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E. ARTICLE « BATS DIVERSITY DECLINES WITH HUMAN APPROPRIATION OF ENERGY

V. IMPACT DE L’INTENSITE D’USAGE DES SOLS SUR LA STRUCTURE

TAXONOMIQUE DES COMMUNAUTES

AVIAIRES

I

MPACT DE L

INTENSITE D

USAGE DES SOLS SUR LA STRUCTURE FONCTIONNELLE ET TAXONOMIQUE DES COMMUNAUTES AVIAIRES

A. CONTEXTE

Les analyses du chapitre IV ont révélé que l’intensité d’usage des sols sur des populations et communautés de chiroptères, engendrait une diminution de la diversité taxonomique (et de la masse), et donc potentiellement les services écosystémiques de régulation (Kunz et al., 2011), comme le contrôle des ravageurs phytophages, rendus par ces espèces nocturnes. L’impact, en altérant les écosystèmes est globalement négatif dans tous les milieux testés même si la force de cet impact diffère selon les milieux. Ainsi, on peut supposer que ce n’est pas seulement la quantité d’énergie disponible qui permet de soutenir la biodiversité, mais un ensemble de facteurs. Dans le contexte de mon travail de thèse, je considère que ces altérations peuvent correspondre aux perturbations liées aux activités humaines, que ce soit sur la disponibilité en ressources ou les dynamiques de population. La perturbation peut être vue comme le prélèvement cyclique de la ressource que l’Homme s’approprie pour répondre à ses besoins (HANPP(harv)). Ainsi, la prise en compte de l’énergie, non seulement disponible, mais également appropriée par l’Homme permettrait ainsi de mieux savoir quel facteur impacte le plus les communautés biologiques. Des études ont en effet montré que les méthodes conduisant à cette intensification, et des systèmes à fort rendements créent une forte perturbation (Benton et al., 2002; Dross et al., 2017; Gibbons et al., 2015; Guerrero et al., 2011; Kleijn et al., 2009).

Les modifications dans la dynamique d’une population sont susceptibles d’avoir des répercutions notables au niveau de la communauté. D’après la théorie SER, il est attendu qu’un changement dans la disponibilité de l’énergie dans le système entraine un changement de richesse dans la communauté (Wright, 1983). Également nommée « diversité-productivité » (Abrams, 1995; Groner and Novoplansky, 2003), cette appellation plus large sous-entend un effet de la production non seulement sur la richesse en espèce, mais également sur la diversité taxonomique et fonctionnelle des communautés, encore rarement étudiée. Or, il a été montré que les caractéristiques fonctionnelles des espèces pouvaient contrôler, ou du moins moduler, la relation de « diversité-productivité » (Karl L Evans et al., 2006; Franzén et al., 2012; Šímová et al., 2011). Cependant, ces analyses ont été faites en étudiant la relation richesse-énergie/surface par guildes (e.g. prédateurs, espèces ayant une niche réduite). A notre connaissance, aucune étude ne s’est concentrée sur l’étude de la relation diversité-productivité

en intégrant la diversité fonctionnelle en tant que telle, alors que la prise en compte des traits pour l’étude de telles relations peut aider à la compréhension des mécanismes sous-jacents, mais également fournir une meilleure connaissance quant aux stratégies de management du milieu et la conservation de la biodiversité.

Dans ce chapitre, je me suis intéressée aux oiseaux nicheurs. A la différence des chiroptères, dont l’abondance et la diversité, étudiées via le programme Vigie-Chiro (activité de chasse détectée via l’acoustique), sont liées à la disponibilité en ressources alimentaires, l’abondance des oiseaux nicheurs mesurée par site via le STOC-EPS, soit le nombre de couple nicheurs, reflète une double contrainte à la fois en site de reproduction et en ressources alimentaires, et donc un phénomène de densité dépendance. Similairement aux chiroptères, de nombreuses espèces d’oiseaux sont considérées comme indicatrices de la qualité du milieu, surtout grâce à ce type de données qui autorisent des comparaisons multiples Les oiseaux ont des écologies diverses et sont caractérisés par un grand nombre de traits fonctionnels différents, liés à leur habitat ou leur alimentation. Tandis que la niche grinellienne se réfère à la performance des espèces selon le gradient de variation des conditions écologiques, e.g. dans différents habitats (Grinnell, 1917), la niche eltonnienne focalise sur l’impact des espèces et les fonctions écologiques, e.g. à travers la morphologie et l’utilisation des ressources (Elton, 1927). A ce jour, peu d’études se sont intéressées à lier ces deux dimensions l’une à l’autre (Devictor et al., 2010a; Pearman et al., 2014; Thuiller et al., 2014), et encore moins se sont attachées à l’étude des différentes facettes de la diversité fonctionnelle – richesse, régularité, divergence – au sein d’un espace de traits multidimensionnel (Villéger et al., 2008). Ainsi, l’étude des communautés aviaires, par la présence des espèces à de nombreux niveaux trophiques, est particulièrement intéressante pour analyser l’effet de la productivité appropriée et perturbée par l’Homme. C’est un modèle pertinent pour étudier l’effet de l’intensité d’usage des sols (et tester la pertinence d’HANPP) sur la biodiversité et ses facettes taxonomique et fonctionnelle via la relation diversité-productivité.

