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L’ÉMERGE DE LA SOLIDARITÉ ARABE ET SON INSTITUTIONNALISATION AU SEIN DE LA LIGUE DES ÉTATS ARABES

2.3 LA SOLIDARITÉ ARABE SOUS LA LIGUE DES ÉTATS ARABES

2.3.1 L’institutionnalisation économique de la solidarité arabe

2.3.1.3 Le Marché Commun Arabe

Le 13 août 1964, sous l’auspice de la LÉA, le Marché Commun Arabe voit le jour. Cette décision est en fait une alternative à l’intégration intégrale entre les pays membres proposés par l’Accord d’Unité Économique entre les États de la Ligue Arabe en 1957. En fait, « l’institution du marché commun arabe (MCA) constitue un pas en arrière par rapport à l’ambitieux projet d’union économique, puisqu’il se limite à créer une zone de libre- échange et à tenter de créer une union douanière »250.

La création de la zone de libre-échange repose sur la décision 17/D2/C6, datant de 1964, qui propose un programme de libéralisation des échanges entre les pays membres par une réduction annuelle des barrières tarifaires et par l’abolition des restrictions quantitatives. De

248LIGUE DES ÉTATS ARABES, Accord d’Unité Économique entre les États de la Ligue Arabe, Secrétariat général, 1957, p.7

249 HADRI, Mohiedinne, « La Grande Zone Arabe de Libre-Échange », p.7 250 HADRI, Mohiedinne, « La Grande Zone Arabe de Libre-Échange », p.9

plus, l’article 3 souligne l’interdiction d’instaurer de nouvelles mesures en ce qui à trait aux droits de douane, de contingentements ainsi que taxes diverses. L’article 7, lui, établit un contrôle rigoureux des activités de réexportations. Il est important de noter que ce programme de libéralisation des échanges ne fut appliqué que par l’Égypte, l’Irak, la Jordanie et la Syrie. Ainsi, le Marché Commun Arabe n’a eu qu’un faible impact sur les échanges économiques interarabes251.

Une fois la zone de libre-échange achevée, le Conseil de l’unité économique arabe, créé par L’Accord d’Unité Économique entre les États de la Ligue Arabe, prévoyait l’établissement d’une union douanière par la mise en place de diverses structures :

Le Conseil s’y est préparé en adoptant une nomenclature douanière commune, en mettant au point une administration douanière unifiée et en recherchant une formule d’élaboration d’un tarif extérieur commun. Mais peu de progrès ont été réalisés dans la recherche d’une fusion des tarifs douaniers des pays arabes vis- à-vis des tiers252.

Tout compte fait, le Marché Commun Arabe fut un échec. Pour des raisons d’ordre politiques et économiques, les structures d’intégrations interarabes élaborées dans le cadre de l’accord n’ont eu qu’une faible incidence sur le volume du commerce intrarégional253.

Cette période coïncide avec la montée en puissance des pétromonarchies du Golfe, qui ont beaucoup à gagner par une plus grande insertion aux grandes dynamiques libérales de la mondialisation et donc de délaisser les projets d’intégration économique dans la région254.

D’ailleurs, vers la fin des années 1960, l’Organisation Arabe du Travail propose un traité pour la migration de main-d'œuvre interarabe. Ce traité donne aux travailleurs arabes le droit de se déplacer librement vers le pays d'accueil et lui assure les mêmes droits que ce pays donne à sa propre main-d'œuvre. Seulement six pays arabes ont ratifié ce traité et, évidemment, aucun pays du Golfe ne s’est montré intéressé par ce traité. Le traité vient

251 HADRI, Mohiedinne, « La Grande Zone Arabe de Libre-Échange », p.9 252 HADRI, Mohiedinne, « La Grande Zone Arabe de Libre-Échange », p.9 253 HADRI, Mohiedinne, « La Grande Zone Arabe de Libre-Échange », p.9

254 AL-YOUSIF, Yousif Khalifa, « Oil Economies and globalization : The Case of the GCC Countries », Middle Eastern and North African Economies, Volume 6, Middle East Economic Association and Loyola University Chicago, September, 2004.

remettre en question les structures macroéconomiques de l’État rentier en accord aux travailleurs migrants les mêmes avantages rentiers réservés aux nationaux. Cet exemple illustre bien le paradoxe du marché du travail des États rentier. Bref, la montée en puissance des pays du CCG leur permettra d’influencer l’agenda de l’intégration arabe. 2.3.1.4 L’Accord établissant le Fonds Arabe pour le Développement Économique et

