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Partie V : Discussion générale, conclusion, recommandations et perspectives

10.3. Impact des pratiques phytosanitaires des producteurs de tomate sur la

sur l’environnement au Burkina Faso

Les enquêtes réalisées et le suivi rapproché sur les pratiques phytosanitaires, montre une forte dépendance des producteurs aux pesticides de synthèse avec un minumun de 10 traitements phytosanitaires par cycle de production.Toutes les substances actives utilisées hormis l’acétamipride et la cyperméthrine, ont présenté des risques d’exposition plusieurs fois plus élevés que le niveau d'exposition reconnu comme acceptable pour l'opérateur (AOEL). La lambda-cyhalothrine et le profénofos qui ont été les plus utilisées d’après nos observations, sont-elles qui ont présenté plus de risque pour l’opérateur. La lambda-cyhalothrine présente une toxicité aiguë élevée pour la santé humaine (classée T+ ; perturbateur endocrinien). A court terme, elle est neurotoxique (ataxie, tremblements, convulsions occasionnelles), mais à long terme, elle n'est pas cancérigène et n'a aucun effet sur la reproduction et le développement, mais favorise plutôt une diminution du gain de poids corporel (JMPR, 2007a; INERIS, 2011). Quant au profénofos, les effets indésirables qu’il pourrait causer en cas de dépassement des seuils d’utilisation sont l'irritation de la peau et des yeux et l'inhibition de l'activité de l’acétylcholinestérase du cerveau (JMPR, 2007b). Une fois ingéré, il est largement distribué dans le corps, mais son potentiel d'accumulation est faible car le taux d'excrétion est de 94% dans l'urine dans les 24 heures.

La forte exposition des producteurs aux pesticides est liée en grande partie au non-respect des règles de sécurité conseillées lors des traitements phytosanitaires (port d’équipements de protection adéquats). Une étude conduite chez les citronniers américains a révélé que l'exposition cutanée serait réduite de 27% par l'utilisation de gants, de 38% par des combinaisons et 65% à l'aide des gants et des combinaisons (Nigg et al., 1986). Aussi, l’analphabétisme (70% de producteurs ne savent pas lire) contribue à l’exposition des producteurs aux pesticides, car ne sachant pas lire, ni écrire, la compréhension et le respect des informations mentionnées sur les étiquettes (dose à appliquer, consignes de sécurité, etc.) restent forcément limités. En effet, plus, l’opérateur a un niveau d’éducation et de formation élevée, plus l’exposition diminue par application des consignes de sécurité liés à l’utilisation du

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produit (Colosio et al., 2009; Lebailly et al., 2009). Il est donc nécessaire de sensibiliser et de former davantage les producteurs sur les consignes de sécurité et sur l’importance de l’usage des moyens de protection lors des traitements phytosanitaires pour leur propre santé.

Les échantillons de tomates, d’eaux et de sols prélévées auprès des producteurs des communes de Bobo-Dioulasso et de Kouka et analysés au laboratoire, se sont révelés positif aux résidus de chlorpyrifos-éthy, de la lambda-cyhalothrine et au profénofos hormis les échantillons d’eau (Annexe 1). L’intensification des traitements chimiques (minimum 10 traitements par cycle de production de la tomate) et le non-respect des doses recommandées (surdosage) et des délais avant récolte pourraient expliquer la présence de ces résidus dans les fruits de tomates. Parmi ces résidus de pesticides présents dans les fruits de tomate, seule la valeur du chlorpyriphos-éthyl était supérieure à la Limite Maximale de Résidus (LMR) sur la tomate selon les normes de l’union européenne. Cependant en dépit du dépassement significatif de la LMR (360%), le Predictable Short Term Intake (PSTI) reste inférieur à la dose de référence aiguë (ARfD de 0,005 mg / kg) pour tous les groupes cibles (0,002 mg / kg pour les enfants et 0,001 mg / kg pour les adultes). Par conséquent, le risque d'intoxication aiguë n’est à crainde, ni pour les enfants ni pour les adultes qui pourraient consommer ces tomates contenant des résidus de cette molécule. Cependant la consommation continue de ces fruits avec ce niveau de résidus de pesticides pourrait entraîner à long terme des effets néfastes chroniques sur la santé humaine, car une fois ingéré, le chlorpyrifos-éthyl passe rapidement des intestins à la circulation sanguine, où il est distribué au reste du corps (ATSDR, 1997 ; Albers et al., 1999 ; Samuel et al., 2002).

La contamination des sols par les résidus de pesticides pourrait avoir un négatif sur les vers de terre et autres organismes du sol qui assurent des fonctions agro- écologiques importantes. Ce qui aura un impact négatif sur la fertilité des sols. Gountan (2013) constate dans un champ de tomate au Burkina Faso, une réduction de 62% de la densité des termites par exposition à la lambda-cyhalothrine et une réduction de 40% de la densité totale des autres groupes de la macrofaune par exposition au chlorpyrifos-éthyl. On doit donc faire particulièrement attention aux effets nocifs des produits phytosaniatires sur la microflore du sol, laquelle est essentielle au maintien de la fertilité.

L’absence de détection des résidus de pesticides supérieure à la limite de quantification (LOQ de 0,01 mg/L) dans les échantillons d’eaux provenant des puits maçonnées pourrait s’expliquer par la faible mobilité des substances actives utilisées (lambda-cyhalothrine, acétamipride, cyperméthrine et profénofos) qui ont des valeurs de Koc élevées. En effet, plus le Koc est élevé, plus le mouvement du composé est limité dans le profil du sol, de sorte qu'il y a moins de potentiel pour la contamination des eaux souterraines (McCall et al., 1980 ; Arias-Estévez et al., 2008). Cette observation rejoint celle de Lehmann (2017) au Burkina Faso qui indique que l’eau des puits qui descend dans la nappe phréatique profonde est moins contanimnée par les résidus de pesticides comparativement à celle des autres puits moins profonds ou des retenues d’eau.

Discussion générale

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Parmi les substances actives retrouvées dans les tomates et dans les sols, plus de 80% sont utilisés par les maraîchers selon les résultats des enquêtes et selon d’autres auteurs (Oyono Ele, 2008 ; Congo, 2013 ; Lehmann et al., 2017). Ce qui témoigne de l’impact des pratiques phytosanitaires des maraîchers sur la qualité des légumes et sur l’environnement. Le DDT, dont l'utilisation est interdite, a également été trouvé dans 40% des échantillons de sol provenant des pratiques paysannes de Bobo-Dioulasso, montrant ainsi la circulation des pesticides obsolètes au Burkina Faso et probablement la persistance de ce composé dans les sols.

Aucune substance active supérieure à la limite de quantification (LOQ de 0,01 mg/kg) n’a été trouvée dans les échantillons de tomate et de sols provenant des parcelles où les pratiques IPM ont été appliquées, montrant ainsi l’importance de l’application de bonnes pratiques agricoles en production maraîchère.

10.4. Stratégies de lutte intégrées en production de