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C. UNE BIODIVERSITE EN ETROITE RELATION AVEC L’ENERGIE

C.3. Q UATRE MESURES DE LA DIVERSITE FONCTIONNELLE

Il existe deux grandes stratégies pour quantifier la diversité fonctionnelle à partir des traits : les indices fondés sur l’hypothèse du rapport de masse et les indices estimant la variance d’un ou plusieurs traits (Encadré 3) L’hypothèse du rapport de masse (ou « Mass-ratio hypothesis » en anglais) postule que les espèces dominantes (en biomasse ou nombre d’individus) contribueront plus fortement au processus écologique étudié. En lien avec cette hypothèse, l’indice le plus utilisé est le Community Weighted Mean (CWM), qui constitue la moyenne des valeurs d’un trait au sein d’une communauté pondérée par les abondances relatives des espèces. Au contraire, les indices de diversité basés sur la variabilité d’un ou plusieurs traits renseignent sur la complémentarité/redondance fonctionnelle entre espèces. Ces indices de diversité peuvent être répartis en trois classes principales : la richesse, la régularité et la divergence (Magurran, 2013; Mason et al., 2005). Les indices calculés à partir d’un seul trait informent sur la variation de ce trait selon un gradient paysagé. Ils sont souvent considérés comme plus facilement interprétables qu’une réponse englobant plusieurs traits. Cependant un trait ne résume pas une communauté et apporte une vision très partielle de la diversité fonctionnelle. La prise en compte de plusieurs traits permet d’avoir une vision plus globale ; des traits peuvent être complémentaires et varier indépendamment les uns des autres.

C.3.1. LA MESURE DE LA RICHESSE

Dans le contexte fonctionnel, la richesse désigne la mesure liée au volume de la niche fonctionnelle occupé par les espèces dans la communauté (Mason et al., 2005) (FRic, Figure I-7.a). Pour les approches multi-traits, le volume est défini grâce au volume convexe de Hull (Cornwell et al., 2006) : c’est le plus petit volume qui inclut toutes les espèces considérées.

Il est attendu que la richesse fonctionnelle diminue quand l’intensité d’usage des sols croit (grande appropriation de l’énergie par l’homme), du fait d’un fort filtrage environnemental, diminuant également la complémentarité de niche (Mason et al., 2013; Pakeman, 2011).

Encadré 3 : Les paramètres de mesure de la diversité fonctionnelle.

La diversité fonctionnelle implique la compréhension des communautés et des écosystèmes en fonction du rôle des organismes et/ou de leur réponse aux facteurs biotiques et abiotiques, plutôt que de leur histoire évolutive. Des recherches plus récentes se sont portées sur les conséquences potentielles pour les processus écosystémiques : dans quelle mesure la valeur et la gamme de variation des traits des espèces influence le fonctionnement des écosystèmes ?

De nombreux indices ont été développés mais l’interprétation de tous reste conditionnée par trois questions :

- Quels traits ? Les estimations dépendent de la pertinence des traits utilisés (masse, surface foliaire, régime alimentaire, etc.) pour répondre à la question de recherche. - Combien de traits ? L’utilisation de nombreux traits améliore l’unicité

fonctionnelle mais peut augmenter la redondance. Des méthodes pour sélectionner le nombre opportun de traits sont en développement (Maire, 2015).

- Quels types ? Les valeurs de traits peuvent être continues ou catégorielles.

Un trait fonctionnel est une caractéristique mesurable à l’échelle d’un individu (Violle et al. 2007). Bien que plusieurs méthodes permettent d’intégrer la variabilité intraspécifique des traits au calcul de la diversité fonctionnelle (Taudière, 2016), le calcul des indices est généralement réalisé sur les valeurs de trait moyennées à l’espèce.

Les indices, pondérés ou non par l’abondance relative, se distinguent selon 3 types de métriques :

- Ceux basés directement sur la valeur des traits (CWM)

- Ceux basés sur les mesures de distance (Entropie quadratique de Rao Q) - Ceux basés sur un dendrogramme (FD de Petchey et Gaston)

C.3.2. LA MESURE DE LA REGULARITE

Initialement, la régularité est définie comme étant l’équitabilité dans l’abondance des taxons. La régularité fonctionnelle a été définie comme la régularité de la distribution des valeurs des traits dans l’espace fonctionnel, pondérées par l’abondance relative des espèces (Villéger et al., 2008) (FEve, Figure I-7.b). Une faible régularité fonctionnelle indique que certaines parties de l’espace sont sous-utilisées (avec de faibles abondances des espèces), c'est-à-dire que certaines valeurs de traits sont surreprésentées au sein de la communauté (Mason et al., 2005). Une forte régularité peut traduire l’occupation des différentes niches de l’écosystème étudié et la coexistence d’espèces aux caractéristiques complémentaires.