B. OBJECTIFS

Ce chapitre vise à mieux comprendre quelles facettes de la diversité taxonomique et fonctionnelle sont impactées par l’intensité d’usage des sols et notamment via les composantes d’HANPP. L’analyse combinée de la diversité taxonomique et fonctionnelle améliorerait la compréhension des interactions entre la biodiversité et les altérations environnementales (l’intensité des usages des sols). Dans ce chapitre, j’ai donc exploré la

relation « diversité-productivité », en m’appuyant sur différentes mesures de la diversité fonctionnelle et taxonomique. Il s’agira de regarder la variabilité de ces facettes de biodiversité en fonction d’un gradient d’intensité d’usage des sols. Cette étude devrait permettre de déterminer quelles facettes de la diversité taxonomique et fonctionnelle sont impactées par les composantes d’HANPP, en matière de quantité d’énergie réelle, appropriée, récoltée et disponible. Comme point de départ de ce travail, je fais l’hypothèse que la quantité d’énergie disponible influencerait plus la biodiversité que l’énergie appropriée ou récoltée, car elle est directement liée à la quantité de ressources. En contexte d’intensification, je m’attends à une augmentation de la productivité récoltée et une diminution de la productivité disponible résultant en une diminution de la richesse des communautés au niveau taxonomique, et une homogénéisation biotique fonctionnelle.

B.1.1. DONNEES

Les analyses réalisées au sein de ce chapitre ont été basées sur les données issues du programme de science participative Suivi Temporel des Oiseaux Communs par Echantillonnages Ponctuels Simples (STOC-EPS). Chaque site d’échantillonnage, le carré, est assimilé à une communauté aviaire. Le protocole de récolte des données est détaillé dans le chapitre II (cf. section C.3). L’analyse des relations entre les communautés d’oiseaux et l’intensification s’est faite à l’échelle des carrés STOC, en considérant l’intensité au sein d‘un rayon de 2km autour du centre du carré. Les relevés avifaunistiques des années 2004 à 2006 ont été utilisées de manière à avoir une cohérence temporelle avec les données HANPP (2006) mais également pour lisser d’éventuelles fluctuations interannuelles. Seuls les sites en deçà de 800m d’altitude ont été sélectionnés pour avoir des communautés comparables et éliminer les espèces spécialistes des milieux montagnards. Au total, cela représente un jeu de données de 2287 communautés réparties selon 1192 carrés STOC avec un total de 263 espèces (Figure V-1).

La richesse spécifique a été calculée pour chaque communauté. La richesse spécifique ne représente qu’un aspect de la diversité et l’utilisation combinée de la diversité fonctionnelle peut améliorer la compréhension des interactions entre les aspects de la biodiversité et les altérations environnementales (Mouchet et al., 2010). Ainsi, différents indices fonctionnels ont également été calculés, basés sur des indices univariés lié à la moyenne – l’indice de spécialisation à l’habitat et le niveau trophique (cf. chapitre II, sections D.2.2.2 et D.2.2.3) et des indices multivariés lié à la variance – la richesse, la régularité, la divergence et la dispersion fonctionnelle (cf. chapitre II, section D.2.3). La niche fonctionnelle des espèces

d’oiseaux et la structure fonctionnelle des communautés ont été caractérisées à l’aide de huit traits (Tableau V-1), obtenu gracieusement auprès de Wilfried Thuiller (2014) et compilés avec ceux disponibles dans la base de données développée par Pearman et al. (2014).

Figure V-1 : Distribution spatiale des 1192 carrés STOC-EPS, correspondant à 2287 communautés, suivis entre 2004 et 2006.

Pour caractériser le gradient d’intensité d’usage des sols, j’ai quantifié l’énergie appropriée (HANPP), récoltée (HANPPharv) et disponible (NPPeco) (cf. chapitre II, section B.1) et utilisé les valeurs moyennes de production au sein d’une zone de 2km autour du centre de chaque carré. Enfin, j’ai caractérisé le paysage à l’aide de la proportion de milieu urbain, agricole et d’un indice d’hétérogénéité du paysage (SHDI) grâce aux données CORINE Land Cover à une résolution de 25m (Copernicus Land Monitoring Service, 2018) et les conditions climatiques durant la saison de reproduction pour les années 2004 à 2006 grâce à la température moyenne et la somme des précipitations extraites de la plateforme E-OBS à une résolution de 30 arc-second (env. 30m) (Haylock et al., 2008) au sein de cette même zone.

Tableau V-1 : Traits fonctionnels utilisés, provenant de la base de données compilée par Thuiller et al. (2015).

