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Pour répondre à ces questions, notre première partie de thèse intitulée « Etudier la bisexualité et la naissance du discours sexuel » sera axée sur les principales théories qui ont abordé la question de la sexualité et des sexualités dans les sociétés occidentales. Elle cherchera également à comprendre comment, en faisant le choix de travailler sur la bisexualité pour tenter d’aboutir à une hypothèse qui concerne toutes les sexualités, notre sexualité se construit psychiquement afin d’être construite aussi de manière intime et sociale.

Pour ce faire, nous avons, dans notre premier chapitre, « Freud et la structure de la sexualité : d’une bisexualité innée à une bisexualité équivoque », donné une place particulière à la psychanalyse de Freud afin de poser les bases de notre recherche et de donner aux concepts portant sur la sexualité, leur berceau, avant d’aller plus loin. Ainsi, comme nous l’avons déjà développé plus tôt dans cette introduction, les théories de Freud sont, dans ce début de thèse, essentielles parce qu’elles offrent un regard qui influencera l’ensemble de notre travail jusqu’à la fin. En nous attardant sur l’ensemble des questions sexuelles chez Freud, notamment en nous attachant aux propos recueillis dans ses Trois essais sur la théorie sexuelle, nous avons relevé, puis, développé, dans les premiers chapitres de notre thèse, trois points fondamentaux dans la psychanalyse freudienne : le développement de la libido infantile, la composition et le fonctionnement de l’appareil psychique comme fondateur d’une forme de diversité des désirs sexuels et donc, des pratiques sexuelles, et enfin, le concept de « bisexualité psychique »1.

Mais notre première partie ne s’est pas limitée à travailler sur Freud. D’autres psychanalystes y ont pris place. Nous ne pouvions faire l’impasse sur la dualité psychique également présente chez Winnicott2, ni sur le principe d’altérité longuement discuté par la psychanalyse contemporaine.

Le deuxième chapitre de cette première partie de thèse, « S’émanciper de la psychanalyse », offrira une place de choix à la question du corps et à sa place socialement parlant. Nous reviendrons ensuite sur la bisexualité et sur sa définition

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Cf., notes précédentes dans cette introduction dans la partie consacrée au travail que nous effectuerons sur Freud.

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Nous travaillerons cette question à travers l’étude de Donald W. Winnicott, L’enfant et sa famille, mais également à travers le travail sur Winnicott de la psychanalyste Elyse Michon.

commune1, mais aussi sur sa vulnérabilité et sa marginalité. Par-là, nous avons cherché à introduire ce qui va nourrir notre travail plus tard, les notions de normes, de corporalité et de sexualité et leurs liens avec la société. De cette façon, nous terminerons cette partie en exposant les théories principales des études sur le genre et introduirons ainsi la nouvelle possibilité de poser la question de l’existence d’une sexualité politique.

La seconde partie de notre thèse, « La sexualité à l’épreuve de la réalité », sera consacrée à l’analyse des données que nous avons récoltées grâce aux entretiens effectués, mais pas seulement, puisque notre travail de terrain ne s’est pas exclusivement centré sur nos entretiens, mais également sur la rencontre avec l’association Bi’cause, première association française consacrée à la représentation et à la question bisexuelles, ainsi qu’à notre observation de plusieurs activités menées par la fondation Inter-LGBT.

Dans cette partie de la thèse, nous soulèverons essentiellement l’interrogation qui tourne autour du glissement de la frontière séparant le domaine privé et le domaine public. Pour cela, nous articulerons notre analyse des observations de terrain autour de trois questions principales : la catégorisation sexuelle (dans laquelle, nous le verrons, les personnes interrogées s’incluent d’elles-mêmes) servant la définition et la représentation sociales de l’identité sexuelle (c’est ici notre seconde question) et enfin, le caractère institutionnel de notre sexualité, de sa pratique à sa définition, en passant par son déterminisme procréatif.

C’est, à la fois, à travers les propos recueillis dans nos entretiens, mais aussi, par le biais de la façon dont nous avons structuré la grille d’entretien en différentes catégories que nous avons pu élaborer notre réflexion basée sur le postulat selon lequel il y a bien un lien entre l’activité sexuelle, le regard porté sur elle, sa définition-même et la société. Plus encore, nous aurons l’occasion de découvrir, à partir des avis livrés par la population française, que la sexualité entretient un lien des plus ambigus avec les normes sociales et surtout avec les institutions en place et encore, que la notion de liberté est bel et bien une certitude pour beaucoup d’entre nous malgré des paradoxes flagrants dans les réponses de certaines personnes interrogées2. Là encore, ce sont

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Nous aurons travaillé notamment sur l’enquête menée dans les années 50 par l’Américain Alfred Kinsey (in A.C. Kinsey, Wardell B. Pomeroy et Clyde E. Martin, Sexual Behavior in the Human Male et Sexual Behavior in the Human Female (1948 et 1953)).

