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B. PRODUCTION ET ENERGIE

B.3. L E CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE D ’HANPP : LIEN ENTRE ENERGIE

ENTRE ENERGIE PRODUCTIVE ET INTENSITE D

USAGE DES SOLS

Les humains dépendent à la fois des sols et des ressources pour parvenir à leur subsistance. La NPP est l’une des plus importantes ressources disponibles. Elle soutient l’alimentation humaine ainsi que l’alimentation des élevages, la production d’autres énergies (combustion, biocombustibles), et la production de papiers et autres matériaux de construction. Les services écosystémiques utiles à l’homme comme la rétention d’eau, le maintien des sols et le stockage de carbone dépendent également de la NPP.

La représentation de l’impact humain sur la NPP, dans un contexte d’intensification remonte aux années 1980. Vitousek et al. (1986) ont ainsi introduit le terme HANPP, pour Human Appropriation of Net Primary Production (appropriation humaine de la production primaire nette), un indicateur intégratif qui reflète à la fois la quantité de surface utilisée par les humains et l’intensité d’usage des sols. HANPP mesure à quel point la conversion des sols et la biomasse récoltée altèrent la disponibilité de l’énergie productive dans les écosystèmes. C’est un indicateur des pressions humaines sur la biodiversité et les écosystèmes (Haberl, 1997).

Helmut Haberl, en 1997, propose de définir HANPP comme la différence entre la quantité de NPP qui serait disponible en l’absence d’activité humaine (énergie potentielle, NPP0) et la quantité de NPP restante dans les écosystèmes, gérés ou non (NPPeco) (Équation I-1 et Figure I-4). Il s’agit d’une vision plus écologique de HANPP car elle s’intéresse principale à la part de NPP disponible pour la biodiversité. Cette énergie restante peut être calculée en soustrayant la quantité de NPP réelle (NPPact) à la quantité de NPP récoltée par les humains (HANPPharv). Cette dernière inclut la récolte des cultures mais également les pertes, par exemple les résidus ou la biomasse détruite durant les récoltes, la fauche ou les feux induits (racines, petits bois, etc.).

La différence entre NPP0 et NPPact représente la réduction de l’énergie potentielle à travers la conversion et l’intensification d’usage des sols originellement « naturels », sous le terme HANPPluc (Équation I-2 et Figure I-4). ). Cette fois-ci, il s’agit d’une vision plus sociologique de HANPP puisqu’elle est essentiellement basée sur la récolte et la conversion des terres pour les besoins humains (Haberl et al., 2007).

Le calcul de HANPP et de ses composantes nécessite des informations concernant l’usage des sols, la productivité de la végétation, la quantité de récoltes et les facteurs liés (Figure

I-4, et encadré 2). Cela est fourni grâce aux statistiques agricoles et d’usage des sols, aux données de productivité annuelles. L’inventaire exhaustif des données nécessaires au calcul de HANPP&cie peut être appréhendé dans l’Encadré 2.

Équation I-1 : Vision écologique de HANPP

𝐻𝐴𝑁𝑃𝑃 = 𝑁𝑃𝑃0 − 𝑁𝑃𝑃𝑒𝑐𝑜 , 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑁𝑃𝑃𝑒𝑐𝑜 = 𝑁𝑃𝑃𝑎𝑐𝑡 − 𝐻𝐴𝑁𝑃𝑃ℎ𝑎𝑟𝑣

Équation I-2 : Vision sociologique de HANPP

𝐻𝐴𝑁𝑃𝑃 = 𝐻𝐴𝑁𝑃𝑃ℎ𝑎𝑟𝑣 + 𝐻𝐴𝑁𝑃𝑃𝑙𝑢𝑐

La NPP potentielle (NPP0) peut être appréhendée grâce à un modèle de dynamique globale de la végétation (i.e. le modèle LPJmL ; Bondeau et al., 2007). NPP0 représente l’état hypothétique de végétation en l’absence de toute activité humaine. La NPP réelle (NPPact) représente la production réelle mesurée en terme de NPP, elle est établie à partir de différentes procédures dépendant du type de sols (Plutzar et al., 2015). HANPPluc fait état de la différence entre la NPP potentielle et réelle du fait des activités humaines au sens large (Encadré 2 et Figure I-4). Les valeurs d’HANPP peuvent diminuer voire être négatives quand la biomasse récoltée augmente. Contre-intuitif au premier abord, cela peut s’expliquer par le fait que la NPP réelle est supérieure à la NPP potentielle (Figure I-4 et Figure I-5), s’exprimant par un HANPPluc négatif, à cause des diverses techniques d’intensification, comme l’irrigation ou l’ajout de fertilisants ayant rendu un sol naturellement pauvre en sol plus productif qu’il n’aurait dû être (Haberl et al., 2001; Krausmann, 2001).

