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Style de personnalité répressive et mémoire

2 Etat de la question

2.2 Style de personnalité répressive et mémoire

D’après les données de la littérature (Davis, 1987 ; Davis et Schwartz, 1987 ; Myers, Brewin,

& Power, 1998) le style défensif des répressifs conduit à des particularités mnésiques caractérisés par la valence du matériel à récupérer. Les personnes avec un style répressif montrent un accès limité aux souvenirs affectifs, spécialement pour les événements affectifs négatifs.

Il y a deux types de recherches qui ont été entreprises dans ce domaine; celles qui impliquent la récupération de souvenirs autobiographiques et celles qui évaluent le rappel de mots afin de mesurer l’inhibition de la récupération en fonction de la valence du matériel. En d’autres termes, lorsque le matériel est généré par l’individu ou lorsqu’il est généré expérimentalement.

D’après l’étude de Davis et Schwartz (1987), des étudiantes avec un style répressif présentent un déficit mnésique pour les évènements autobiographiques en lien à des émotions négatives mais pas pour ceux associés à des émotions positives. Dans leur étude, les groupes d’individus étaient formés d’après leur score sur l’échelle de Marlowe-Crown (MC-SDS) et par une mesure d’anxiété. Seulement trois groupe (à défaut de quatre) ont été analysé : les répressifs, les bas-anxieux/non-défensif et les hauts anxieux/non-défensifs. Dans la condition générale, l’expérimentateur demandait aux participants de rappeler et de décrire brièvement des souvenirs vécus durant leur enfance. En donnant la consigne, l’expérimentateur ne faisait pas référence à la nature affective des souvenirs. Les participantes devaient également mentionner leur âge lors du souvenir le plus ancien. De plus, une mesure de l’humeur actuelle des sujets était administrée avant et après la phase de rappel afin d’évaluer le lien entre la récupération des souvenirs et l’humeur des participants. Dans la condition émotion spécifique, les participantes devaient rapporter des souvenirs d’enfance associés à une émotion particulière. Les cinq émotions étaient : la joie, la peur, la tristesse, la colère et la surprise.

Après chaque rappel, les participantes devaient aussi évaluer l’intensité de l’émotion ressentie durant l’événement et au moment du rappel. Pour finir, les étudiantes indiquaient l’âge qu’elles avaient lors de l’événement rapporté.

Les résultats montrent que les répressifs rapportent moins de souvenirs d’enfance par rapport au groupe contrôle dans les deux conditions. Dans la condition émotion spécifique, les

analyses montrent que les répressifs rapportent moins de souvenirs en lien avec les émotions négatives. En ce qui concerne l’âge du premier souvenir négatif, les participantes répressives étaient plus âgées que le groupe contrôle lors de l’événement le plus ancien rapporté. Les résultats liés à l’intensité des affects montrent une variance moins importante dans le groupe répressif par rapport au groupe contrôle. Cela souligne une faible différentiation et diversité de l’intensité ressentie des expériences affectives chez les répressifs. Concernant leur humeur actuelle, les participantes répressives rapportent plus d’affects liés à la joie dans les conditions émotionnelles de tristesse, de peur et de surprise contrairement au groupe haut anxieux.

La même année une autre étude de Davis (1987) a analysé l’inaccessibilité des souvenirs affectifs et le style répressif lors d’une tâche de rappel libre. Trois expériences ont été conduites avec des participants répressifs et contrôles. Dans la première expérience, on demandait à la moitié des sujets de rappeler des événements de leur enfance liés à diverses émotions positives ou négatives. L’autre moitié des participants devait rapporter des évènements de leur enfance durant lesquels une personne proche avait ressenti ces mêmes émotions. Les résultats indiquent que les répressifs et les haut-anxieux/défensifs rapportent moins de souvenirs liés au self que les deux autres groupe. Par contre, les répressifs et les haut-anxieux/défensifs rapportent plus de souvenirs liés à autrui que les deux autres groupes.

À l’issue de ses résultats, les auteurs se sont demandés s’il ne s’agissait pas plutôt d’une stratégie mise en place par les individus défensifs qu’un style de coping seulement utilisé par les répressifs.

La deuxième expérience avait pour but de clarifier ces données. Dans un paradigme mesurant la latence de récupération des souvenirs suite à la présentation d’indices, les participants avaient pour tâche de rapporter des expériences vécues. Le temps de réaction servait de mesure du temps de latence. Dans la première condition, les consignes ne mentionnaient pas la nature affective des souvenirs alors que dans la deuxième condition, les sujets devaient se souvenir d’expérience associée à quatre émotions particulières en lien avec différents mots.

