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C.1. L

ES SCIENCES PARTICIPATIVES ET

V

IGIE

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ATURE

Les sciences participatives, ou sciences citoyennes, désignent des « formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels – qu’il s’agisse d’individus ou de groupes – participent de façons active et délibérée » (François Houllier, directeur de l’INRA, 2016). La collaboration bénévole du public dans le cadre d’une démarche protocolée est aujourd’hui très utile (Bonney et al., 2009). Leur intérêt est multiple : l’obtention de données sur de vastes échelles spatio-temporelles à « faibles coûts », permettant d’améliorer l’état des connaissances, que ce soit en médecine, en astronomie ou en écologie du fait de cette importante force de travail et de compétences (Bonney et al., 2014). Processus de médiation scientifique privilégié, les sciences participatives rapprochent les citoyens, les éclairant sur les enjeux des sujets sur lesquels ils collaborent (Devictor et al., 2010c; Hochachka et al., 2012). L’étude de la biodiversité se prête particulièrement bien à ce système ; de nombreux programmes ont vu le jour depuis 1900 et le premier comptage des oiseaux à Noël aux Etats-Unis (Christmas bird count, Bock and Root (1981)). Ils permettent l’acquisition de nouvelles connaissances pour mieux comprendre les impacts des changements globaux (Balmford et al., 2005), mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes et mettre en lumière l’état et les tendances de la biodiversité à travers des indicateurs (Silvertown, 2009) pour servir d’appuis à des décisions politiques et mettre en place des mesures de gestions environnementales pertinentes et durables.

En France, la plateforme Vigie-Nature (http://vigienature.mnhn.fr/), fondée et portée par le Museum National d’Histoire Naturelle (MNHN), coordonne un grand nombre de programmes de sciences participatives. Initié il y a près de 30 ans avec le Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) développé en 1989, Vigie-Nature s’est ensuite déployé avec le suivi de nombreux taxons : les papillons (STERF, Opération Papillons), les insectes pollinisateurs (SPIPOLL), les orthoptères nocturnes (SON), les bourdons (Observatoire des Bourdons), les libellules (STELI), les chauves-souris (Vigie-Chiro), les escargots (Opération Escargots), ou encore les plantes terrestres ou aquatiques (Vigie-Flore, Sauvage de ma rue, BioLit) à l’échelle nationale. L’objectif scientifique premier est ainsi de produire, à partir de données standardisées collectées, des estimations des tendances temporelles des espèces communes à l’échelle nationale. L’emploi de programmes et technologies souvent innovantes est pensé selon un double objectif

d’attractivité et d’adhésion des participants, à travers des protocoles simples et rigoureux. Ces participants étant, quel que soit leur âge, simplement des curieux de nature novices, des naturalistes confirmés ou des professionnels (gestionnaires d’espaces verts ou agriculteurs) (Domroese and Johnson, 2017; Rotman et al., 2012).

Cette thèse s’appuie donc sur les avantages procurés par cet essentiel travail bénévole concernant des programmes de sciences participatives (Vigie-Nature) sur deux taxons utilisés comme indicateurs d’état de la biodiversité au niveau national (Observatoire National de la Biodiversité, 2018), du fait de la couverture spatiale, temporelle et taxonomique des suivis : les oiseaux communs nicheurs via le STOC-EPS et les chiroptères via Vigie-Chiro. Ces deux groupes de vertébrés volants chez lesquels de nombreuses espèces sont en déclin fournissent des services écosystémiques importants (Kunz et al., 2011; Whelan et al., 2008).

C.2. L

E PROGRAMME

V

IGIE

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HIRO

Vigie-Chiro est un programme dont le but est de suivre les populations de chauve-souris en France. En effet, les connaissances des tendances temporelles des (34) espèces en France étaient lacunaires en particulier pour les espèces communes, alors même qu’elles reflètent l’état d’autres taxons du fait de leur position au niveau supérieur des réseaux trophiques, et qu’elles contribuent largement au fonctionnement des écosystèmes. Vigie-Chiro propose ainsi un suivi acoustique des chiroptères lors de leurs déplacements et activités de chasse selon des enregistrements standardisés (même lieux, périodes et détectabilité). Les cris ultrasonores des chauves-souris leur servent à s’orienter et à détecter les proies.

