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A partir de nos hypothèses de départ et des problématiques qui en découlent, nous devons utiliser une double argumentation et surtout une recherche qui s’attache à la fois à la réalité quotidienne de la pratique sexuelle, mais aussi à la réalité théorique qui entoure la pratique de la sexualité.

Pour ce faire, nous allons devoir mêler deux façons de travailler sur notre sujet. Non seulement une étude approfondie des théories dressées sur la sexualité – et les concepts- clés que nous avons choisis pour l’entourer –, sera exposée, mais aussi, nous allons nous appuyer sur un travail de terrain. Nous allons effectuer des entretiens semi-dirigés auprès de personnes volontaires qui répondront à vingt-neuf questions réparties, de façon implicite et volontairement invisible pour les personnes avec qui nous nous sommes entretenus, en trois thèmes principaux : La sexualité personnelle, intime des personnes interrogées (dans leurs pratiques comme dans leur identité genrée, sexuelle et sexuée), la façon dont celles-ci considèrent socialement la place de la sexualité (ce qui nous permettra d’introduire, en tentant de ne pas influencer ces personnes, la question de la sexualité politique et répressive ou victime de répression), et enfin, la question du lien entre parentalité, procréation et sexualités1.

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Comme nous le verrons dans la deuxième partie de cette thèse, nous avons modifié notre méthodologie au cours de nos enquêtes. Effectivement, nous avions d’abord pensé laisser le choix aux personnes volontaires entre quatre grilles d’entretien différentes : l’une réservée aux hétérosexuels, une autre aux

Nous tenterons, grâce aux réponses ainsi récoltées, de savoir quel lien les personnes de notre société actuelle entretiennent avec la sexualité, mais aussi, comment ils comprennent les rouages de leurs choix sexuels. Par-là, nous vérifierons si nos hypothèses théoriques et conceptuelles sont validées par les propos rapportés par ce que nous considérons comme la « réalité sexuelle », c’est-à-dire la sexualité racontée par ceux qui la pratiquent sans, a priori, l’interroger ou du moins sans en connaître les conceptualisations scientifiques. Notre ambition est de confronter les analyses que nous aurons précédemment exposées à la réalité quotidienne dont nous aurons une idée grâce à notre travail de terrain. Ainsi, nous pourrons faire coïncider la théorie dépeinte selon le schéma que nous avons dressé plus tôt dans notre introduction (notamment à travers les études de Freud), et les conclusions tirées de l’analyse que nous tirerons de ce travail de terrain.

Mais nous allons voir que les réponses apportées par ces entretiens offriront bien plus qu’une confirmation de nos hypothèses. Effectivement, nous pourrons, à l’issue de ces observations, non seulement affirmer certaines réalités quant à ce que nous cherchions à comprendre du lien qui existe entre les institutions et la liberté sexuelle de chacun de nous, mais en plus, nous pourrons encore ouvrir notre champ de recherche et espérer pouvoir aboutir à notre hypothèse finale dépeignant une société qui se dérobe devant le pouvoir donné à la sexualité et aux nouvelles pratiques sexuelles qui s’épanouissent actuellement en France. Plus encore, nous verrons que ce pouvoir est enclin à se transmuter et à se décupler – comme nous l’avons expliqué plus tôt – entre répression, transcendance de cette dernière et finalement, instrument de libération.

Le travail de la sociologue Catherine Deschamps, qui, en 2002, fut une pionnière dans l’étude en sciences humaines de la bisexualité, est déterminant. De fait, son travail est particulièrement enrichissant pour notre thèse parce qu’il relate une recherche de terrain complète qui allie l’observation anthropologique à la conceptualisation sociologique. Catherine Deschamps va de la naissance de la première association

homosexuels, une troisième aux bisexuels et la dernière à celles qui ne désiraient pas appartenir à une des trois autres catégories. Les premiers entretiens obtenus ont été conservés et exploités, mais nous avons rapidement constaté que cette méthodologie réduisait la solidité de nos analyses et amoindrissait l’exploitation possible des réponses apportées par les personnes que nous interrogions. Une cinquième grille unique à toutes les catégories sexuelles a finalement été adoptée. Seule une question concerne la catégorie sexuelle dans laquelle la personne interrogée souhaite appartenir ou non. Cette question est volontairement située à la fin de l’entretien.

française consacrée à la cause bisexuelle, à l’étude de l’impact du virus du VIH chez les personnes bisexuelles en passant par le « vivre » bisexuel en France. Mais elle offre également une théorisation percutante des questions qui nous seront chères tout au long de notre travail, celles de l’invisibilité de la bisexualité, de la fidélité (nous avons déjà cité, dans cette introduction, le travail de la sociologue sur ces sujets) et de la représentation de l’amour chez les bisexuels, ou encore, la question du genre dans son lien avec la notion bisexuelle.

Mener une enquête de terrain, tout en s’appuyant sur les théories des auteurs principaux qui ont travaillé sur notre thème de recherche nous permet d’offrir des réponses à l’ensemble de nos interrogations qui questionnent, non seulement la sexualité, mais également, la société dans son rapport avec notre corporalité. De cette association entre observation anthropologique et argumentation théorique se profile le cœur de notre travail qui consiste à savoir si, à travers la mise en interrogation de la bisexualité et de sa pratique, nous pouvons considérer que l’amour et le sexe se conjuguent toujours selon les mêmes rouages universels malgré les nombreuses évolutions sociétales et culturelles, ou si, au contraire, nous sommes dans une ère, non plus seulement de transformation des pratiques sexuelles et des penchants affectifs, mais plutôt, dans celle d’une profonde restructuration des fondements mêmes de la frontière entre l’intime et le social, le privé et le public.

Autrement dit, nous chercherons, dans cette thèse, à savoir si ce que nous pouvons nommer la « sexualité politique », est bien une réalité qui résulte d’une intrusion des institutions sociales dans notre sphère privée, ou un débordement de ce qui devrait nous appartenir exclusivement, soit de nos pratiques privées, sur le domaine de la société et de ses institutions. Sommes-nous alors les propres auteurs de cette fusion entre le domaine privé et le domaine public qui semble reconstruire les normes sociales, ou, a

contrario, les victimes d’une intrusion sociale répressive qui forcerait les portes de notre

sphère privée? Par ailleurs, sommes-nous pleinement conscients du pouvoir de la sexualité, qui, dans tous les cas, remet en question ce qui, selon nous, semblait jusqu’à maintenant acquis dans notre espace de liberté sexuelle ?