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II.2 C ONCEPTIONS THEORIQUES DE LA CONSCIENCE DE SOI

II.2.4 Substrats neuronaux du soi : mémoire et métacognition

Selon Northoff et al. (2004, 2006), les structures corticales médianes seraient le composant fondamental dans la constitution du soi et permettraient ainsi une représentation, une surveillance, une évaluation et une intégration des stimuli autoréférentiels. Basée sur 27 études en TEP et en IRMf impliquant une tâche de stimuli auto référencés, la méta-analyse de Northoff et al. (2006) permet de diviser ces structures corticales médianes (CMS) en 3 parties : ventrale, dorsale et postérieure (voir Figure 13).

Figure 13 : Implication des structures frontales et corticales médianes (modifié d'après Northoff et

al., 2006)

Le MOPFC, PACC et le VMPFC représentent la partie ventrale des CMS, le SACC et le DMPF la partie dorsale et le PCC, le RSC et le MPFC la partie postérieure.

Abréviations : CMS = structures corticales médianes ; MOPFC = cortex préfrontal orbitomédian ; VMPFC = cortex préfrontal ventromédian ; DMPFC = cortex préfrontal dorsomédian ; PACC = cortex cingulaire antérieure pré – et subgénual ; SACC = cortex cingulaire antérieur supragénual ; PCC = cortex cingulaire postérieur ; RSC = cortex rétrosplénial ; MPC = cortex pariétal médian

Le cortex préfrontal ventromédian, le cortex préfrontal orbitomédian et le cortex cingulaire antérieur prégénual sont apparentés à la partie ventrale des CMS et sont fortement impliqués dans la représentation de stimuli auto référencés (Kjaer et al., 2002). Le cortex préfrontal dorsomédian et le cortex cingulaire antérieur supragénual représentent quant à eux la partie dorsale et sont nécessaires à l’évaluation et à la comparaison de ces stimuli auto référencés avec les informations que l’individu à de lui-même : est-ce que oui ou non ce stimuli me représente (Carter et al., 1998 ; Zysset et al., 2002). Enfin les CMS dorsales, représentées par

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le cortex cingulaire postérieur, le cortex rétrosplénial et le cortex pariétal médian, participent à l’intégration des informations. Elles sont souvent apparentées, et plus particulièrement le cortex cingulaire postérieur, à la récupération de souvenirs autobiographiques et à l’intégration de nouvelles informations (Johnson et al., 2002).

L’activation de ces CMS aurait également un rôle prépondérant lors de tâches autobiographiques, attestant à nouveau d’une étroite interaction entre la mémoire et le soi. Associées aux régions pariétales et temporales latérales et médianes, ces CMS seraient impliquées à la fois dans le rappel d’évènements épisodiques, d’évènements autobiographiques et de processus mentaux tels que la théorie de l’esprit (voir Figure 14).

Figure 14 : Représentation visuelle de l’ensemble des régions impliquées lors d’une tâche de mentalisation, de récupération de souvenirs épisodiques ou d’une tâche autobiographique (d'après

Andrews-Hanna et al., 2014)

Il semblerait que le d’un rappel d’un événement autobiographique nécessite à la fois (i) la récupération d’un souvenir épisodique spécifique associé à son contexte d’encodage mettant en place un processus d’imagerie mentale ; (ii) une mise en relation de cet élément avec des connaissances autobiographiques sémantiques issues du self tel que décrit précédemment

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dans le modèle de Conway ; (3) une réflexion métacognitive permettant de réfléchir sur l’événement que l’individu est en train de revivre (Andrews-Hanna et al., 2014).

Il est intéressant de noter que le profil d’activation mis en évidence lors de ces tâches de récupération de souvenirs épisodiques, autobiographiques ou de mentalisation, est similaire au profil de connectivité d’une personne au repos, désengagée de toute tâche cognitive dirigée vers un but (Andrews-Hanna et al., 2014; Whitfield-Gabrieli et al., 2011). Selon Andrews-Hanna et ses collaborateurs (2014), trois sous-systèmes se distingueraient et permettraient de caractériser ce réseau par défaut : le réseau « central », le système temporal médian et le système préfrontal ventromédian (voir Figure 15).

Figure 15 : Rôle du réseau par défaut (d'après Andrews-Hanna et al., 2014)

(A) Fonctions associées à chaque système du réseau par défaut. La taille de la police est proportionnelle à l’implication de cette région dans la tâche considérée. Représentation graphique (B) et anatomique (C) des régions représentant le réseau par défaut.

Abréviations : TempP = pôle temporal ; LTC = cortex temporal latéral ; TPJ = jonction temporo- pariétale ; dmPFC = cortex préfrontal dorsomédian ; HF = formation hippocampique ; PHC = cortex parahippocampique ; RSC = cortex rétrosplenial ; pIPL = lobule parietal inférieur ; vmPFC, cortex préfrontal ventromédian ; amPFC = cortex préfrontal médian antérieur ; PCC = cortex cingulaire postérieur

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Le sous-système temporal médian, représenté par l’hippocampe, le cortex parahippocampique, le cortex rétrosplénial (RSC), le lobe pariétal postérieur inférieur et le cortex préfrontal ventromédian (vmPFC), permettrait la récupération de souvenirs épisodiques et la construction de scènes mentales cohérentes. Le sous-système dorso- médian, quant à lui impliqué dans la réflexion relative à soi et à autrui, comprend le cortex préfrontal dorsomédian, la jonction temporo-pariétale (TPJ) et le cortex temporal latéral. Les structures « centrales », précédemment apparentées au CMS, et ici représentées par le cortex préfrontal antérieur médian (amPFC) et le cortex cingulaire postérieur, permettraient le transfert d’informations entre les 2 sous-systèmes ainsi que la représentation d’informations personnellement pertinentes pour l’individu. Il a ainsi été suggéré que ce réseau par défaut permettrait un voyage spatial, temporel et mental conduisant à des processus d’introspection et d’évaluation des états mentaux d’autrui. Cela permettrait une réactualisation constante des informations contenues dans le self, maintenant un sentiment de continuité du soi au cours du temps.

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En résumé…

Le soi serait un ensemble de représentations spécifiques à un individu, regroupant ses pensées, ses expériences vécues, ses buts. Indissociable de la mémoire autobiographique, cette interaction sous-tendrait également des processus mentaux plus complexes tels que la métacognition.

Les structures cérébrales impliquées dans le soi et la mémoire autobiographique seraient très proches de celles retrouvées lors de la découverte du réseau par défaut. Ce réseau, composé de régions fortement connectées entre elles lorsque que le sujet est désengagé de toutes tâches cognitives, permettrait la mise en place de processus introspectifs et une mise à jour du soi au cours du temps. Une implication toute particulière des régions corticales médianes, représentées par le cortex cingulaire postérieur et le cortex préfrontal antéromédian, permettrait le transfert d’informations entre les régions temporales impliquées dans les processus autobiographiques et les régions préfrontales dorsales impliquées dans les processus d’évaluation et de jugement de l’information.

Comme précédemment décrit dans le chapitre II.1.4.3, il semblerait qu’une atteinte initiale de ces régions, et plus particulièrement du cortex cingulaire postérieur, soit retrouvée dans la maladie d’Alzheimer. Une atteinte structurelle et fonctionnelle de ces régions ne pourrait-elle pas être à l’origine de cette absence de conscience que le patient peut avoir de ses propres difficultés cognitives ?

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