Trois protocoles complémentaires ont été mis en place pour suivre les tendances temporelles des chiroptères communs au niveau national : pédestre, routier et point fixe. Les protocoles routiers et pédestres ont été lancés dès 2006 à l’échelle nationale à un moment où le stockage des données de type sonore était relativement limité, contraignant ainsi la durée des enregistrements par site à quelques minutes. Le protocole Point Fixe, quant à lui, a été développé plus récemment (2014) pour prendre en compte et optimiser de nouveaux types d’enregistrements (nuits entières) rendus possibles grâce au développement récent de la technologie (détecteurs-enregistreurs autonomes comme le SM2BAT) et les attentes des volontaires. Vigie-Chiro a en parallèle développé des outils d’aide à l’identification assistée par ordinateur via le logiciel Tadarida qui associe un

indice de confiance à l’identification de chaque espèce à partir des signaux ultrasonores (Bas et al., 2017). Ce dernier protocole augmente nettement la probabilité de détection des espèces puisqu’il permet de suivre des espèces à plus faible rayon de détection et dont l’activité se prolonge tout au long de la nuit.

Simple d’utilisation, le protocole Point Fixe nécessite d’être reconduit à l’identique d’une année sur l’autre, comme les autres protocoles Vigie-Chiro, pour établir la dynamique temporelle de l’activité nocturne. Dans un carré de 2x2km attribué aléatoirement par le MNHN, les observateurs choisissent ensuite jusqu’à 10 points d’enregistrement dont 3 sont proposés par le MNHN (respect à 25m près maximum) suivant une grille systématique. Deux nuits d’enregistrements, de 30min avant le coucher du soleil jusqu’à 30min après le lever, sont à réaliser chaque année, la première entre le 15 juin et le 31 juillet, la seconde entre le 15 août et le 31 septembre. Ces périodes correspondent au pic des populations d’insectes et donc d’activités de chasse ; en effet, les chauves-souris métropolitaines sont toutes insectivores. Les dates de passages doivent être respectées d’une année sur l’autre (à ±10jours). Les habitats doivent être décrits pour chaque site échantillonné et enfin, la date, l’heure et les conditions météorologiques doivent être renseignées suivant la typologie Vigie-Chiro. Dans un souci d’efficacité et d’homogénéité, la pose des détecteurs ne se fait qu’en l’absence de pluie, si le vent ne dépasse pas 30km/h et si la température en début de nuit est relativement douce. Le protocole ne permet pas d’identifier individuellement chaque chauve-souris à partir des cris, mais fournit une estimation de l’activité (de chasse) à travers le nombre de passages spécifiques. Un passage est ici défini comme l’occurrence d’un ou plusieurs cris dans un intervalle de 5 secondes. L’activité donne ainsi une estimation de l’abondance relative des espèces, reflétant la qualité de l’habitat sur le plan des ressources alimentaires.

C.3. L

E PROGRAMME

V

IGIE

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LUME

Vigie-Plume regroupe plusieurs programmes standardisés de suivis des populations d’oiseaux, via le marquage (STOC-Capture) ou l’écoute active (STOC-EPS, SHOC…). Parmi ces programmes, j’ai choisi de me focaliser sur les données du Suivi Temporel des Oiseaux Communs par Echantillonnages Ponctuels Simples (STOC-EPS), en raison de sa couverture spatiale, du nombre de points (n > 1500) et d’espèces échantillonnés (n>200). Développé pour évaluer les tendances temporelles des effectifs des espèces communes nicheuses à l’échelle nationale, le programme est basé un plan d’échantillonnage aléatoire

de manière à ce que les données collectées soient représentatives de l’ensemble du territoire (et donc des principaux milieux), tout comme les protocoles Vigie-Chiro.

L’observateur bénévole se voit ici attribuer aléatoirement un carré de 2x2km proche d’un lieu de son choix, ainsi qu’un carré de remplacement. Dans ce carré, 10 points de comptage sont répartis de manière homogène proportionnellement aux habitats présents. Chaque point fait l’objet de 2 relevés de 5 minutes exactement, chaque printemps en période de nidification, à 4 semaines d’intervalle autour de la date du 8 mai (pour faire face au réchauffement climatique, des relevés précoces, entre le 1er et le 31 mars peuvent être effectués, mais en respectant 4 semaines avant le second passage d’avril). Durant ces sessions de 5min, tous les oiseaux entendus et vus, posés ou en vol, sont comptabilisés et notés dans un rayon de 200m, et un relevé d’habitat est réalisé. Les relevés doivent être effectués entre 1 et 4h après le lever du soleil, selon la contrainte de conditions météorologiques favorables. De manière similaire au protocole Vigie-Chiro, les relevés doivent être effectués tous les ans, au même endroit, par le même observateur et, dans la mesure du possible, aux mêmes dates, heures et ordre des points. Ensuite, le nombre maximal d’espèce entre les 2 comptages par point d’écoute est sélectionné, et la somme des comptages par espèce de ces 10 points d’écoute est effectuée pour obtenir l’abondance relative des espèces au sein du carré.

D. APPROCHES TAXONOMIQUE ET FONCTIONNELLE DE LA