION

B- La finalité est au cœur de la notion d’institution juridique

2) L’organisation de l’institution autour d’une finalité commune

111. Deux éléments doivent donc être expliqués : l’institution est un corps de règles

« organisé »494 (a).

Ce corps de règle est organisé autour d’une « finalité commune » (b).

a) L’organisation est le critère de la notion de corps de règles

112. L’institution est un ensemble de règles, mais un ensemble ordonné “d’une façon

cohérente et rationnelle … la logique d’une institution ou d’un instrument n’étant pas la même que celle d’une autre institution ou d’un autre instrument. Ex. pensions alimentaires et

pensions indemnitaires.”495.

L’organisation interne de l’institution se traduit par une nécessaire hiérarchie496 entre les

règles qui la composent.

Cette hiérarchie repose toute entière sur le but, la finalité poursuivie par l’institution : Jean

DABIN497 explique qu’entre les règles qui composent l’institution, “règne une hiérarchie,

494 Cependant, il ne faudrait pas croire que le mécanisme est parfait et bien rôdé. Il faut nuancer les propos qui ont été rapporté au sujet du caractère hiérarchisé et structuré des institutions juridiques. En effet, il existe dans la réalité juridique des institutions que l’on peut qualifier de lacunaires “dont le système est incomplet par manque de l’une ou l’autre règle subordonnée qui la rendrait efficace ... Ou bien encore, une précaution a été négligée, dont l’absence empêchera la règle d’atteindre son but.”.

Là encore il faut tempérer cette affirmation, car “la lacune a pu être comblée grâce au travail de la jurisprudence venant compléter la loi.”.

Mais il est également possible que le défaut soit plus grave encore : “certaines institutions pêchent par une discordance interne. Entre deux partis, le législateur n’a pas su choisir et il a abouti à une solution bâtarde” Cf. Jean DABIN, Théorie générale du Droit, nouvelle éd., Dalloz, 1969, n°92, p. 106/107.

Jean DABIN signale même qu’“aux degrés supérieurs de la généralisation, les mêmes phénomènes d’inachèvement ou d’incohérence se rencontrent plus fréquemment encore : certaines institutions se figent, alors que d’autres, pourtant symétriques ou en liaison avec elles, évoluent de manière plus ou moins brusque ou rapide sans que cette fois encore, on discerne les raisons de la différence d’allure.” (Opus cité, p. 108). Cf. Jacques LEAUTE, Les éclipses et les renaissances d’institutions en droit civil français, précité, qui propose une théorie explicative de ces différents mouvements. Roger PERROT, De l’influence de la technique sur le but des

institutions juridiques, Sirey, 1953, p. 76 et s.

495

Christian LARROUMET, Introduction à l’étude du droit privé, T. I, 5ème éd., Economica, 2006, n°142, p. 82. Roger PERROT constate que “chaque institution porte en soi un ensemble d’éléments qui participent de son essence logique”(Opus cité, p. 127).

496 Pour d’autres auteurs, l’ordonnancement se traduira par la notion d’autorité : “C’est ce principe juridique interne qui soutient l’organisme institutionnel en l’assujettissant à sa finalité, à son « idée » … que j’appelle l’autorité …” (Georges RENARD, La théorie de l’Institution. Essai d’ontologie juridique, 1er volume, Sirey, 1930, p. 310 et p. 316 : “L’autorité … tient à l’« organisation », savoir à l’intégration d’une finalité, d’une idée, d’une « forme » … dans une collectivité de personnes …”). Pour BRETHE DE LA GRESSAYE, “Quel qu’il soit, le mode d’organisation traduit le principe d’autorité, qui est un élément essentiel de l’institution.”(Recueil

Dalloz, n°36. Voir également Gaston MORIN, article précité, p. 77. Maurice HAURIOU, La Théorie de l’Institution et de la fondation, article précité, p. 11).

497 Jean DABIN, Théorie générale du Droit, nouvelle éd., Dalloz, 1969, n°87, p. 101. Jacques CHEVALLIER

vise “la hiérarchisation. Le système institutionnel est toujours construit autour d’un pôle ou nœud dominant, différent selon les sociétés, qui sert de centre de gravité, de point d’attraction, et surtout de clef de voûte, en

dont la clé est fournie par la finalité de l’institution et par le degré de proximité du moyen à la

fin, le moyen le plus éloigné étant subordonné au moyen le plus proche, et ainsi de suite.”498.

