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Manuel de cotation des souvenirs définissant le soi

4 Méthode

4.2 Matériel

4.2.5 Manuel de cotation des souvenirs définissant le soi

L’expérimentatrice cote la totalité des souvenirs à l’aide du manuel réduit de cotation des souvenirs définissant le soi (Lardi, Billieux et Van der Linden, 2006). Les 246 souvenirs (trois souvenirs par participants dans une population de 82 personnes) sont cotés à double afin de mesurer un accord interjuge à l’aide du Kappa de Cohen. Pour ce faire, l’assistante de recherche effectue une cotation en parallèle à l’expérimentatrice. Le pourcentage d’accord pour la spécificité est de 91% (= .80), pour le contenu de 81% (= .74), pour le sens de 82% (= .60) et pour la tension de 84% (= .68). Les différents accords inter-juges mesurés vont de « bon » à « excellent ». La cotation finale est déterminée suite à une discussion entre l’expérimentatrice et l’assistante sur les souvenirs qui présentent un désaccord.

La cotation des 246 souvenirs se fait grâce au « Système de classification et manuel de cotation pour les souvenirs définissant le soi » (Lardi, C., Billieux, J., & Van der Linden, M., 2006 ; Singer & Blagov, 2000 ; Thorne & McLean, 2001). À présents, nous allons décrire chaque dimension analysée plus en détail.

Structure

La structure du souvenir se réfère à la forme narrative du souvenir écrit. Nous faisons deux distinctions dans la cotation à savoir si les souvenirs sont spécifiques ou non-spécifiques. Un souvenir spécifique est défini par la narration d’un événement unique. Les récits doivent pouvoir remplir deux critères nécessaires. D’une part, l’événement est de caractère unique, c’est-à-dire que le récit se déroule sur une journée et donne une mesure d’identification de la date et l’heure. D’autre part, l’événement est de brève durée, il prend part soit sur une journée soit sur une nuit et le matin suivant, en donnant l’impression d’une unité temporelle ininterrompue.

Exemple :

« C’était il y a environs 8 ans. C’était à la cafétéria d’Uni-Mail, dans le hall central. Elle était assise à une table, en face d’un ami, que je suis allé saluer. Il y a eu un « mini » coup de foudre. Je la connaissais de vue, vaguement, mais elle ne m’avait jamais intéressé. Ce jour-là, oui, mais je ne sais pas pourquoi. Depuis ce jour-jour-là, on s’est petit-à-petit rapproché et on s’est marié il y a environs 9 mois. Je me souviens précisément de cette image. Je ne sais pas si elle m’apporte une émotion particulière. Je la vois comme l’introduction à notre histoire ou mon premier souvenir réel de son image. »

Les souvenirs non-spécifiques sont définis par des narrations d’événements qui ne sont pas uniques dans le temps. Ils peuvent faire référence à des périodes plus ou moins longues de la vie de l’individu, qui se déroulent sur plus d’une journée. L’événement peut être précis comme une période d’examen ou encore une succession d’événements généraux formant une histoire. Dans le cadre des souvenirs non-spécifiques, nous trouvons également des souvenirs qui décrivent des événements identiques qui se répètent à plusieurs reprises mais qui ne sont pas installés dans une période temporelle faisant partie d’un souvenir.

Exemple :

« J’avais 15 ans ¾ et j’ai ardemment souhaité visiter ma famille en Californie. Mon père a toujours refusé. Après mon insistance d’environ 3 mois, il a fini par céder. J’ai passé un mois avec ma famille que j’adore et qui m’a très gentiment accueillie. Je me suis débrouillée en anglais avec mes cousins qui ne parlaient pas d’autre langue. Ce voyage fut un succès et j’en garde un excellent souvenir. »

Contenu

L’analyse du type d’événements comprend plusieurs catégories qui reflètent les préoccupations principales de l’individu manifestées dans la narration écrite. Chaque souvenir ne peut être classé que dans une seule catégorie. Dans le cas où le souvenir reflète plusieurs thèmes, il est alors coté comme non-classifiable. Nous avons analysé les souvenirs selon six catégories qui sont de types : relation, réussite, événement menaçant la vie, loisir, faire juste ou faux et événement non-classifiable. À noter que les échecs sont cotés dans la catégorie

« réussite ».

