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L’objectif général de cette thèse est d’étudier les différentes relations liant la biodiversité et l’intensité d’usage des sols à travers l’énergie disponible pour la biodiversité de manière à mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l’érosion de la biodiversité. Explorer l’impact des trois dimensions de l’intensification (intrants, extrants, systèmes) sur plusieurs aspects de la biodiversité (taxonomique, fonctionnelle) devrait permettre de mieux comprendre les liens dans un but de conciliation de la conservation de la biodiversité et intensification. Mais pour réussir dans cette voie, il faut au préalable identifier des indicateurs d’intensification pertinents.

Pour ce faire, quatre questions guideront et structureront cette thèse :

- Les indicateurs liés à HANPP sont-ils spatialement redondants ou complémentaires avec les indices existants d’intensité d’usage ?

Il s’agit ici de mieux appréhender cette famille d’indicateurs que constitue le cadre méthodologique de HANPP et leur redondance éventuelle par rapport à d’autres indicateurs d’intensification. Nous chercherons à savoir quels sont les paramètres qui déterminent leur variabilité spatiale. Puisque le cadre méthodologique HANPP propose des indicateurs intégrateurs des différentes dimensions de l’intensité, il est attendu qu’un degré de redondance non négligeable existe entre ces indices et des indicateurs existant d’intensité d’intrants (e.g. IC/ha, (Teillard et al., 2012)), d’extrants (HANPPharv) et dans une moindre mesure par la configuration et composition paysagère (e.g. HNV, (Pointereau et al., 2007)) en se focalisant sur le milieu agricole.

- Quel compromis entre production (agricole) et conservation de la biodiversité ?

Le concept de compromis est une pierre angulaire en conservation en raison des nombreux conflits entre maintien/conservation de la biodiversité et objectifs sociétaux (Charpentier, 2015). Identifier la ressource limitante, ses quantités selon différentes intensités d’usage des sols, ainsi que le choix d’une métrique appropriée (tant pour la ressource que la biodiversité) permettrait d’aider à la recherche de solutions optimales pour concilier biodiversité et intensité d’usages. La forme de la relation (Figure I-11) permet justement d’aider à identifier ces solutions optimales et d’ainsi proposer des

décisions de conservation appuyées. Les deux axes de recherches suivants essaieront d’apporter des éléments de réponses.

Figure I-11 : Manières dont la forme des compromis entre intensité d’usage et état de la biodiversité peut aider à la décision parmi des solutions optimales. (a) Dans le cas d’une relation linéaire négative, en diminuant l’intensité, on augmente proportionnellement la biodiversité (et

vice-versa). (b) Dans le cas d’une relation

convexe, les gains de biodiversité augmentent plus vite pour une même diminution d’intensité que précédemment. Enfin, (c) dans le cas d’une relation concave, les gains de biodiversité sont moindres par rapport aux deux précédents cas de figure. Les flèches en pointillés représentent les directions d’évolutions attendues par rapport aux points d’inflexion (étoiles) des courbes : attractif pour la relation convexe, répulsif pour la relation concave. Source : d’après Charpentier, (2015).

- Quelle est la forme de la relation entre énergie disponible et biodiversité selon différents types d’habitat ?

Il s’agit ici d’utiliser l’énergie disponible restant après les prélèvements humains, un indicateur dérivant de l’HANPP, et d’analyser l’effet de cette énergie restante sur l’état de la biodiversité. Les chiroptères seront dans cette partie un modèle d’étude intéressant dans ce cadre car leur abondance est directement liée à l’activité de chasse et donc à la quantité de ressources. Ils sont, de plus, situés à des niveaux trophiques supérieurs : l’hypothèse étant que leur diversité serait le reflet de celle des taxons sous-jacents, basée sur les théories de la SER (Wright, 1983) et du MIH (Srivastava and Lawton, 1998) selon différents habitats, avec différents niveaux d’intensité d’usage des sols. Ce chapitre permettra de déterminer les patrons de la diversité des chiroptères en relation avec cette énergie restante.

L’abondance étant basée sur l’activité de chasse des chiroptères, mesurée ici grâce au programme de sciences participatives Vigie-Chiro, il est attendu que d’autant plus d’individus seront détectés dans des zones favorables à l’alimentation, traduites par des fortes valeurs de NPP disponible. Par conséquent, il est attendu plus d’espèces et d’autant plus d’espèces de grandes tailles avec l’augmentation de l’énergie disponible pour la

biodiversité. L’intensité d’usage des sols diminuant la NPP disponible, on s’attend donc à ce que les espèces soient moins abondantes, les communautés composées de moins d’espèces, et ce, avec un effet d’autant plus fort que le milieu est intensifié, et particulièrement au sein des milieux agricoles et urbains.

- Comment l’aspect fonctionnel des communautés d’oiseaux est-il modifié le long de gradient d’intensité d’usage des sols ?