Après chaque condition, la moitié des participants devaient se rappeler d’évènements quotidiens en lien avec des affects neutres afin d’évaluer l’impact du style répressif sur la valence émotionnelle des souvenirs. Les résultats montrent qu’il n’y a pas de différence de groupe, ce qui indique que les répressifs ne présentent pas un déficit mnésique pour les expériences personnelles neutres. En ce qui concerne la latence de récupération, les répressifs prennent plus de temps à récupérer des souvenirs en lien avec la peur et la colère que les

autres groupes. La troisième expérience de l’étude utilisait des stimuli différents qui étaient évalués, au préalable, plus pertinents par rapport aux émotions. De plus, deux autres émotions négatives étaient instaurées : la gêne et la culpabilité. Les résultats indiquent que le temps de latence pour les évènements liés à la peur et à la gêne est plus long chez les répressifs. De plus les répressifs rapportent moins de souvenirs en lien à ces émotions négatives que les autres groupes.

Ces trois expériences indiquent que les répressifs ont un accès limité à leurs expériences émotionnelles, spécialement lorsqu’elles impliquent de la peur et de la gêne, qui sont des émotions pertinentes pour le self. La peur est en lien avec une menace psychologique ou physique et la gêne avec une évaluation négative du self. Par contraste, la tristesse et la culpabilité ne sont pas connectées à des évènements qui impliquent une attention directe d’autrui ou une évaluation du self de façon menaçante (Izard, 1977 ; Lewis, 1979 cités par Davis, 1987).

Selon Hock et Krohne (2004), les difficultés mnésiques liées aux émotions négatives seraient dues à « un phénomène de discontinuité dans le traitement des informations anxiogènes, entre le moment de l’encodage, les processus de mémorisation et le rappel à long terme qui en serait à l’origine, d’autant plus important que l’intervalle de temps précédant le rappel est grand ». Toujours concernant les processus d’encodage, Hansen et Hansen (1988) estiment que les individus répressifs n’encodent pas les événements émotionnels dans leur globalité ce qui entraîne des difficultés de rappel concernant leur implication affective.

Une autre étude de Barnier, Levin et Maher (2004) rapporte des résultats supportant l’importance de la valence émotionnelle du matériel à mémoriser en rapport aux intrusions cognitives. Durant la tâche, les participants répressifs et contrôles devaient se souvenir de deux évènements autobiographiques, l’un suscitant de l’embarras et l’autre de la fierté. Ils avaient par la suite la consigne de ne pas penser à cet événement et d’appuyer sur un bouton à chaque fois qu’une pensée en lien avec l’évènement à inhiber leur venait en mémoire. Cette période est appelée phase de suppression. Dans un deuxième temps, les participants n’avaient pas d’instructions particulières et pouvaient penser à ce qu’ils désiraient. Dans cette phase dite d’expression, on évalue l’effet de rebond de la pensée en mesurant le nombre d’intrusions liées à l’événement qui est à inhiber dans la phase de suppression. Les résultats indiquent moins d’intrusion des souvenirs d’embarras lors de la phase de suppression chez les répressifs

et moins d’effet de rebond dans la phase dite d’expression que dans le groupe contrôle. Les répressifs rapportent un niveau d’effort à faire moins élevé que les contrôles pour inhiber le souvenir d’embarras dans la condition de suppression. A noter, qu’il n’y pas d’effet significatif différent entre les groupes concernant le souvenir de fierté. Ces résultats mettent ainsi en évidence le style de coping des répressifs en fonction de la valence du matériel et de l’émotion.

Afin d’évaluer le style répressif et l’inhibition du matériel généré expérimentalement, Myers, Brewin et Power (1998) ont proposé une étude impliquant une tâche durant laquelle on demandait aux participants d’évaluer deux séries d’adjectifs positifs et négatifs en lien avec la description qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. Par la suite, on leur disait qu’ils n’avaient pas besoin de se souvenir de la première série et qu’ils devaient se focaliser sur la deuxième. Les résultats montrent que tous les participants rapportent moins d’adjectifs de la série « à oublier » mais que les répressifs rappellent significativement moins de mots à valence émotionnelle négative de la première série que les non-répressifs. En définitive, seulement les individus répressifs sont influencés par la valence des mots qui, par la suite, influence l’inhibition du matériel.

Toutes ces données de la littérature mettent en évidence la difficulté de rappel des souvenirs négatifs chez les répressifs ainsi que des stimuli négatifs expérimentaux. Les études sur les souvenirs autobiographiques montrent une inhibition du matériel négatif rappelé qui n’est pas présent lors de rappel de souvenirs positifs. Il y a donc un biais mnésique selon la valence des souvenirs à rappeler à la conscience. Ces données sont en lien avec les stratégies d’évitement face à la menace potentielle pour le self. En évitant de se remémorer des souvenirs autobiographiques négatifs, les répressifs se préservent des émotions négatives qu’ils pourraient ressentir. Par ailleurs, les individus avec un style répressif présentent également des difficultés de rappel de mots négatifs potentiellement liés au self. Cette stratégie est donc utiliser lorsqu’il y a une menace en lien avec l’identité et l’image de l’individu.

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