Ainsi, il est attendu que l’intensité d’usage des sols déstabilise l’écosystème, se traduisant par une diminution de la régularité fonctionnelle.

C.3.3. LA MESURE DE LA DIVERGENCE

La divergence représente l’écart des espèces aux valeurs moyennes des traits, pondérées ou non par les abondances relatives de ces espèces. Dans une approche multi-traits, la divergence est faible lorsque les espèces les plus abondantes ont des traits fonctionnels proches de la moyenne des caractères fonctionnels (FDiv, Figure I-7.c). Inversement, lorsque les espèces les plus abondantes ont des valeurs de traits fonctionnels extrêmes, la divergence est élevée (Villéger et al., 2008). Finalement, complémentaire à la divergence, la dispersion fonctionnelle (FDis, Figure I-7.d), développé par Laliberté & Legendre (2010), mesure l’écart moyen au centroïde de la communauté dans l’espace fonctionnel, pondéré par l’abondance relative des espèces.

Dans un contexte d’intensification, le déclin des abondances des espèces spécialistes (valeur de traits en queue de distribution), plus sensibles, peut diminuer cette divergence (Mason et al., 2013; Mouillot et al., 2013). Cependant, le filtrage environnemental peut s’effectuer de manière opposée et il ne subsisterait que des communautés avec des espèces particulières pour répondre à ce stress augmentant ainsi la divergence et la dispersion.

C.3.4. LA MESURE DU « MASS-RATIO »

Issus de la théorie « mass-ratio hypothesis » (Grime, 1998), les indices de moyenne pondérée à la communauté (Community Weighted Mean, CWM) sont liés à la valeur d’un trait moyen pondéré, par exemple l’affinité à la température, la spécialisation à l’habitat ou encore le niveau trophique. Alors que les précédents indices cités sont liés à

la structure de la communauté dans l’espace fonctionnel, le CWM reflète plutôt la valeur dominante d’un trait dans la communauté (Figure I-7.e).

Le CWM étant un indice univarié, le choix du trait nécessite des hypothèses fortes quant au lien de ce trait avec l’intensité du milieu. L’intensité étant liée à l’énergie et la NPP (à la base de la chaine trophique), des traits associés au régime et à la prise alimentaire (masse, taille, régime) constituent de bons candidats pour tester comment l’appropriation de la NPP peut affecter la disponibilité en ressources le long de la chaine trophique. L’énergie diminuant avec l’intensité, on peut s’attendre à des communautés en moyenne plus légère, c’est-à-dire composées relativement de plus d’individus d’espèces de masse, taille réduite, et avec un faible niveau trophique (Evans et al., 2005b). De plus, l’intensité pouvant altérer profondément la composition et la structuration d’un milieu, l’utilisation de traits associés à l’utilisation de l’habitat permettrait également de mieux comprendre la réponse des espèces à la modification ou perte de l’habitat. L’intensité étant plus importante en milieu agricole, on peut supposer des communautés spécialisées à ce type de milieu.

Figure I-7 : Illustration des facettes de la diversité fonctionnelle. Pour les indices relatifs à l’espace fonctionnel (a-d), seulement deux traits fonctionnels (axes des abscisses et des ordonnées) et dix espèces (points) sont représentés. Le diamètre des points est proportionnel à l’abondance des espèces. (a) Richesse fonctionnelle (Fric) : c’est le volume qui englobe l’ensemble des espèces dans l’espace fonctionnel. (b) Régularité fonctionnelle (FEve) : elle mesure la régularité des points et de leurs abondances selon la plus faible distance entre deux espèces (en pointillé). (c) Divergence fonctionnelle (FDiv) : c’est la déviation à la distance moyenne (cercle noir) du centre de gravité (carré orange). Plus les abondances sont grandes par rapport à la moyenne, plus la divergence fonctionnelle est grande. (d) Dispersion fonctionnelle (FDis) : c’est la somme du produit des abondances relatives et de la distance au centroïde (carré bleu), pondérée par l’abondance relative des espèces. (e) Moyenne pondérée de la communauté (CWM) : c’est la moyenne du trait, pondérée par les abondances relatives des espèces. Ici la communauté montre une dominance pour les petites valeurs du trait 1 ; des fréquences régulières indiquerait une non-dominance. Source : Villéger et al. (2008), Laliberté & Legendre (2010).

D. SOUTENIR LA BIODIVERSITE MALGRE L’INTENSITE D’USAGE