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STRUCTURE DES EXPORTATIONS DU CCG FACE AU CONCEPT DE SOLIDARITÉ ARABE

LES POLITIQUES COMMERCIALES DU CONSEIL DE COOPÉRATION DU GOLFE ET LA SOLIDARITÉ ARABE

4.2 STRUCTURE DES EXPORTATIONS DU CCG FACE AU CONCEPT DE SOLIDARITÉ ARABE

En termes absolus, les exportations du CCG restent relativement stables entre 1975 et 2001. Cependant, lorsque l’on observe plus attentivement le graphique 2, il est possible de remarquer que les exportations de marchandise du CCG passe de 50,17 milliards en 1975 à 160,2 milliards en 2001. Il s’agit d’une augmentation substantielle. Par contre, à partir du début des années 2000, les exportations de marchandise du CCG explosent. On peut constater une augmentation exponentielle qui atteint un sommet en 2013 lorsque ces dernières s’élevaient à 1085,1 milliards. En fait, même si les exportations du Conseil de Coopération du Golfe ont triplé sur une période de 27 ans (entre 1975 et 2001), entre 2002 et 2013 elles ont été plus que sextuplé. De plus, La chute des exportations enregistrée à partir de 2014 s’inscrit dans le contexte d’une hausse de la production américaine, notamment de gaz de schiste, ainsi que dans le contexte de la levée des sanctions iraniennes362.

362 BEZAT, Jean-Michel, « L’OPEP refuse de réduire sa production, les cours chutent », Le Monde, 1 décembre 2014

Graphique 2

Exportations de marchandise du CCG (US$ courant)

Nonobstant cette baisse, entre 2002 et 2016, les exportations du Golfe ont tout de même triplé au cours de cette période. Bref, en décortiquant les différents partenaires économiques du CCG, il sera possible d’établir si l’augmentation marquée des exportations des pétromonarchies s’établie dans un cadre d’intégration régionale.

Lorsque l’on observe les exportations du CCG vers les économies du monde arabe (graphique 3), c’est-à-dire les États membres de la Ligue des États arabes, on peut constater qu’en moyenne, entre 1975 et 2015, les États rentiers du Golfe exportent 9,8 % de leurs marchandises vers le monde arabe. D’ailleurs, il est possible d’observer une forte augmentation des échanges infrarégionaux, atteignant un sommet à 19 %, qui semble liée au conflit opposant l’Irak et l’Iran (1980-1988) ainsi que la guerre du Koweït ou guerre du Golfe (1990-1991). Cependant, il est important de noter que le regroupement « monde arabe » comprend les producteurs de pétrole moyen-orientaux. L’agrégat « monde arabe » regroupe l’ensemble des pays membres de la Ligue des États arabes. Ainsi, ce graphique prend en considération les échanges entre les membres du CCG.

Source : Banque Mondiale

Graphique 3

Exportations de marchandise du CCG vers les économies du monde arabe (% des exportations totales de marchandise)

De ce fait, lorsque l’on exclut les États à haut revenu (États rentiers), on peut constater que la part du volume total des exportations du CCG qui est dirigé au commerce interarabe est minime (graphique 4). En effet, pour l’ensemble de la période analysée, il est possible de remarquer une croissance des exportations du CCG vers les économies à faible et moyen revenu de la région de seulement 4,6 % entre 1975 et 2015, passant de 1,8 % en 1975 à 6,4 % en 2015. Ainsi, lorsque les économies à revenu élevé sont écartées de l’analyse la part du total des exportations du CCG qui vise le Moyen-Orient n’est qu’en moyenne que de 3,2 %, atteignant un sommet en 2015 à 6,4 %.

En gardant à l’esprit l’augmentation exponentielle des exportations des pétromonarchies du Golfe en termes absolus, la faible augmentation des exportations qui se dirigent vers les pays à faible et moyen revenu dans l’espace moyen-oriental (en termes relatifs) signale plutôt que les pays producteurs de pétrole négligent les échanges inter-arabes.