Selon le même cadre conceptuel et méthodologique que le travail réalisé sur les chiroptères, je m’intéresserai ici aux changements au niveau de la communauté liés non pas à l’énergie disponible, mais récoltée. Contrairement à la richesse spécifique des chiroptères en France métropolitaine (n=10), les oiseaux sont caractérisés par un plus grand nombre d’espèces (n=263) et de traits. Ils font l’objet d’un suivi temporel par le programme de sciences participatives STOC. La couverture géographique et la qualité de ce jeu de données permet d’évaluer les effets de l’énergie appropriée, prélevée et restante sur les caractéristiques de ces communautés. Cette étude devrait permettre de déterminer quelles facettes de la diversité taxonomique et fonctionnelle sont impactées par la famille HANPP. Les oiseaux étant ici caractérisés par une multitude de traits fonctionnels, l’usage de l’espace multifonctionnel s’applique particulièrement dans ce cas pour étudier les effets de l’intensification, sur les différentes facettes complémentaires composant la diversité fonctionnelle : la richesse, la régularité, la divergence et la dominance.

Il est attendu que les communautés aviaires répondent plus à la quantité de NPP disponible qu’à celle prélevée ou encore qu’à la configuration paysagère, d’après la théorie SER. On s’attend également à observer des communautés plus spécialistes dans les sites les plus intensifs, se traduisant également par une simplification fonctionnelle et trophique.

Ces trois questions principales seront abordées au cours de trois chapitres successifs (chapitres III, IV, et V). Précédant ces chapitres, un chapitre méthodologique présentera les différents indicateurs, tant d’intensité d’usages des sols que de biodiversité, utilisés dans ce manuscrit (chapitre II). Les résultats obtenus seront ensuite compilés et discutés dans le chapitre VI afin de proposer un éclairage sur les facettes de biodiversité à suivre en priorité, et sur l’utilisation d’indices de diversité selon la dimension d’usage des sols visée. Une dernière partie de ce chapitre présentera les perspectives possibles apportées par ce travail.

II. PRESENTATION DES JEUX DE DONNEES ET DES

INDICATEURS SOLLICITES

P

RESENTATION DES JEUX DE DONNEES ET DES INDICATEURS SOLLICITES

A. ZONE D’ETUDE

L’agriculture occupe environ 38% de la surface de la France métropolitaine (Ramankutty et al., 2008), ce qui en fait un milieu stratégique pour concilier la biodiversité et la forte demande en produits agricoles. L’agriculture est une activité si répandue sur le territoire que de nombreux parcs régionaux et nationaux incluent des activités agricoles considérées comme un patrimoine culturel à préserver, comme par exemple le Parc Naturel Régional du Vexin français (http://www.pnr-vexin-francais.fr/fr/developpement-local/agriculture/).

L’intensification agricole a vraiment commencé après la seconde guerre mondiale grâce à une industrialisation des modes de production, à la mécanisation et l’utilisation massive d’intrants (Flamant, 2010), augmentant de façon exceptionnelle les rendements, tant sur la production végétale (Figure II-1.a) que sur les cheptels. Depuis 2005, la production en blé tendre stagne autour de 70 quintaux à l’hectare malgré une diminution du nombre des exploitants agricoles (-69.1% entre 1970 et 2010) et de la surface utilisée (-16.3% entre 1960 et 2010). De plus, cette intensification du milieu agricole est concomitante avec le phénomène social d’exode rural au cours du XXème siècle, où les enfants d’agriculteurs et d’ouvriers se sont engagés dans des formations leur permettant d’obtenir des emplois moins pénibles et mieux rémunérés. Cet exode, suivit par l’augmentation de la population a conduit à l’étalement urbain, jusqu’à 10% du territoire (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/indicateurs-indices/f/2087/0/artificialisation-sols-1.html) et la présence de grandes métropoles, au dépend des surfaces agricoles, forestières et semi-naturelles (Figure II-1.b).

Toute cette géographie fait de la France métropolitaine une zone d’étude intéressante pour la conciliation entre préservation de biodiversité et intensification des usages des sols.

Dans chaque chapitre, le territoire français a été échantillonné en fonction des objectifs et des données biologiques :

- Le chapitre III s’intéresse aux communes dont la surface administrative est majoritairement composée de milieux agricoles.

- Le chapitre IV s’intéresse aux milieux agricoles, urbains, forestiers et à tous les milieux présents aux alentours des sites d’échantillonnages des relevés Vigie-Chiro. - Le chapitre V ne s’attarde pas sur une analyse par milieu, mais prend en compte la

Chaque sous-échantillonnage du territoire respecte la représentativité des milieux à l’échelle nationale.

Figure II-1 : Conséquences de l’intensification française. (a) Rendements annuels moyens des principales céréales entre 1960 et 2007 (Source : Agreste – Statistique Agricole annuelle). (b) Evolution des superficies totales des différents types d’occupation entre 1990 et 2012. Les superficies sont exprimées en milliers d’hectares (Source : UE – SOeS CORINE Land Cover).