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IV.5 C HAPITRE 1 – D ISCUSSION GENERALE

IV.5.3 Limites et perspectives

Les limites propres à chaque étude ayant déjà été discutées précédemment, ce chapitre vise principalement à apporter un regard critique sur l’ensemble des hypothèses et résultats qui ont pu être émis au sein de ces 3 études. Afin de pallier ces limites, certains paradigmes seront également proposés afin d’apporter le maximum de réponses possibles dans les futures évaluations de ce phénomène d’anosognosie.

Évaluation des fonctions cognitives impliquées dans l’anosognosie

 Une intégrité du mécanisme de monitoring ?

Au vu de la littérature pré-existante sur les processus de méta mémoire dans la maladie d’Alzheimer, nous sommes partis du postulat que le mécanisme de comparaison online, bien

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que pouvant ne pas être aussi efficace que chez les participants contrôles, resterait tout de même assez performant pour détecter une discordance de performances (Ansell et Bucks, 2006; Souchay, 2007; Stewart et al., 2010). Cet aspect n’a toutefois pas pu être vérifié. Il n’est par conséquent pas possible de conclure sur l’hypothèse qu’une altération offline isolée, sous- tendue par une modification de la connectivité au sein du réseau par défaut, serait suffisante pour expliquer ce processus d’anosognosie. À l’image de l’étude de Ansell et Bucks (2006), il serait intéressant sur une épreuve telle que le RLRI, de demander au participant de prédire le nombre de mots qu’il pense pouvoir rappeler durant la phase de rappel (soit 20 minutes plus tard). Pour cela, l’estimation pré-tâche serait réalisée au cours de la phase d’encodage, avant et après la présentation de la liste de 16 mots. Cela permettrait notamment de s’affranchir de la difficulté qui réside dans l’estimation d’une performance avant même d’avoir été confronté à la tâche. L’estimation post-tâche se déroulerait, en revanche, à la fin de la phase de rappel, et consisterait en une estimation du nombre de mots qui a pu être donné au cours de cette phase. Une estimation globale de la performance sur l’ensemble de l’épreuve serait également réalisée afin de constater si les patients sont capables d’inférer ces modifications de performances à un niveau métacognitif plus global. Nous proposerons plus tardivement dans ce chapitre la manière dont cette épreuve pourrait être couplée à une acquisition en IRMf de repos.

 L’anosognosie : un phénomène implicite ?

De nombreux auteurs reportent un lien entre des modifications de la sphère thymique et le phénomène d’anosognosie. Cependant seules l’apathie et la dépression ont été étudiées dans ces études, ne prenant ainsi pas en compte des modifications comportementales telles que les troubles anxieux ou l’agitation. Certains auteurs suggèrent que l’apparition de ce type de symptômes pourrait être le reflet d’une prise de conscience implicite de la part du patient. Ceci ne serait alors pas dû à une altération des processus de comparaison ou de mise à jour de la base de données personnelles mais plutôt, selon le modèle CAM, à une atteinte supérieure du système de conscience métacognitif (Morris et Mograbi, 2013). Cependant, l’utilisation de questionnaires visant à évaluer cette sphère thymique pose une fois encore le problème de l’anosognosie. Il a en effet pu être mis en évidence que la présence d’anosognosie ne touchait pas uniquement les domaines cognitifs mais qu’une absence de conscience des modifications comportementales pouvait également exister (Starkstein et al.,

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1996). Ce type d’évaluation mené à l’aide de questionnaires nécessite donc à la fois une version patient mais également une version aidant. Une alternative est également proposée par certains auteurs, à savoir de coter la réaction émotionnelle lors de la réalisation d’une tâche (pour revue voir (Mograbi et Morris, 2013a)).