De plus, à l’organisation interne de l’institution, selon un processus logique et cohérent, correspond une organisation logique en ce qui concerne les relations des diverses institutions entre elles.

Les institutions se composent en effet d’institutions principales, d’institutions secondaires ou

sous-institutions499 : “la plupart des institutions juridiques et les notions qu’elles utilisent sont

elles-mêmes susceptibles de regroupement en des synthèses plus vastes. Ainsi, l’institution-vente, en tant que contrat, dépend de l’institution-contrat qui, elle-même, dépend de l’institution acte juridique, l’acte juridique étant le terme générique qui recouvre le contrat et

l’acte unilatéral …”500.

L’institution peut être détournée de sa finalité, quelle que soit sa place dans cette structure

hiérarchisée501.

assurant la cohésion de l’ensemble.”(Jacques CHEVALLIER, L’analyse institutionnelle, in L’institution, ouvrage collectif, PUF, 1981, p.20).

498 L’auteur propose un exemple pour illustrer son affirmation : “la loi prescrit au tuteur de gérer en bon père de famille les biens du pupille (art. 450 c. civ.), ce qui est la traduction juridique immédiate de l’idée directrice de protection. Mais la loi ne s’arrête pas là. En conséquence de l’idée elle prévoit (deuxième règle, subordonnée à la première) que le tuteur sera obligé de rendre compte de la gestion (art. 469). Pour éviter que le tuteur n’élude la rédhibition de compte, elle interdit tout traité passé entre le tuteur et le mineur devenu majeur s’il n’a été précédé de la remise d’un compte détaillé (troisième règle, sous-subordonnée) et, en même temps (quatrième règle), elle sanctionne cette interdiction par la nullité relative du traité contraire à la loi (art. 472).” (Jean DABIN, Théorie

générale du Droit, nouvelle éd., Dalloz, 1969, n°87, p. 101/102).

499 “Il y a même des institutions d’institutions, en ce sens que certaines institutions principales, plus complexes, contiennent en elles d’autres institutions secondaires ; par exemple la famille est une institution qui en groupe un certain nombre en dessous d’elle, le mariage, la puissance paternelle, le régime matrimonial” (Paul ROUBIER,

Théorie générale du Droit. Histoire des doctrines juridiques et Philosophie des valeurs sociales, 2ème éd. Rev. et augm., Sirey, 1951,p . 19).

500 Jean DABIN, Théorie générale du Droit, Nouvelle édition, Dalloz, 1969, n°90, p. 104. Claude DU PASQUIER, constate que “Lorsque diverses institutions juridiques se ramènent à un type commun, comme la vente et le bail se ramènent au contrat, on est en présence d’institutions secondaires et d’institutions principales. Ainsi les institutions s’ordonnent autour de centres plus importants et ainsi de suite : le contrat d’apprentissage est une sous-institution par rapport au contrat de travail ; ce dernier à son tour gravite autour de l’institution juridique qui est le contrat.” (Introduction à la théorie générale et à la philosophie du Droit, 3ème éd., Delachaux et Niestlé SA, 1948, n°160, p. 141). De son côté, Boris STARCK note que “La notion d’institution est susceptible de degrés. Des institutions principales peuvent contenir elles-mêmes des institutions secondaires, telle que la famille qui embrasse d’autres groupements organiques comme le mariage, l’autorité parentale, le

régime matrimonial, etc.” (B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Introduction au Droit, 5ème éd., 2000, n°258,

p. 109. ). Jean CARBONNIER a également bien perçu une telle structure, en rappelant que “Les institutions juridiques s’ordonnent d’ailleurs entre elles, se groupent, se hiérarchisent. Ainsi l’institution de l’obligation alimentaire et l’institution du mariage se rassemblent pour former, avec d’autres, une institution juridique plus vaste qui est l’institution de la famille.”( Jean CARBONNIER, Droit civil. Introduction, Les personnes, La

famille, l’enfant, le couple, vol. I, 1ère éd., Quadrige, PUF, 2004, n°4, p. 12).

501 Cf. observations précédentes, sur le critère qualitatif. Un exemple peut être tiré d’une décision de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 18 novembre 1998, qui était saisie d’un « détournement des institutions judiciaires ». (Civ. 3ème, 18 novembre 1998, www.legifrance.gouv.fr, pourvoi n°96-14.055). 501 D’après Gérard CORNU, les « institutions judiciaires » correspondraient “dans un usage récent à l’équivalent approximatif de branche du droit ou de système juridiqueˮ. (Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 8ème éd. Mise à jour, Quadrige, PUF, 2007, p. 499).