Ce constat vient souligner l’idée de l’instrumentalisation du mythe de la solidarité arabe par les États rentiers, car il est possible de noter l’insignifiance du commerce panarabe lorsque

Source : Banque Mondiale

Graphique 4

Exportations du CCG vers les économies à faible et moyen revenu du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord

les échanges intra CCG sont exclue, et ce, malgré le fait que CCG proclame que la rente pétrolière est au service du développement économique de la région au nom de la solidarité arabe.

De plus, comment mentionné précédemment, l’économie d’un État rentier ou d’allocation est dépendante du revenu soutiré de la rente extérieure, créant une désintégration du secteur manufacturier par la concentration du capital dans les secteurs rentiers à profits élevés (hydrocarbures). Au niveau des politiques commerciales, ce trait caractéristique des États rentiers du Golfe suggère que les principaux partenaires commerciaux du CCG devraient être les pays industrialisés, qui sont de grands consommateurs d’énergie. Dans cet esprit, le graphique 5 nous démontre que les exportations du CCG se dirigent majoritairement vers les économies à revenu élevé, ou en d’autres termes, vers les pays industrialisés comprenant les États-Unis et l’Europe. Entre 1975 et 2015, les économies à revenu élevé ont été les destinataires, d’en moyenne, 66,2 % du volume total des exportations des États rentiers du CCG.

Source : Banque Mondiale

Graphique 5

Exportations du CCG vers les économies à revenu élevé (% des exportations totales de marchandise)

Les graphiques 4 et 5 viennent consolider l’hypothèse qui prétend que la solidarité arabe n’est pas un facteur influençant les exportations des États rentiers du Conseil de Coopération du Golfe.

Cependant, il est nécessaire de souligner que la part du volume total des exportations du CCG qui vise les économies à haut revenu tend à diminuer avec les années, passant de 86,2 % en 1975 à 45,3 % en 2015.

De plus cette diminution s’inscrit simultanément à l’augmentation colossale du total des exportations du CCG exprimé en dollars américains courants démontré par le graphique 2. Cette diminution des exportations vers les économies à revenu élevé, qui s’accélère à partir de 2001, prend donc une ampleur considérable si l’on considère que sur la même période (entre 2001 et 2015), le total des exportations du Golfe en termes absolus a quadruplé, passant de 160,2 milliards, pour grimper jusqu’à 1085 milliards en 2013 et ensuite redescendre à 655 milliards en 2015. Cette diminution en termes relatifs face à l’augmentation notable en terme absolus s’explique principalement par le développement économique de la Chine et de l’Inde. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la consommation d’énergie à l’échelle planétaire fit un bond de 20 % entre 2000 et 2006 et la Chine fut responsable à elle seule de 45 % de l'augmentation de l'utilisation mondiale d'énergie sur cette période363. De plus, dans son rapport annuel de 2007, l’AIE prévoyait

qu’en 2025, les importations chinoises d’hydrocarbures provenant du CCG atteindraient un niveau trois fois supérieur à celui des États-Unis364.

363 INTERNATIONAL ENERGY AGENCY, World Energy Outlook 2007 : China and India insights, IEA, 2007, p.57

Lorsque l’on observe plus précisément les exportations du CCG vers l’Asie de l’Est et du Pacifique (graphique 6), comprenant la Mongolie, la Chine, Taïwan, la Corée du Sud, et le Japon, il est possible d’observer le repositionnement des exportations du CCG vers l’Asie en lien avec la forte augmentation de la consommation chinoise d’énergie.

De plus, il est possible de remarquer une forte intensification des exportations du CCG vers l’Asie de l’Est et du Pacifique à partir de 1999. Entre 1975 et 1998, la moyenne des exportations du CCG vers la région se situe à 3,4 % pour grimper à 13,9 % entre 1999 et 2015. On peut d’ailleurs observer un bond de 6,7 % entre 1998 et 1999 lorsque le volume des exportations passe de 5,8 % à 12,5 %. Sur les 41 années analysées, le volume des exportations passe de 5,3% en 1975 à 18,2% en 2015.