Social

Vers la fin des années 1960, avec une augmentation constante des revenus pétroliers s’installe l’idée de l’utilisation de la rente pétrolière dans la création de fonds visant un transfert d’aide des pays riches (producteurs de pétrole) vers les pays plus pauvres de la région255. Le premier fond de ce type fut le Fonds Arabe pour le Développement

Économique et Social échafaudé par l’Accord établissant le Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social, signé en 1968256. D’après le préambule de l’accord,

les signataires s’affirment désireux de construire l’économie arabe sur de solides bases afin d’atteindre les objectifs d’unité. L’Article 2 stipule que le fonds, dont les bureaux principaux sont situés à Koweït (ville), a pour objectif le financement des projets de développement économique et social des États arabes. Ce financement se fait principalement à travers des prêts à conditions favorables aux institutions publiques et gouvernements de l’espace arabo-musulman. De plus, l’article 2.3 souligne que le fonds peut prendre part au capital de sociétés à travers le capital-investissement. L’article 2.5 souligne que ces investissements se feront de façon à encourager l'investissement directement, ou indirectement, des capitaux d'une manière propice au développement et à la croissance de l'économie arabe257. Le capital du fonds est constitué de 200 001 parts d’une

valeur individuelle de 10 000 Dinars koweïtiens. Lorsque l’on observe la participation au capital du fonds, on constate que les États rentiers de la péninsule arabique sont les principaux pourvoyeurs de capitaux. En effet, 49,6 % des capitaux proviennent de l’Arabie Saoudite et du Koweït et lorsque l’on regroupe les parts des six membres du Conseil de Coopération du Golfe (l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Qatar, les Émirats Arabes Unis,

255SALAMÉ, Ghassan, « Integration in the Arab World : Institutional framework », p.263 256 LIGUE DES ÉTATS ARABES, Accord établissant le Fond Arabe pour le Développement

Économique et Social, Secrétariat général, 1968, p.1

257LIGUE DES ÉTATS ARABES, Accord établissant le Fond Arabe pour le Développement Économique et Social, Secrétariat général, 1968, p.4

Bahreïn et Oman) on observe que ces pétromonarchies sont la source de 57,8 % des capitaux du Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social258. Dans la foulée

du choc pétrolier de 1973, on voit émerger l’idée d’un transfert de capitaux arabes provenant des États rentiers riches vers les États pauvres de la région. En d’autres termes, dans leur participation au fonds les membres du CCG s’engagent dans l’utilisation de la rente pétrolière, et ce, afin d’atteindre l’intégration et le développement économique arabe. 2.3.1.5 L’Accord sur le Fonds Monétaire Arabe

Dans cet esprit, le Fonds Monétaire Arabe (FMA) est créé en 1976. Par la création de ce fonds, les 22 États signataires se montrent désireux de poser les bases monétaires de l'intégration économique arabe pour accélérer le processus de développement économique dans l’ensemble des pays arabes259. Les objectifs du FMA soulignent la volonté des États

arabes de corriger les déficits de la balance des paiements de certains États, de stabiliser les taux de change, d'encourager la coopération monétaire entre les pays arabes et de permettre la création d'une monnaie commune arabe, le Dinar260. À cet égard, l’Article 6 de l’Accord

sur le Fonds Monétaire Arabe demande la complète coopération des États membres dans la réduction des restrictions sur les paiements courants entre les États membres et les restrictions aux transferts de capitaux et au transfert de bénéfices en vue de l'élimination totale desdites restrictions. L’Article 6 demande aussi aux États membres de déployer tous les efforts nécessaires afin de parvenir au degré nécessaire de coordination entre les différentes politiques économiques arabes, notamment financières et monétaires, de manière à contribuer à l'intégration économique arabe et à contribuer à créer les conditions nécessaires à l'établissement d'une monnaie arabe unifiée261. Donc, le Fonds Arabe pour le

Développement Économique et Social ainsi que le Fonds Monétaire Arabe se présentent comme deux institutions créées de façon à permettre un transfert de la rente pétrolière des

258 LIGUE DES ÉTATS ARABES, Accord établissant le Fond Arabe pour le Développement Économique et Social, Secrétariat général, 1968, p.5

259 LIGUE DES ÉTATS ARABES, Accord établissant le Fond Monétaire Arabe, Secrétariat général, 1976, p.6

260SALAMÉ, Ghassan, « Integration in the Arab World : Institutional framework », p.264 261 LIGUE DES ÉTATS ARABES, Accord établissant le Fond Monétaire Arabe, Secrétariat

pays les plus riches vers les pays du monde arabe en difficulté, et ce, de façon à assurer la survie des structures macroéconomique de l’État rentier.