La Cour d‘appel, dont la décision est cassée pour violation de la loi (mais parce qu’elle n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations), avait retenu “qu’en multipliant et en compliquant les

La hiérarchie, la logique interne des institutions est obtenue grâce à la finalité, au but poursuivi par l’institution. S’il est un élément dont l’importance n’est pas à démontrer en ce qui concerne la notion d’institution, c’est donc bien celui de sa finalité.

b) L’idée ou finalité502 est l’élément fédérateur de l’institution

113. La finalité ou le but poursuivi par l’institution sont en fait les éléments phares de

l’institution. C’est le but poursuivi qui lie entre elles les différentes règles formant l’institution, qui en est le « ciment » (cf. infra, finalité).

La première difficulté à laquelle le juriste se trouve confronté, est de définir ce qu’est la

finalité (∞). Or cette définition est fondamentale, car la finalité constitue le cœur de

l’institution juridique (β).

Ce premier obstacle franchi, il faut ensuite se demander comment déterminer la finalité d’une

institution juridique ? (γ)

∞) La notion de finalité

114. Rares sont les auteurs qui se risquent à en proposer une définition. Par contre, la

doctrine emploie volontiers des termes équivalents comme celui de « but » de l’institution. La finalité d’un mécanisme juridique est alors définie comme le but poursuivi par, l’objectif

de ce mécanisme503.

procédures, Mme V. a, par un véritable détournement des institutions judiciaires, fait dégénérer en abus certain son droit d’ester en justice …ˮ. En effet, la Cour avait relevé que le demandeur en justice avait eu gain de cause dans les diverses procédures qu’il avait engagé, il ne pouvait y avoir abus du droit d’agir en justice. (Jean

VINCENT, Serge GUINCHARD, Procédure civile, Précis Dalloz, 27ème éd. Refondue, 2003, n°71, p. 113 et s.)

C’est pour cette raison que la décision est cassée pour violation de la loi, mais l’affirmation selon laquelle le fait de multiplier et de compliquer les procédures conduit à un détournement des institutions judiciaires n’est pas remis en cause par cette cassation.

502 DESQUEYRAT évoque la distinction entre idée et finalité dans le phénomène institutionnel : “La finalité et l’idée ne sont pas deux réalités juxtaposées ; elles sont plutôt deux aspects d’une même réalité. Il n’y a pas de finalité sans idée ; il n’y a pas davantage d’idée à poursuivre sans finalité. Mais historiquement la finalité s’est présentée avant tout comme une finalité morale comme un moyen de protéger « l’éminente dignité de la personne humaine » … tandis que l’idée se présente avant tout sous un aspect positif, comme un moyen de poursuivre tout but licite général ou particulier.” (André DESQUEYRAT, L’institution, le droit objectif et la

technique positive. Essai historique et doctrinal, Thèse, Sirey, 1933, p. 388).

503 Cf. Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 8ème éd. Mise à jour, Quadrige, PUF, 2007, v. «fin», p. 411. Ce terme est à rapprocher des termes de but, de cause finale : «but» : «Objectif, fin poursuivie. Ex. but d’une loi, d’un acte juridique, d’un groupement.». «Cause finale» (voir cause, p. 128/129) : «Intérêt de l’acte juridique pour son auteur (cause finale) qui correspond :

a) S’il s’agit d’en apprécier la licéité ou la moralité, au mobile individuel, concret et variable dans le type même d’acte d’une personne à l’autre (l’un achète une maison pour l’habiter, l’autre pour la louer, un autre pour la revendre) ; on parle alors de cause impulsive et déterminante, ou cause concrète, purement subjective.

(p. 129) b) S’il s’agit de vérifier l’existence de la cause, à l’effet de droit inhérent à l’acte, considération abstraite plus objective et invariable dans un même type d’acte (ex. pour l’acquéreur, l’acquisition de la propriété ; pour le

La notion de finalité n’apparaît pas comme telle dans les dictionnaires juridiques, il faut

chercher au mot « fin »504. Mais les deux expressions sont utilisées comme synonymes l’une

de l’autre pour les juristes.

115. En doctrine, la «finalité» a été spécialement étudiée par R. VON IHERING, dans un

ouvrage intitulé “Le But du Droit”505, le premier chapitre y est en effet consacré à la «loi de

finalité»506, qui peut se résumer dans la formule «point d’action sans but»507.

