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Partie V : Discussion générale, conclusion, recommandations et perspectives

11.3. Suggestions pour le développement de la lutte intégrée en tomate

11.3. Suggestions pour le développement de la lutte

intégrée en tomate

Au regard de la capacité dévastatrice des ravageurs et particulièrement Tuta absoluta en culture de tomate au Burkina Faso et des impacts négatifs des pesticides sur la santé humaines, sur l’environnement, sur les ennemis naturels et sur le développement de la résistance chez les ravageurs, des mesures idoines devraient être prises et intégrées dans le cadre d’un « Plan d’action national », visant à promouvoir une production durables des produits horticoles au Burkina Faso. Pour atteindre cet objectif, les principes fondamentaux ci-dessous de la lutte intégrée doivent être adaptés à la tomate (Schiffers et Wainwright., 2011; FAO, 2012b; Badiane et al., 2015) :

Principe 1 : La semence ou le matériel de plantation (plants) étant le fondement de la production de cultures maraîchères saines et vigoureuses, le choix des variétés de tomate résistantes ou tolérantes (aux maladies) et des semences de bonne qualité en fonction des bioagresseurs présents dans la zone doit être approprié. En effet, la connaissance des caractéristiques de la variété à utiliser permet d’évaluer sa sensibilité par rapport aux bioagresseurs présents dans la zone. Les semences de tomate étant souvent importées de l’étranger, les caractéristiques variétales ne correspondent pas nécessairement au contexte phytosanitaire local. Une sélection variétale locale doit être encouragée.

Principe 2 : Le précédent cultural dans la rotation est fondamental pour réduire la pression phytosanitaire. Il faudra vérifier toujours la plantation dans des parcelles exempts des pathogènes du sol tel que les nématodes, les conidies des champignons, les bactéries.

Principe 3 : Le stade de la pépinière étant la partie critique pour assurer une bonne production et un bon état phytosanitaire de la culture, il est important d’établir les pépinières dans un sol exempt de ravageurs / maladies pour favoriser le développement des plantules. L’introduction des techniques de pépinière hors sol et leur protection avec les filets anti-insectes doit être recommandée aux producteurs, car ce sont des techniques appropriées à l’obtention d’un matériel végétal sain et vigoureux, garantie de succès pour la suite de la culture. En plus, ces techniques ont de nombreuses répercussions favorables : précocité, raccourcissement du cycle et donc diminution de l’incidence de certaines maladies ou d’attaques des ravageurs.

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Principe 4 : Repiquer les plants avec des écartements appropriés, pour éviter une densité de peuplement excessive qui entrave le développement de la culture et crée un environnement humide, favorable à l'apparition des maladies. Aussi, la forte densité de repiquage constitue une zone de refuge aux ravageurs et empêchent les pesticides de les atteindre.

Principe 5 : Planifier la plantation des cultures de manière à éviter les périodes de prévalence des ravageurs et des maladies dans le champ. Coordonner les dates de plantation au niveau du site de production pour empêcher le passage des ravageurs entre les cultures ou pour préserver une période de repos saisonnier.

Principe 6 : Adopter les bonnes pratiques de conservation de sol (amender la terre avec un compost ou un engrais organique bien décomposé et de qualité, recouvrir le sol avec du paillis) et de gestion hydrique pour favoriser une bonne croissance des plantes. Eviter les excès de fertilisation azoté qui fragilisent et rendent les plantes plus attractives aux ravageurs et au développement des maladies. Irriguer régulièrement les plantes en fonction de leurs besoins tout en évitant les excès, car une humidité persistante en excès accentue l’action des champignons et des bactéries qui ont souvent besoin d’une longue période d’humidité pour pénétrer dans la feuille. Par contre un stress hydrique (insuffisance d’irrigation) rend sensible les plantes aux ravageurs dont le développement optimum est conditionné par des climats chauds et secs (acariens, thrips).

Principe 7 : Maintenir les champs parfaitement propres en éliminant les résidus de la campagne précédente, en détruisant les mauvaises herbes et en arrachant et détruisant les plantes et fruits présentant des symptômes de maladie ou d’attaque de ravageurs. À l'issue de la récolte, éliminer les résidus de cultures. Ces mesures empêchent la prolifération des ravageurs et des maladies et leur passage d'une campagne à l'autre.

Principe 8 : Les prédateurs et les parasitoïdes jouent un rôle important dans la régulation de la population des ravageurs et peuvent être utilisé en lutte biologique pour réduire considérablement le besoin en pesticides de synthèse. Par conséquent, les bonnes pratiques culturales (association des cultures, aménagement des zones refuges à proximité des parcelles de production…) et de lutte chimiques «douces» (produits sélectifs ; produits à faible rémanence permettant un retour rapide des auxiliaires ; traitements sur seuil avec les produits systémiques et au bon moment…) doivent être mise en œuvre afin de favoriser leur installation, leur maintien et leur développement.