Exemple de souvenir coté dans la catégorie relation :

« Le 30 novembre 2006, 12h05 à la maternité, (après l’accouchement). Les sages-femmes me présentent mon bébé de 3.5 kg « arrivé » depuis quelques minutes. La mère est couchée, les sages-femmes et infirmières me regardent souriantes pendant que je prends le petit dans mes bras, et que mes yeux s’humidifient pour faire couler une larme. Puis la sage-femme me montre comment tenir Salem (c’est son nom) pour lui donner son premier bain. Je le plonge dans l’eau tiède et il s’apaise immédiatement… »

Intégration

L’intégration du souvenir se réfère à ce que le souvenir a pu enseigner à la personne. Notre cotation sépare les souvenirs intégrés des souvenirs non-intégrés. Les souvenirs intégrés comprennent un recul par rapport aux événements, des généralisations et une description de la signification du souvenir pour l’individu. L’intégration permet de comprendre en quoi le souvenir est important pour l’individu et quelles leçons de vie ou quels sentiments il en a tiré.

En revanche, les souvenirs non-intégrés n’expliquent pas la signification de l’événement dans la vie de l’individu. Ils peuvent, tout de même, contenir des émotions ainsi que des constatations relatives à l’impact de l’événement ou à la personnalité de l’individu.

Exemple d’intégration :

« Il y a un peu moins de douze ans, j’ai pris l’avion pour une région lointaine, dans le but de m’établir à l’étranger et d’y faire carrière. Ce voyage revêtait une grande importance car c’était l’aboutissement d’un projet longuement réfléchi et planifié. Et pourtant dans cet avion, la tristesse l’emportait sur la satisfaction, car ce déménagement impliquait d’aller vivre très loin de ma compagne, laquelle allait devenir mon épouse trois ans plus tard. Au cours de ce voyage, je commençais à réaliser que j’allais probablement sacrifier ce projet d’établissement à l’étranger, afin de préserver ma vie de couple, laquelle importait beaucoup plus à mes yeux. Ce renoncement à un projet personnel pour des motifs liés aux sentiments et au couple a constitué une étape importante dans mon parcours de vie et dans la construction de mon identité.

Tension

Enfin, la dernière dimension se réfère à la tension qui est définie par la présence d’un conflit ou d’une préoccupation pour l’un des personnages de l’événement. Cette dimension analysée est de valence négative et n’est pas forcément liée au contenu du souvenir.

Exemple de tension :

Carole était la sœur de Sandra, mon amie pendant 10 ans. Elle était un peu ma petite sœur aussi. Carole était très malade depuis l’enfance et un jour elle est partie. Je me souviens.

J’étais à Carouge en tournage. C’était avant Noël. Sandra m’a appelé pour me dire que Carole était partie. Je suis allé à l’hôpital. C’était tellement triste. En même temps, je me disais que c’était aussi une délivrance pour elle. Je me rappelle ensuite avoir été perturbé, agressif. Je regrettais beaucoup de choses. Et puis Carole manquait. Aujourd’hui je pense souvent à ce moment. À elle. Elle a accompagné une grande partie de ma vie. Elle m’accompagne toujours aujourd’hui. Et puis la période qui précède Noël est toujours liée à une grande tristesse.

Délai

Le participant mentionne également en bas de page le nombre d’années et de mois écoulés depuis l’événement vécu. Ces données se réfèrent aux nombre d’années écoulées entre le vécu de l’événement et son rappel. C’est en quelque sorte l’ « âge » du souvenir.

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