IHERING s’attache à décrire et à définir la notion de but, qui constitue l’essence de la

finalité508 : “le but est la conception d’un événement futur que la volonté tend à réaliser”509.

La définition du but ainsi proposée a été approuvée par la majorité de la doctrine, qui reprend

des formules similaires510, en estimant que « finalité » et « but » sont deux expressions

vendeur, la réception du prix) ; on parle de cause abstraite, objective (mais c’est toujours une cause finale) ; v. motif, raison, fin.».

504

Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 8ème éd., Quadrige, PUF, 2007, p. 411 : “1. Terme, extinction ... 2. Finalité, but objectif (même sens que cause finale). 3. Syn. En procédure, surtout au pluriel, d’objet de la demande.”.

505 L’Evolution du Droit (Zweck in Recht). Trad. Sur la 3ème éd. Allemande par O. DE MEULENAERE, PARIS,

Librairie A. Marescq, 1901. 506 Opus cité, p. 1 et s. 507 Ibidem.

508 N°5, p. 6. 509

“Jamais l’action elle-même n’est un but, elle n’est qu’un moyen de l’atteindre ... dans chaque action nous voulons non cette action même, mais seulement son effet pour nous. Cela revient à dire que, dans chaque action, c’est uniquement le but de celle-ci que nous poursuivons.”(N°8, p. 8).

510 Henri CAPITANT, De la cause des Obligations, Dalloz, Paris, 1923, n°3, p. 9 : “toute personne qui consent à s’obliger envers une autre est déterminée par la considération d’un but qu’elle se propose d’atteindre par la voie de cette obligation. La volonté de celui qui contracte une obligation est toujours et nécessairement dominée par le désir d’arriver à une fin envisagée par lui.”. V. également Roger PERROT, qui s’est aussi intéressé à cette question de la finalité dans l’institution. Il rappelle que “La volonté est toujours orientée par la représentation d’une fin à atteindre parce qu’elle cherche la cause de ses actes dans l’avenir. Autrement dit, il n’y a pas d’action consciente sans un but, c'est-à-dire sans la « conception d’un événement futur que la volonté tend à réaliser ». La loi de la finalité est aux actions humaines ce que la loi de la causalité est au monde matériel. Or, la loi de la finalité trouve naturellement sa place dans le domaine du Droit auquel revient la tâche périlleuse de régler les rapports entre les hommes”. (Roger PERROT, De l’influence de la technique sur le but des institutions juridiques, Sirey 1953, p. 4).

interchangeables511. Le but correspond au résultat visé par les parties à l’acte512, ou attendus

par l’agent de son acte513.

Ainsi, finalité et but sont deux notions parfaitement équivalentes, le but constituant pour

IHERING la pierre d’achoppement de tout le droit514.

116. L’autre auteur incontournable pour cerner ce qu’est la finalité est Louis

JOSSERAND515.

L’idée principale qui sous-tend toute la philosophie du Doyen consiste en ce que “droits et actes juridiques sortent du domaine de l’abstraction ... pour se réaliser socialement, conformément à leur essence intime et en fonction de leur finalité ... c’est le but qui crée le droit : c’est la fin poursuivie qui justifie les moyens employés et le droit tout entier ... se

ramène à une vaste téléologie sociale.” 516.

511 Henri CAPITANT, De la cause des Obligations, Dalloz, Paris, 1923, n°3, p. 9 : “Dans la terminologie juridique, le but s’appelle la cause de l’obligation, expression critiquable ... car il n’est guère logique de désigner sous le nom de cause la fin poursuivie. Le mot cause fait en effet penser à quelque chose d’antérieur à l’acte accompli ... Tandis que le but est dans l’avenir ou, au plus dans le présent ...” ; n°6, p. 15 : “... la vie de l’obligation, une fois qu’elle est née, reste subordonnée à la réalisation de la fin poursuivie, car si cette fin ne se réalise pas, il n’est pas admissible que l’obligation garde sa force obligatoire.”. Cf. également n°7, p. 17 et p. 18 : “... si par suite d’un événement postérieur à la naissance de l’obligation ... la fin voulue par le débiteur ne peut pas se réaliser, celui-ci cesse d’être obligé, il est libéré ... Il n’est pas admissible qu’une promesse garde sa force obligatoire alors qu’elle ne mène pas au but visé”. V. n°14, p. 30. Henri BUFNOIR, Propriété et contrat, p. 529 : “Le but est comme un élément subjectif qui vient compléter la volonté de celui qui s’oblige ... En réalité, il s’oblige pour atteindre tel résultat qu’il attend du contrat, ou encore, il s’oblige parce qu’un tel résultat se trouve déjà réalisé.”.

