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B. INDICATEURS D’INTENSITE D’USAGE DES SOLS

B.1. L E CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE DE HANPP

L’indicateur HANPP (« Human Appropriation of Net Primary Productivity ») a été conçu pour estimer l’appropriation humaine de la production primaire, c’est-à-dire la quantité de production primaire détournée par et pour les activités humaines (Haberl et al., 2007; Vitousek et al., 1986). Cet indicateur peut se calculer de deux façons, reflétant des visions complémentaires de l’appropriation de la NPP (i.e. Productivité Primaire Nette). La première stratégie de calcul de HANPP est plus orientée vers les conséquences écologiques de l’appropriation : il s’agit ici de calculer la différence entre la quantité de NPP qui serait potentiellement disponible en l’absence d’activité humaine (NPP0) et la quantité de NPP restante dans les écosystèmes (NPPeco). La deuxième stratégie de calcul de HANPP se focalise plus sur la vision sociologique de l’appropriation puisqu’il s’agit d’additionner la quantité de NPP récoltée (HANPPharv) et la quantité de NPP modifiée par les usages humains (HANPPluc) (Figure II-2).

Figure II-2 : Le cadre conceptuel de HANPP. Il peut se concevoir grâce à un diagramme. NPP0 représente la quantité de végétation (NPP) potentielle avant l’impact humain. Les changements d’usages des sols induits par l’homme (HANPPluc) ont modifié la quantité de végétation possible (NPPact). Cette quantité réelle se décompose en une partie qui sera prélevée pour répondre aux besoins humains (HANPPharv) et une partie résiduelle (NPPeco) disponible pour la biodiversité. L’appropriation humaine de la production (HANPP) résulte : (1) de la somme entre la production prélevée et la production modifié par les changements d’usage des sols, ou bien (2) de la différence entre la quantité de production potentielle et la production disponible pour la biodiversité. Source : Figure adaptée de Erb et al. (2009) avec la typologie employée par Plutzar et al. (2015).

En premier lieu, la NPP potentielle (NPP0, Figure II-4.f) représente la quantité de production primaire qui serait produite en l’absence de l’Homme sur Terre. Cette quantité étant hypothétique, elle est appréhendée grâce à un modèle biodynamique global de végétation qui prend en compte le climat (température, précipitation, vent, altitude) et le type de sol et sous-sol pour proposer un état potentiel de la NPP en l’absence d’emprise humaine (le modèle LPJmL, « Lund-Postsdam-Jena managed Land », Bondeau et al., 2007). Dans le cadre méthodologique de Haberl et al. (2007), l’état potentiel NPP0 équivaut à la somme de la variation de la quantité de NPP associée au changement d’usage des sols HANPPluc, de la quantité de NPP récoltée (HANPPharv) et de NPP non récoltée (NPPeco). Cette HANPPluc diminue lorsque l’intensité d’usage augmente ; ainsi elle est négative dans les régions où la productivité réelle des écosystèmes (NPPact) surpasse la productivité potentielle (NPP0). Cela est dû à une conversion d’usage : le milieu, initialement un terre aride caillouteuse par exemple, est devenu une surface agricole productive, du fait des techniques humaines de fertilisation ou d’une forte irrigation, ou encore une zone forestière convertie en zone agricole ou urbaine. A l’inverse, HANPPluc est positive lorsque la NPP0 est supérieure à la NPPact, comme par exemple dans les zones ou des milieux primitifs ont été transformés en zones

urbaines. HANPPharv est la quantité de NPP récoltée, consommée ou détruite durant la récolte et non récupérée (par exemple les racines d’arbres ou de plantes annuelles), comprenant les cultures, le bois, les résidus de récoltes (racines de plantes annuelles), les coupes forestières (et leurs racines), le fourrage consommé par le bétail, ou encore la NPP perdue lors d’incendie induits par l’homme.

Le jeu de données HANPP est actuellement disponible pour 1990, 2000 et 2006, et réactualisé à l’échelle européenne à une résolution de 1 kilomètre carré (Plutzar et al., 2015). Dans cette base de données, les différentes composantes de production sont exprimées en tonnes de carbone par kilomètre carré et par an (voir encadré 2 de l’introduction pour la méthodologie de calcul). Les analyses présentées dans cette thèse ont été réalisées sur les données de 2006, pour concorder avec les données d’intensité de sols (cf. sections B.2 et B.3 de ce chapitre) et de biodiversité (cf. sections C.2 et C.3 de ce chapitre). Afin de conforter la validité de ce choix, une étude préliminaire a été réalisée sur la variation temporelle des valeurs de chaque indicateur sur ces trois pas de temps à l’échelle française. Cette analyse a montré que les variations entre ces trois dates étaient très faibles (Figure II-3). Des gains de NPP appropriée (HANPP comme HANPPharv) sont visibles dans la majeure partie agricole nord du pays, accompagnée d’une perte de NPPeco. A titre indicatif, les effets de la tempête de 2003 sont visibles pour le pas de temps 2000-2006 : la majeure partie de la forêt des landes a été récoltée (gain de HANPP(harv) et perte de NPPeco).

