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IV.5 C HAPITRE 1 – D ISCUSSION GENERALE

IV.5.1 Résultats principaux

Il a tout d’abord pu être mis en évidence tout au long de ces études, et plus spécifiquement dans la dernière, que le phénomène d’anosognosie pouvait intervenir quel que soit le stade

de la maladie et que celui-ci n’était pas lié au niveau d’efficience cognitive globale. Cela allait

ainsi à l’encontre des résultats précédemment retrouvés (Orfei et al., 2010; Piras et al., 2016). L’hypothèse de Piras et al., en accord avec celle de Hannesdottir et Morris, était de postuler qu’une atteinte épisodique pure n’était pas suffisante pour rendre compte d’une anosognosie (Hannesdottir et Morris, 2007; Piras et al., 2016).

Fonctions cognitives et l’anosognosie

Comme discuté au fil de ces études, nous n’avons retrouvé aucune relation entre le phénomène d’anosognosie et les altérations mnésiques qui ont été évaluées à l’aide d’épreuves de mémoire antérograde verbale et de mémoire épisodique. Pour rappel, l’une des hypothèses fortement reprise par la communauté scientifique pour comprendre ce phénomène d’anosognosie, est celle d’une absence de mise à jour de la base de données personnelles. Cela conduirait les participants à se référer aux connaissances qu’ils possédaient d’eux-mêmes avant le début de la maladie (Mograbi et al., 2009). L’une des hypothèses de ces auteurs pour attester d’un « soi-pétrifié » serait la présence d’une altération des processus d’encodage chez les participants. Toutefois, bien que nos participants présentent une altération des processus d’encodage, de stockage et de récupération de l’information, cela n’a pas pu être confirmé dans nos études.

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Au travers de ces 3 études nous n’avons pas pu mettre en évidence une quelconque altération des fonctions mnésiques ou exécutives en lien avec le phénomène d’anosognosie. Il est cependant intéressant de noter que, dans la littérature, relativement peu d’études ont tenté d’explorer le lien qui pouvait exister entre l’anosognosie et les fonctions cognitives classiquement évaluées en clinique (i.e. épreuves du RLRI, RAVLT, Stroop, etc,…) (Antoine et al., 2019; Senturk et al., 2017; Tondelli et al., 2018). Les études s’intéressant uniquement aux substrats neuronaux de l’anosognosie sont, à l’inverse, bien plus nombreuses (Perrotin et al., 2015; Sedaghat et al., 2010; Shibata et al., 2008; Tagai et al., 2018).

Substrats neuronaux de l’anosognosie

L’étude 1 de ce travail, portant sur l’imagerie structurelle et métabolique des substrats neuronaux de l’anosognosie, a pu mettre en évidence à la fois une diminution de la densité de substance grise et une diminution du métabolisme glucidique au sein du cortex cingulaire dorsal. Ces deux analyses, menées de façon totalement indépendante, attestaient alors d’une réelle atteinte de cette région chez des participants à un stade débutant de la MA. Cette altération structurelle du dACC en lien avec l’anosognosie n’a pu être retrouvée dans l’étude 2, tout comme aucune autre altération structurelle. Des modifications de la connectivité fonctionnelle étaient toutefois observées, laissant ainsi suggérer qu’une atteinte fonctionnelle pourrait être le point de départ pour expliquer ce phénomène (Senturk et al., 2017). Une diminution de la connectivité entre ce dACC et le cortex calcarine gauche a été retrouvée. Il semblerait toutefois que cette corrélation soit principalement médiée par le score de dépression. En effet, une corrélation positive entre le score de dépression et le phénomène d’anosognosie a été retrouvée chez nos participants MA. Cependant, ce score n’était pas différent entre les participants MA et contrôles. Au regard de la représentation graphique de cette corrélation, illustrée en Figure 27, il semblerait que ce soit principalement les patients surestimant leurs difficultés cognitives qui présentent le score de dépression le plus important. À l’inverse, les patients anosognosiques voient leur score de dépression proche de 0. En accord avec de nombreuses études, les patients conscients de leurs difficultés, et par conséquent émotionnellement affectés par cette présence de déficits, développeraient une dépression au cours du temps (Conde-Sala et al., 2013; Kashiwa et al., 2005). Toutefois, aucun lien n’a pu être retrouvé entre le score de dépression et le score d’anosognosie dans l’étude 1. Les échelles utilisées étant différentes, à savoir l’échelle de Cornell dans l’étude 1 et

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l’échelle de Beck dans l’étude 2, il reste compliqué de statuer sur l’évolution de ce profil émotionnel en lien avec l’anosognosie. Aucun lien n’a été retrouvé avec l’apathie, quelle que soit l’étude considérée. Il est ainsi suggéré que l’hypothèse émise par Rosen et al., sur la présence d’un manque de motivation pouvant conduire à un phénomène d’anosognosie, ne puisse s’appliquer à notre population. La présence de dépression chez nos participants devrait ainsi plutôt être considérée comme une conséquence de la prise de conscience de ses propres difficultés (Rosen, 2011).

Au sein de cette étude 2, il a principalement été retrouvé une diminution de la connectivité fonctionnelle en lien avec l’anosognosie au sein du DMN, et plus particulièrement entre le cortex cingulaire postérieur ventral/cortex rétrosplénial et le cortex cingulaire antérieur prégénual. À l’inverse, une corrélation positive a été retrouvée entre le cortex pariétal inférieur droit et les régions temporales moyennes gauches et supérieures droites.

Comme précisé précédemment, le réseau par défaut aurait un rôle primordial dans la mise à jour des informations définissant le self. Les périodes de repos permettant l’émergence de ce réseau par défaut, elles vont ainsi mener à une consolidation de cette information externe à travers la mise en place d’activités mentales telles que les voyages dans le temps, la planification, les jugements de soi (Qin et Northoff, 2011; Weiler et al., 2016). Les études sur le rongeur ont notamment pu mettre en évidence que lors des phases de repos, les mêmes cellules précédemment activées lors de la réalisation d’une tâche étaient de nouveau sollicitées, suggérant ainsi que le réseau par défaut aurait pour rôle de retracer l’ensemble des évènements précédemment vécus, permettant ainsi de choisir lesquels sont les plus pertinents pour l’individu (Diba et Buzsáki, 2007; Foster et Wilson, 2006). Cela a également pu être mis en évidence chez l’homme lors d’une tâche incluant les fonctions visuelles (Lewis et al., 2009).