512 Henri CAPITANT, De la cause des Obligations, Dalloz n°2, p. 7.

513 Louis JOSSERAND, Les mobiles dans les actes juridiques du droit privé, Dalloz, 1928, n°7, p. 10. Louis JOSSERAND précise encore qu’il “faut s’inquiéter des résultats que l’agent attendait de son acte, du but qu’il se proposait d’atteindre, il faut pénétrer jusqu’à son intention ...” . (Les mobiles dans les actes juridiques du droit

privé. Dalloz, 1928, n°7, p. 8).Un auteur (SCHLOSSMANN), cité par CAPITANT, indique que “La tradition,

l’obligation assumée sont pour moi, en elles-mêmes, sans intérêt ; elles ne m’intéressent que par le résultat

attendu ; elles ne sont pas pour moi but, mais moyen de parvenir au but. But et moyen, tous deux sont voulus par

moi, mais ce dernier seulement en tant qu’il conduit à la réalisation du premier”. (CAPITANT,n°2, p. 8/9 : Zur

Lehre von der Causa obliotorischer Verträge, Thèse Doctorat Breslau, 1868, p. 39).

514 L’Evolution du Droit (Zweck in Recht), précité, p. 291 : “dans le domaine du droit, rien n’existe que par le but et en vue du but ; le droit tout entier, n’est qu’une unique création du but”. Cf. L. JOSSERAND, Les mobiles

dans les actes juridiques du droit privé, Dalloz, 1928, n°3, p. 4.

515 De l’esprit des droits et de leur relativité. Théorie dite de l’Abus des Droits, 1ère éd. 1927 ; 2ème éd. , Dalloz, 1939, n°16, p. 17 ; n°17, p. 19 ; p. 370 : “en réalité, et dans une société organisée, les prétendus droits subjectifs sont des droits-fonctions ; ils doivent demeurer dans le plan de la fonction à laquelle ils correspondent, sinon leur titulaire commet un détournement, un abus de droit ; l’acte abusif est l’acte contraire au but de l’institution, à son esprit et à sa finalité.”.

516 Les mobiles dans les actes juridiques du droit privé. Dalloz, 1928, n°3, p. 4. Pour DELOS, par exemple, “Dans l’Etat qui et un « état de droit », chaque règle positive est la « mise en forme » d’une pensée et d’une volonté du corps social, répondant à un des besoins. Elle exprime la façon dont, sur un point particulier, la société se conçoit elle-même. De même qu’il y a une idée directrice finale qui explique la fondation et la durée de l’Etat, de même y a t-il en chaque loi particulière une idée qui achemine vers la réalisation du but de l’Etat … toute loi, toute règle de droit contiennent une « idée » qu’elle assortit des voies et moyens nécessaires à sa réalisation concrète et historique.”. (J. T. DELOS, Les buts du droit : bien commun, sécurité, justice. 3ème annuaire de l’institut international de philosophie du droit et de sociologie juridique, 1938, p. 29 et s., spéc. p. 38).

Si aujourd’hui la plupart des auteurs ont recours à la notion de finalité, il n’en a pas toujours été ainsi dans le passé, certains évoquant le «but économique et social du droit». Cette expression, très en vogue au début du

Les notions de finalité et de but sont utilisées de façon synonyme par JOSSERAND517, JOSSERAND qualifiant même le critère du détournement du droit de sa fonction sociale de

«critère fonctionnel ou finaliste».518

La finalité pour JOSSERAND, que ce soit la finalité d’un droit ou la finalité d’un acte correspond au but ultime poursuivi par les auteurs de ce mécanisme, par opposition à la

notion de but immédiat. En effet, pour reprendre ce qui a été affirmé précédemment519, le but

constitue le résultat visé par l’action engagée par le sujet, le but immédiat pouvant être rapproché de l’intention, de la cause de l’acte, du motif, alors que le but ultime est tourné vers

l’avenir520 et révèle «le but de l’opération»521.

A côté du mot « but », JOSSERAND utilise un autre terme permettant également de définir ce qu’est la finalité, il s’agit du terme d’« esprit ». L’auteur y a même recours largement

puisqu’il consacre un ouvrage à « l’esprit des droits »522.

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