Principe 9 : Inspecter régulièrement les champs (au moins chaque semaine) pour surveiller la croissance et le développement des cultures, suivre l'évolution des populations d'auxiliaires et surtout pour détecter rapidement l'apparition de ravageurs, de maladies et d'adventices afin de mettre en œuvre les mesures de lutte intégrée nécessaires pour éviter une aggravation des dégâts et, par conséquent, des pertes importantes de rendement.

Principe 10 : Adopter des stratégies sur la prévention des parasites et la préservation des populations d'auxiliaires. Pour cela, il faut donner la priorité aux moyens de lutte les moins nocifs pour l'homme, la culture et l'environnement.

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Privilégier les méthodes mécaniques ou naturelles et appliquer au besoin le produit adéquat, selon la technique requise, en respectant les bonnes pratiques phytosanitaires (dose recommandée, nombre maximal de traitements, formulation autorisée). Une bonne utilisation des pesticides chimiques sélectifs permet d’une part aux populations d'auxiliaires de se développer au détriment des ravageurs et d’autre part d’éviter le développement de la résistance chez les parasites et les résidus de pesticides dans les légumes traités.

Principe 11 : Pratiquer la rotation des cultures : la monoculture favorise le maintien et le développement des bioagresseurs, qui pourraient proliférer au point de devenir ingérables et la rotation des cultures peut donc contribuer à la diminution des formes de conservation, réduisant ainsi l’attaque des plantes hôtes. Planter successivement des cultures ne possédant pas de ravageurs en commun (rotation de tomate avec oignon, ou avec laitue, par exemple).

Cependant, pour favoriser la mise en œuvre de ces principes de lutte intégrée, il y a lieu de sensibiliser et de former davantage tous les intervenants de la filière maraîchère (encadreurs, producteurs et distributeurs de pesticides) sur la reconnaissance des bioagresseurs, sur les bonnes pratiques agricoles, sur les propriétés des pesticides (efficacité, sélectivité, persistance) et sur les mesures de gestion des risques liés à l’utilisation des pesticides (toxicité, mesures de protection). Il est également important de développer des outils d’aide à la décision et des systèmes de surveillance et d’alerte précoce pour un suivi des ravageurs et permettant de prôner l’intégration entre la lutte biologique et chimique qui sont tout à fait complémentaires et synergique pour obtenir de meilleurs résultats en matière de protection des plantes. En effet, le rôle des différents pièges aujourd’hui (piège à eau, pièges à phéromones, piège lumineux, etc.) n’est pas tant de piéger massivement les ravageurs et limiter ainsi leur dégâts, mais plutôt de servir à déclencher un traitement chimique lorsque le seuil d’infestation est atteint. Aussi, des indicateurs permettant d’évaluer l’impact et l’efficacité des mesures de gestion des pesticides au Burkina Faso et le niveau d’adoption des méthodes alternatives à la lutte chimique par les producteurs doivent être développés.

Enfin, on insistera auprès des producteurs sur la nécessité de raisonner les traitements phytosanitaires dans un cadre plus large que celui de la parcelle de la tomate et dans une optique plus longue, car de nombreux ravageurs de la tomate sont également nuisibles à d’autres plantes cultivées. Par exemple Helicoverpa armigera et Bemisia tabaci s’attaquent aussi bien au coton qu’à la tomate ; c’est le cas également de Tuta absoluta qui s’attaque à plusieurs solanacées (tomate, poivron, pomme de terre, aubergine..). Tant que les méthodes de lutte intégrées développées pour gérer ces populations de ravageurs en culture de tomate ne seront pas le cas pour les autres cultures et de façon simultané, la stratégie de lutte intégrée mise en place peut être compromise. Par exemple, l’introduction, en culture de tomate, d’un parasitoïde spécifique à B. tabaci n’a aucune chance de succès si dans les champs de tabac adjacents on traite ce vecteur de viroses avec des insecticides à large spectre d’action (FAO, 2012b).

Pour une application effective de ces stratégies de lutte intégrée, des mesures devront être entreprises par l’Etat burkinabè pour une application effective de la la

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loi en vue d’enrayer l’utilisation abusive des pesticides ou l’emploi de produits non appropriés ou qui sont incompatibles avec les agents de lutte biologiques naturellement présent ou introduits. Il faudra aussi que l’Etat apporte son soutien en subventionnant les intrants de qualité (semences, engrais et produits chimiques) et le matériel de protection qui ne sont pas toujours disponibles ou accessibles à la portée des producteurs compte tenu de leur faible niveau de revenue.