La cartographie des valeurs de ces différents indicateurs en France métropolitaine (Figure II-4.a-e) révèle notamment que la NPPact est faible au niveau des métropoles (par exemple la couronne parisienne) et du bassin méditerranéen (région sous contraintes climatiques plus fortes) (Figure II-4.d). NPPact est globalement plus élevée dans la région Nord (régions de productions agricoles), de façon naturelle (si sous-sols calcaires, marneux ou argileux) ou amendées (roches acides armoricaines par exemple) (Figure II-3.d).

Cette cartographie montre également que HANPPharv est élevée dans les zones où NPPact est également élevée : dans les zones avec des pratiques agricoles intensives dans toute la région Nord (Figure II-4.c). A l’inverse, les régions montagneuses présentent de plus faibles valeurs de HANPPharv, en raison de pratiques culturales plus extensives, comme le pâturage.

Figure II-3 : Différences, ou delta, en quantité de NPP entre les trois pas de temps pour chaque indicateur du cadre conceptuel d’HANPP. HANPP : Human Appropriation of Net Primary Productivity ou appropriation de la NPP par et pour les activités humaines. HANPPharv : harvested HANPP ou quantité de NPP récoltée. NPPeco :

remaining NPP ou quantité de NPP restante dans les écosystèmes après récolte. Delta désigne la différence entre

les valeurs d’un même indicateur à deux pas de temps, « Delta 2006-1990 » correspond à la différence entre les années 2006-1990. Les valeurs sont exprimées par un gradient du bleu (valeurs négatives) au rouge (valeurs positives élevées). La couleur verte signifie qu’aucune différence n’est observée entre deux pas de temps. Les valeurs négatives (bleues) signifient une perte de NPP en fonction du temps tandis que les valeurs positives signifient un gain de NPP durant le pas de temps. Les valeurs de NPP sont exprimées en tonnes de carbone par an.

HANPPluc est négative dans les régions agricoles les plus intensives, par exemple dans les grandes cultures céréalières et protéagineuses de la plaine du bassin parisien qui usent de grandes quantités d’intrants (eau et produits phytosanitaires). Elle est également faible au niveau des zones naturellement peu productives de l’Ouest (granit en sous-sol) et de l’Est (grès). Enfin, HANPPluc est plus élevée dans des régions peu productives du bassin méditerranéen, témoignant d’un usage du sol plus extensif. Une appropriation humaine de la NPP (≥0) est possible même si HANPPluc est fortement négative, la condition étant que HANPPharv soit positive et compense HANPPluc. De la même manière, une augmentation de

HANPPharv n’implique pas forcément une augmentation de HANPP si l’augmentation des récoltes (HANPPharv) est compensée par une baisse de HANPPluc.

De manière générale HANPP est élevée au niveau des métropoles, traduisant la forte appropriation (voire même destruction) de la NPP dans les zones artificialisées (Figure II-4.a). Elle est également élevée dans les zones alluviales (Loire, Rhône, Seine, Rhin, Garonne) du fait de l’installation ancienne des activités humaines le long des cours d’eau. HANPP est également plus élevée dans les régions agricoles les plus fertiles : sur les roches calcaires du Nord, et les bassins d’alluvions ayant bénéficiés d’apports riches en éléments nutritifs comme le bassin parisien. En revanche, elle est plus faible dans les zones plus acides et siliceuses tel le bassin armoricain et les massifs alpins et pyrénéens ; des zones dont la topographie et le type de sols ne sont pas forcément favorables à l’installation humaine et les cultures.

Le cadre conceptuel comporte également un indicateur de la fraction non appropriée par l’homme, NPPeco. Elle est obtenue par la soustraction du NPPact et de HANPPharv (Figure II-2). La globalité de la biodiversité (excepté l’Homme) dépendrait donc de cette fraction restante pour vivre et se reproduire. Bien évidemment, certaines espèces profitent également des cultures ou des forêts gérées avant leurs récoltes. Néanmoins, cette part de la NPP restante est censée être disponible pour l’ensemble de la biodiversité, en tant qu’habitat mais surtout en tant que ressources. En France, la variabilité spatiale de NPPeco est opposée à celles de HANPP ou encore HANPPharv : les valeurs de NPPeco sont faibles lorsque les valeurs de HANPP et HANPPharv sont élevés et inversement (Figure II-4.a,c,e).

Figure II-4 : Cartes du cadre conceptuel d’HANPP. Variabilité spatiale de chaque composante de HANPP, pour l’année 2006 : (a) L’appropriation humaine de la production primaire nette (HANPP) ; (b) la variation de NPP due à l’usage des sols par l’homme (HANPPluc) ; (c) la quantité de NPP récoltée (HANPPharv) ; (d) la quantité de NPP réelle (NPPact) ; (e) la quantité de NPP restante après récolte (NPPeco). Le cadre conceptuel de HANPP (f) peut se concevoir grâce à ce diagramme. Le gradient de couleur va du bleu foncé pour les valeurs les plus faibles, au rouge pour les valeurs les plus élevées de NPP pour chaque composante. Les quantités sont exprimées en tonnes de carbone par an (tC/yr). Source : données issues de Plutzar et al. (2015).