Figure I-4 : Le cadre conceptuel de HANPP. L’appropriation humaine de la NPP (HANPP) peut se concevoir comme la différence entre la NPP potentielle (sans impacts humains, NPP0) et la NPP restante dans les écosystèmes après les récoltes (NPPeco), correspondant à une vision plus écologique. La deuxième façon de concevoir HANPP, de manière plus sociologique, est de combiner l’effet des changements d’usages des sols induits par l’activité humaine (HANPPluc) avec la NPP extraites lors des récoltes pour les besoins socio-économiques (HANPPharv). Source : Figure adaptée de Erb et al. (2009) avec la typologie employée par Plutzar et al. (2015).

Encadré 2 : Schéma récapitulatif des données utilisées et des flux pour développer le cadre conceptuel d’HANPP.

Les flèches indiquent les flux de données, celles en pointillés indiquent les interrelations de données en dehors du cadre conceptuel présenté ici.

Origine des données initiales : CAPRI et SOEF sont des données de recensement, LUCAS sont des données d’enquête, CORINE est basée sur de la télédétection. Toutes les autres données sont dérivées de modèles, par exemple le degré d’imperméabilisation du sol (soil sealing), Dynaspat HSMU ou NPPpot. Les données environnementales sont extraites de la base de données européenne sur les sols, WorldClim et SRTM.

Plusieurs études ont calculé l’appropriation humaine de la NPP. Haberl et al. (2007) concluent que le HANPP global pour l’année 2000 avoisinait 24% de la NPP potentielle (NPP0). HANPP atteindrait 44% de la NPP0 d’ici à 2050 suivant les trajectoires actuelles (Krausmann et al., 2013). Il montre aussi que l’Europe de l’Ouest est un des plus grand fournisseur et récolteur de NPP (Figure I-5), augmentant le HANPP global à 40% de la NPP0, et jusqu’à 73% selon d’autres méthodes de calcul (Imhoff et al., 2004). D’autres études se sont intéressées aux variations temporelles de HANPP et ont montré qu’il avait doublé entre 1910 et 2005 (Krausmann et al., 2013). En 2006, les dernières actualisations font état d’une appropriation autour de 43% à l’échelle de l’Europe (Plutzar et al., 2015).

Figure I-5 : Carte de l’appropriation humaine de la NPP au niveau mondial et européen (2000). (a) Au niveau mondial, le HANPP total est exprimé en pourcentage de NPP0. Les valeurs négatives (bleu) indiquent une augmentation de NPPeco, les valeurs positives vertes et jaunes indiquent un faible HANPP et rouge et noir des valeurs moyennes à hautes de HANPP. La valeur maximale (100) indique que toute le NPP potentiel est impacté par les usages humains. (b) Au niveau européen, HANPP est cette fois exprimé en gramme de carbone par mètre carré par an. Il correspond à la différence entre NPP0 et NPPeco. Le gradient coloré de jaune à noir exprime la quantité de NPP appropriée par l’homme. (c) Les réductions de NPP induits par les changements d’usage des sols (HANPPluc) correspond à la différence entre NPP0 et NPPact. HANPPluc peut avoir des valeurs négatives (vert) traduisant une augmentation de la NPP réelle due à l’intensification. Source : mondial ; Haberl et al. 2007, européen ; Plutzar et al. 2015.

HANPP est un indicateur pertinent dans le contexte des flux hydriques globaux (Gerten et al., 2005), des flux carbonés (DeFries et al., 1999) et azotés notamment via les flux de biomasse et des fertilisants azotés pour la productivité agricole. Parce que HANPP altère les flux d’énergie à travers les réseaux trophiques, il peut être un important facteur de la perte de la biodiversité en détournant de l’énergie disponible comme prédit par la théorie « espèce-énergie » (Haberl, 1997; Haberl et al., 2005, 2004a; Wright, 1990).