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C. UNE BIODIVERSITE EN ETROITE RELATION AVEC L’ENERGIE

C.1. L A BIODIVERSITE DANS LE CONTEXTE DE LA RELATION E SPECE -E NERGIE

Plusieurs hypothèses existent pour expliquer cette SER (species energy relationship), également connue sous le nom de « diversité-énergie » et « productivité-diversité ». Elle est aussi liée à l’hypothèse du «more individuals hypothesis » (MIH, Currie et al., 2004; Srivastava and Lawton, 1998). La majeure partie des études se sont focalisées sur deux descripteurs de la composante « espèce » : la richesse et l’abondance spécifique. Les descripteurs de la composante « énergie » sont beaucoup plus nombreux. Il y a eu une complexité et une diversité des approches utilisées ne garantissant pas forcément une convergence des résultats.

C.1.1. L’HYPOTHESE MIH (« MORE INDIVIDUALS HYPOTHESIS »)

La relation « diversité-espèce » repose sur l’hypothèse que l’énergie disponible est similaire à un flux de ressources qui détermine le nombre d’individus (Figure I-6). Une augmentation des ressources va permettre à un plus grand nombre d’individus de persister. L’augmentation des tailles de population, via les dynamiques de population et une diminution de la probabilité d’extinction, va permettre de soutenir un plus grand

nombre d’espèces au sein de la communauté (Gaston, 2000). L’hypothèse du « plus d’individus » (more individuals hypothesis, MIH, Srivastava & Lawton, 1998), ou « énergie-abondance » sous-tend donc la relation espèce-énergie. Cependant, l’énergie peut impacter la richesse spécifique de plusieurs façons et pas exclusivement à travers le nombre d’individus (Evans et al., 2005b).

Figure I-6 : Relations entre énergie, abondance et richesse. Les visions classiques de la MIH supposent que (a) l’énergie disponible détermine directement le nombre total d’individus J, et que J détermine le nombre d’espèces via la dynamique d’extinction : un faible nombre d’individus ne permet pas la subsistance de plusieurs espèces avec des populations viables. La vision plus réaliste, cependant, est que (b) l’énergie disponible affecte de manière complexe les dynamiques de population et à la fois le nombre d’individus et le nombre d’espèces. Le nombre maximal d’individus est toujours déterminé par la quantité d’énergie disponible et le nombre d’espèce par le nombre de populations viables. Source : Figure 4 tirée de Storch et al. (2018).

C.1.2. LA DIVERSITE DES APPROCHES DE LA RELATION « ESPECE-ENERGIE »

Aujourd’hui, un consensus existe quant à la relation positive liant la richesse spécifique à l’énergie disponible pour la biodiversité (Currie et al., 1991). A l’échelle macro-écologique, neuf mécanismes, autres que le nombre d’individus seul, permettent d’expliquer ces relations espèce-énergie positive (Evans et al., 2005b). Ces mécanismes peuvent agir en synergie les uns avec les autres. Les auteurs Evans et al. (2005b) et Storch et al. (2018) citent comme mécanismes à considérer : la taille de l’échantillonnage, l’augmentation de la taille de la population, l’équilibre dynamique créé par cette énergie disponible, la dimension et la position de la niche biologique, la complexification du réseau trophique, la diminution de la pression de prédation permettant la coexistence de plus d’espèces, l’augmentation de la gamme de tolérance et enfin le taux de diversification.

Bien que l’effet fasse consensus, la forme de cette relation fait encore débat, car dépendante de la variation du nombre d’individus, de la manière de mesurer cette énergie disponible, de la direction de causalité et des effets échelle-dépendance (Storch et al., 2018).

La visibilité des relations de biodiversité dépend notamment de l’échelle spatiale considérée. Les études expérimentales sont souvent effectuées à une échelle spatiale réduite, contrairement aux études basées sur l’observation. Il a été montré que la forme de la relation n’était ainsi pas la même à l’échelle locale (en cloche), qu’à l’échelle régionale, nationale ou continentale (linéaire), du fait de la prise en compte des processus d’immigration ou d’extinction (Chase and Leibold, 2002). Nous proposons donc d’étudier cette relation à échelle nationale, en supposant les espèces à l’équilibre. La NPP serait la meilleure approximation de l’énergie. Cependant comme nous l’avons vu, la NPP peut être difficile à estimer (section B.2), c’est pourquoi de nombreuses études ont utilisé d’autres estimateurs, comme par exemple le NDVI, l’évapotranspiration, la température, les ressources alimentaires, la biomasse végétale, qui ont pu conduire à des conclusions différentes (Storch et al., 2018). Nous proposons donc d’utiliser la NPP comme estimateur de l’énergie, à partir des données d’HANPP.

Concernant les groupes taxonomiques étudiés, les autotrophes fabriquent eux-mêmes leur NPP, la relation « espèce-énergie » pourrait être vue comme une augmentation de leur biomasse. Ainsi ce mécanisme expliquerait les différences de relations énergie-espèces observée entre autotrophes (en cloche) ou hétérotrophes (linéaire) (Waide et al., 1999). Notre objectif étant de mieux comprendre l’effet de l’appropriation humaine de l’énergie sur la biodiversité (et notamment sur sa diversité spécifique et fonctionnelle), nous parait-il plus évident d’étudier la relation énergie-espèce en nous focalisant sur les hétérotrophes, et en particulier sur les vertébrés. L’énergie est utilisée différemment selon le groupe taxonomique ou le niveau trophique considéré. Etudier la relation « énergie-abondance » pour mieux la comprendre suppose que l’énergie disponible est partagée entre les individus : la prise en compte d’un seul niveau trophique permet de mieux étudier cette relation.

La causalité peut être directe, l’énergie augmente le nombre d’individus qui augmente le nombre d’espèces, ou bien plus complexe, faisant intervenir des processus de régulation au niveau populationnel, le nombre d’individus et d’espèces étant interdépendants (Figure I-6).

Comme énoncé précédemment (section B), la théorie SER est une extension de la théorie « espèce-surface » (species area relationship, Wright, 1983), elle-même contrôlée par les traits des espèces. Franzén et al. (2012) ont montré que l’utilisation de traits permettait une meilleure prédiction du modèle espèce-surface, les espèces à faible potentiel reproducteur, à faible gamme alimentaire et d’habitat étaient particulièrement sensibles à l’augmentation de la surface disponible. Il semble donc pertinent d’explorer la relation entre l’énergie disponible dans l’écosystème et d’autres facettes de la biodiversité ; comme la diversité fonctionnelle pour une meilleure compréhension des mécanismes et effets environnementaux sur les communautés.