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Nous verrons effectivement qu’alors que certaines réponses révèlent une véritable certitude quant à la liberté de choix de leurs activités sexuelles, beaucoup de personnes semblent regretter un regard intrusif

principalement les questions qui concernent directement la bisexualité qui nous ont offert le plus de réponses permettant d’affirmer ces derniers propos.

Le premier chapitre, « Terrain d’étude », cherche à poser les éléments de bases de cette partie empirique afin d’aller ensuite plus loin. Nous présenterons l’association Bi’cause, que nous avons rencontrée, la méthodologie que nous avons suivie pour mener à bien nos entrevues, et enfin, la place de la bisexualité dans les discussions que nous avons animées auprès des personnes interrogées.

Nous terminerons cette deuxième partie de thèse sur une interrogation dont les éléments de réponses seront déterminants pour la suite de notre travail.

Nous tenterons d’aborder la question de la parentalité, à la fois avec les personnes que nous avons rencontrées, mais également en nous attachant à ce que nous avons travaillé dans la première partie de cette thèse.

Le second chapitre de cette partie, « De l’identité à la question de la parentalité », démontrera que la question de l’identité sexuelle est intimement liée à une reconnaissance sociale et institutionnelle. Aussi, le thème de la procréation est à la fois au cœur du débat social, c’est-à-dire consensuel, mais également au centre d’un paradoxe que nous tenterons de mettre en lumière à la fin de la seconde partie de thèse puisqu’il sera essentiel pour faire avancer notre réflexion dans la dernière partie.

Effectivement, il nous restera alors à déterminer la nature du lien qui unit un des éléments fondamentaux de notre sphère privée, censé par-là être invisible, la sexualité, à l’espace où tout est public, collectif et ainsi sur-représenté, la société.

Notre troisième et dernière partie de thèse, « Une nouvelle révolution sexuelle », prend pour point de départ cette présente interrogation. Elle cherchera ainsi à répondre à l’ensemble des questions que nous aurons soulevées plus tôt dans notre thèse, tout en tentant d’imposer sa théorie principale : la présence d’un pouvoir qui serait politique, sexuel, répressif et libérateur, tout à la fois, ce qui est un processus que Foucault décrit comme « une conception qui commande aussi bien la thématique de la répression que la théorie de la loi constitutive du désir. ». Il ajoutera : « Vous êtes toujours déjà piégés. »1.

de la part des institutions françaises, mais également de l’ensemble de leur environnement (familles, amis, employeurs, etc.).

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Mais pour aboutir à cette hypothèse, nous devrons d’abord revenir sur certains points, notamment psychanalytiques, avant d’utiliser toutes les données que nous avons récoltées dans les deux précédentes parties.

Le premier chapitre de cette partie, « Nouvelles frontières de la sexualité » revient sur des thèmes abordés dans la première partie de thèse, comme celui de la naissance du désir sexuel, pour aller plus loin puisqu’elle pourra alors s’appuyer sur ce que l’étude de terrain nous a offert.

Ainsi, nous avons d’abord étudié la notion d’amour. Celle-ci semble être le tremplin permettant de revenir sur les questions de sexualité et d’intégration de la sexualité dans les institutions sociales. Le sentiment affectif qui encadre la sexualité – ou qui en découle – paraît être le pont qui relie l’intimité et l’individualité singulière de chacun à sa sexualité qui s’avère être, à ce stade de notre travail, de nature double, à la fois sociale, publique, et intime, privée. L’existence du sentiment amoureux chez Freud1est, dans cette partie de thèse, aisément analysée à côté de celle décrite par Schopenhauer2 qui, tous deux, déterminent l’amour comme étant indépendant du désir sexuel, du moins à ses débuts.

Cette première phase de notre troisième partie de thèse nous permettra de nous pencher sur la question du couple et de sa capacité à créer, non seulement un duo, mais aussi un nouvel être. C’est ce que nous avons appelé la quête du duo pro-créateur, qui concerne tous les couples, quelle que soit la définition de leur sexualité. La question de la parentalité et un retour sur le principe d’altérité seront ici nécessaires à travers, notamment le travail d’Irène Théry, d’Anne Cadoret et d’Eric Fassin. Homoparentalité, mais également biparentalité (foyer avec un ou des enfants dont l’un ou les deux parents sont concernés par la bisexualité) sont au cœur de la fusion qui existerait peut- être entre le domaine public et le domaine privé (a fortiori actuellement en France où les débats à ce sujet foisonnent).