Trait ou indice Type de variable Codage ou unité

Masse corporelle Continue mg

Régime alimentaire

Catégorielle

Graine, noix, grain/fruits/partie végétale, invertébré, poisson, petit mammifère, grand mammifère, reptile, vertébrés, petit oiseau, grand oiseau, os, charnier

Chaque sous-catégorie est codée

en (0/1) Comportement de recherche

alimentaire

Catégorielle

Poursuite, attaque, glane, bondit, broute, pique, retournement d’objet, sonde, filtre

sous-cat. en (0/1) Milieu de prospection alimentaire

Catégorielle

Eau (prof/surface), boue, canopée, Buisson, végétation, air

sous-cat. en (0/1) Activité Catégorielle

Nocturne, crépusculaire, diurne sous-cat. en (0/1) Habitat

Catégorielle

Prairie humide, marais, prairie sèche, rocher, torrent, rivière, littoral, marais salant, limon, plage, roselière, foret résineuse, foret décidue, foret mixte, milieu méditerranéen, foret ouverte, lisière forestière, arbuste, ville, jardin, air

sous-cat. en (0/1)

Position du nid Catégorielle

Elevé, trou d’arbre, au sol sous-cat. en (0/1) Environnement de nidification

Catégorielle

Prairie humide, marais, prairie sèche, étendue sableuse, bord de lac, foret résineuse, foret décidue, foret mixte, milieu méditerranéen, foret ouverte, lisière forestière, arbuste, paroi rocheuse, affleurement, arbuste, ville, jardin, bâtiments

sous-cat. en (0/1)

B.1.2. METHODES D’ANALYSES

L’analyse de ces tendances a été effectuée en deux étapes. Dans une première partie, je me suis intéressée à déterminer si les composantes d’intensité d’usage des sols seules pouvaient bien prédire la biodiversité. L’intégration de la composition du paysage et du climat s’est faite dans une seconde partie afin de regarder la part d’explication relative de ces paramètres. Dans les deux analyses, j’ai testé ces relations grâce à des modèles linéaires mixtes (GLM), prenant en compte l’année, le site et la région dans lesquels sont situés ces communautés en tant qu’effets aléatoires.

C. PRINCIPAUX RESULTATS

Les communautés aviaires ont des réponses significatives mais contrastées aux indices d’intensité d’usage des sols, révélant des compromis à trouver pour concilier à la fois conservation de la biodiversité et intensité d’usage pour répondre aux besoins humains. La quantité d’énergie récoltée semble être l’aspect de l’intensité le plus impactant pour les communautés, et non la quantité d’énergie disponible. Mes résultats suggèrent que la baisse

du nombre d’espèces, de la régularité fonctionnelle et du niveau trophique moyen le long du gradient d’intensification, correspond à une augmentation de l’intensité d’usage des sols. En revanche, plus l’intensité augmente, plus la proportion d’espèces spécialistes des milieux agricoles augmentent dans ces communautés. Ces changements dans la diversité et la structure des communautés sont à rapprocher d’une déplétion des ressources (en qualité et quantité) et à un filtrage environnemental engendrés par l’appropriation de la NPP par et pour les activités humaines aboutissant ainsi à une simplification biotique, i.e. des communautés moins riches et composées d’espèces ultraspécialisées (granivores, et habitat agricoles). Les richesse, divergence et dispersion fonctionnelles ne semblent pas être impactées par l’intensité d’usage des sols. Lorsque j’intègre les paramètres paysagers et climatiques dans l’analyse, il ressort que les communautés semblent plus fortement liées à la proportion de milieux agricoles dans le paysage que l’intensité. Bien que non corrélés, un paysage avec une très grande production prélevée correspond aux milieux agricoles, expliquant ainsi cette relation et la plus grande fréquence d’espèces spécialistes de ces milieux dans les communautés soumises à fort régime d’intensité.

D. CONCLUSION

Ces résultats mettent en avant, plus que l’énergie disponible, l’impact du prélèvement humain, montrant les effets forts de l’intensification des pratiques sur la biodiversité. Le degré de perturbation du milieu semble plus important que l’énergie disponible. Cependant, HANPPharv peut également représenter l’énergie qui n’a pas encore été récoltée au printemps et qui est donc potentiellement disponible pour la biodiversité. Ils montrent également l’intérêt d’utiliser simultanément différentes mesures complémentaires de la biodiversité pour avoir une vision plus entière des mécanismes derrière les changements de biodiversité. En effet, à niveau de richesse équivalente, la structuration fonctionnelle des communautés est différente et simplifiée. L’absence de réponse de trois des indicateurs de diversité fonctionnelle questionne sur l’effet potentiel de facteurs structurant les communautés, autres que la production (prélevée ou restante). La forme des courbes suggère qu’il serait possible, à haut niveau d’intensité, d’avoir un gain important et stable de biodiversité taxonomique et fonctionnelle en réduisant faiblement la quantité de production prélevée (et maintenant ainsi la fourniture énergétique pour répondre aux besoins humains).

E. ARTICLE: « Land use intensity shapes the degree of specialization and the