 La question du soi-pétrifié

Le soi pétrifié est l’hypothèse que nous avons décidé de privilégier au cours de ces études. Elle n’a cependant pas pu être vérifiée chez nos participants. Il aurait été intéressant, au cours du remplissage du questionnaire CDS, de demander aux aidants de (i) répondre non seulement en évaluant les difficultés actuelles de leur proche comme cela a été fait, mais également (ii) de répondre au questionnaire en évaluant les difficultés que pouvait rencontrer leur proche avant le début de la maladie. La version « patient » aurait alors pu être confrontée à la version « aidant antidatée ». Une similarité entre ces deux versions serait ainsi attendue chez les patients anosognosiques.

Évaluation des substrats neuronaux de l’anosognosie

Les imageries structurelles, fonctionnelles et métaboliques, ont ici été utilisées afin d’étudier les substrats neuronaux de l’anosognosie. Les études ayant été menées séparément avec, d’un côté, une évaluation structurelle et métabolique chez des participants à un stade débutant et, de l’autre côté, une évaluation fonctionnelle à un stade prodromal, cette configuration méthodologique rend compliquée l’intégration de l’ensemble des résultats. Il a été supposé qu’une atteinte fonctionnelle serait le premier point de départ à ce phénomène d’anosognosie. Cette acquisition menée dans l’étude 1, en sus de celle menée dans l’étude 2, aurait pu permettre de nous aiguiller davantage sur la temporalité de ce phénomène.

 Acquisition au repos : un problème d’intégration de l’information ?

Nous avons émis l’hypothèse qu’une diminution de l’activité entres le régions corticales médianes pouvait sous-tendre une altération des processus d’intégration et de mise à jour de la base de données personnelles. Afin de pouvoir répondre réellement à cette question, il serait intéressant de réaliser cette acquisition resting state avant et après la réalisation d’une tâche. Si l’on reprend le paradigme expérimental énoncé dans le chapitre précédent : « Une intégrité du mécanisme de monitoring ? » ; une acquisition IRMf de repos pourrait être réalisée avant mais également après la réalisation de la tâche (pour rappel le RLRI). Les

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données de la littérature suggèrent que les aires impliquées lors de la réalisation d’une tâche seraient de nouveau recrutées lors d’une phase de repos (Lewis et al., 2009). Par conséquent, une augmentation de la connectivité fonctionnelle au sein des aires temporales serait attendue lors de l’acquisition IRMf post-tâche, en comparaison de l’acquisition pré-tâche. Il serait intéressant de constater si le profil de connectivité fonctionnelle entre les régions corticales médianes est également modifié et si cela est influencé par la présence d’anosognosie.

En sus des acquisitions fonctionnelles au repos, il serait bien entendu intéressant d’investiguer les processus de recollection mis en place lors d’une tâche de rappel de souvenirs autobiographiques épisodiques et sémantiques, ainsi que lors d’une tâche de rappel épisodique simple (ex. l’épreuve du téléphone utilisé dans l’étude 2).

174 En résumé …

L’ensemble de ces trois études portant sur les substrats cognitifs et neuronaux de l’anosognosie dans la maladie d’Alzheimer typique nous ont permis de mettre en évidence qu’il existait une diminution de la connectivité au sein des régions corticales médianes chez les patients présentant une absence de conscience de leurs difficultés. Ces résultats soulignent alors l’importance de ce réseau par défaut dans l’intégration de nouvelles informations, permettant ainsi un sentiment de continuité du soi au cours du temps.

L’ensemble des investigations cliniques et d’imagerie permettent de nos jours d’envisager le phénomène de conscience non plus comme un phénomène unitaire sous-tendu par une région cérébrale unique, mais plutôt comme le reflet d’une connectivité effective entre diverses régions structurellement et fonctionnellement intactes.

Ce phénomène d’anosognosie, fortement rapporté dans la forme typique de la maladie d’Alzheimer, n’a cependant pas été investigué dans le variant visuel de la maladie d’Alzheimer : l’atrophie corticale postérieure.

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Partie expérimentale – Chapitre 2