Cette mise en norme institutionnelle que nécessitent ces questions en rapport avec la parentalité – c’est l’exemple que nous avons pensé être le plus parlant – demande à ce que nous revenions sur une étude précise des normes portées par le corps alors au centre de notre recherche en tant que dernier pont entre la nature et la culture.

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Un retour sur la psychanalyse freudienne nous paraît ici important. Il permet de lier les études psychanalytiques menées en première partie de thèse et notre travail de terrain pour faire aboutir notre thèse finale dans cette dernière partie.

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C’est à partir d’une théorie de la corporalité sexuelle construite sur une norme sociale que nous allons aborder la question du corps naturel (ses fonctions, son organisation, etc…) à opposer au corps socialisé (instrumentalisation et exposition corporelle comme valeur sociale, transformations de celui-ci, etc…). Ces modifications du corps social réinterrogent en effet les normes qu’elles créent tout en les subissant, l’identité de chacun passant par cette apparence corporelle qui se fabrique pour que ce corps soit “ à notre image ”, selon l’expression, et cette image se conforme aux normes instituées ou s’en détourne subversivement. Ici, la question du corps comme instrument servant notre théorie, tel que nous l’avons décrit plus tôt dans cette introduction, prend forme de façon marquante. Le corps et ses agissements physiologiques est le lieu qui, malgré lui, devient essentiel quant à l’étude de la question d’une nouvelle structure sociale de la sexualité.

La dernière phase de notre troisième partie de thèse est construite à partir de ce retour sur le lien qui existe entre la corporalité, la sexualité et ce souci sociétal dont ils font l’objet.

Il s’agit ici de reprendre les notions fondamentales étudiées plus tôt dans notre travail et de les confronter à ce que nous avons tenté d’avancer jusque-là. La corporalité comme révélatrice d’une fusion entre l’intimité de chacun et la représentativité sociale du sujet, l’étude des comportements sexuels des Français que nous avons rencontrés lors de notre étude de terrain, mais également le travail effectué à propos de la construction psychique des individus sont autant de questions que nous avons exploités dans les deux premières parties de thèse. La troisième et dernière partie se doit de reprendre nos premières affirmations et de les confronter à notre hypothèse qui cherche à démontrer que les nouvelles structures socio-sexuelles, non seulement, ne sont peut-être pas en passe de nous libérer sexuellement, mais qu’en plus, elles semblent incarner une restructuration du rapport entre intime et public. Cette nouvelle structure donne un nouveau visage à ce que nous pensons relever du privé et, distinctement, du public. Les nouvelles structures sexuelles que nous allons exposer tout au long de ce travail mettront en évidence la présence d’une triple pouvoir qui attache à la fois, le corps, la sexualité et les institutions entre eux.

C’est ce que le deuxième et dernier chapitre de notre troisième partie de thèse, « La sexualité à la croisée du social et du politique » va tenter d’exposer. La mise en normes du corps sexué et sexualisé par la société, ainsi que la fabrication de cette sexualité

représentée, analysée et discutée semblent révolutionner la sexualité, à la fois dans sa conceptualisation, mais également dans sa réalité sociale.

Cette présente thèse nous indiquera comment une volonté de libérer la sexualité dans notre société française, a fait apparaître le besoin de reconstruire les fondements des institutions qui sous-tendent cette libération. Mais, comme toute reconstruction, cette révolution nécessaire, semble-t-il, induit une démolition préalable. Peut-être que cette libération entendra également, nous réprimer dans notre façon de gérer notre libre- arbitre sexuel. Mais surtout, sommes-nous conscients qu’un mécanisme, dont les rouages sont gérés par des pouvoirs puissants, est peut-être en train de se construire dans notre sphère privée ? La pratique d’une sexualité atypique – la bisexualité - est- elle une forme de libération ou, indistinctement la révélation du fait qu’aucune sexualité n’apparaît libre aujourd’hui ?

Aussi, Foucault avait-il raison de remettre en question l’hypothèse selon laquelle l’existence d’une répression politique empêche notre libération sexuelle1?

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M. Foucault remet en question un pouvoir répressif extérieur au fonctionnement de la sexualité, mais confirme un pouvoir interne aux mécanismes de cette dernière : “ Tenir un discours où se joignent l’ardeur du savoir, la volonté de changer la loi et le jardin espéré des délices – voilà qui soutient sans doute chez nous l’acharnement à parler du sexe en termes de répression. ”, in, Histoire de la sexualité, “la volonté de savoir ”, op.cit., p.14.

PARTIE I

Etudier la bisexualité et la naissance du