Du côté de l’Asie du Sud (comprenant le Bhoutan, le Bangladesh, les Maldives, le Népal, le Sri Lanka, le Pakistan et l’Inde), il est possible de noter sur la graphique 7 une forte augmentation des exportations du CCG à partir de 2005. D’ailleurs l’AIE estime que la demande d’énergie indienne devrait avoir plus que doublé d’ici 2030, avec une

Source : Banque Mondiale

Graphique 6

Exportations du CCG vers les économies à faible et moyen revenu en Asie de l’Est et du Pacifique

augmentation annuelle moyenne de 3,6 %365. De plus, les importations nettes de pétrole de

l’Inde devraient enregistrer une croissance constante de 6 Mb/j jusqu’en 2030, de façon à ce que l'Inde dépasse le Japon pour devenir le troisième importateur net de pétrole au monde, après les États-Unis et la Chine366.

Ce repositionnement des exportations du CCG est encore plus évident lorsque l’on observe le volume des exportations de marchandise vers des régions comme l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine et l’Europe et Asie centrale. En effet, en analysant le graphique 8, il est possible de remarquer que les exportations du CCG vers l’Europe et l’Asie centrale reste constante sur la période analysée.

À partir du démantèlement du bloc soviétique en décembre 1991, le volume des exportations des États rentiers du Golfe vers la région se situe en moyenne à 0,6 % entre 1975 et 2015. On peut constater une croissance entre 1992 et 1997 pour atteindre un sommet à 1 %, pour ensuite distinguer une décroissance des échanges qui se maintiendront

365 INTERNATIONAL ENERGY AGENCY, World Energy Outlook 2007 : China and India insights, 2007, paris IEA, p.46

366 INTERNATIONAL ENERGY AGENCY, World Energy Outlook 2007 : China and India insights, 2007, paris IEA, p.46

Source : Banque Mondiale

Graphique 7

Exportations du CCG vers les économies à faible et moyen revenu de l’Asie du Sud (% des exportations totales de marchandise)

ensuite approximativement à la moyenne de 0,6 % entre 1999 et 2015. Face à l’augmentation rapide des exportations du CCG vers les marchés en émergence comme la Chine et l’Inde, les données sur les 24 années disponibles nous démontrent que le commerce entre le CCG et l’Europe et l’Asie centrale ne représente qu’une maigre part du volume total des exportations du CCG.

Une situation identique se manifeste lorsque l’on examine la relation commerciale entre les États rentiers du CCG et l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine. En effet, sur les 41 années analysées, le graphique 9 nous démontre que la part du commerce extérieur du CCG visant l’Afrique subsaharienne entre 1975 et 2015 s’avoisine à la moyenne de 1,8 % pour la plupart des années analysées, outre un creux entre 1988 et 1995.

Graphique 8

Exportations du CCG vers les économies à faible et moyen revenu de l’Europe et Asie centrale

(% des exportations totales de marchandise)

Le graphique 10 démontre la faiblesse des exportations du CCG vers la région de l’Amérique latine et les Caraïbes, qui tendent à diminuer simultanément à l’augmentation de la demande en énergie de la Chine et l’Inde, passant de 2,3% en 1975 pour descendre jusqu’à 0,8% en 2015. Cette situation vient solidifier le postulat du repositionnement des exportations du CCG vers l’Asie.

Graphique 9

Exportations du CCG vers les économies à faible et moyen revenu de l’Afrique subsaharienne

(% des exportations totales de marchandise)

Source : Banque Mondiale

Graphique 10

Exportations du CCG vers les économies à faible et moyen revenu en Amérique latine et Caraïbes

(% des exportations totales de marchandise)

Bref, les graphiques 4, 8, 9, 10 exposent que les exportations du CCG ignorent les régions à revenu faible et moyen revenu du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de l’Europe et Asie centrale, de l’Afrique subsaharienne et de l’Amérique latine. De plus, la stabilité relative du faible volume des exportations du CCG vers ses régions est encore plus dérisoire lorsque l’on considère la hausse fulgurante des exportations des pétromonarchies du Golfe exprimé en dollars américains constants (graphique 2). La plus grosse part du commerce extérieur du CCG se concentre plutôt vers les pays à revenu élevé comprenant les États-Unis et l’Europe, et à partir du tournant des années 2000, vers l’Asie du Sud et de l’Est principalement par la forte augmentation de la demande chinoise et indienne en énergie.

4.3 LA STRUCTURE DES IMPORTATIONS DU CCG FACE AU CONCEPT DE