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LA GÉOPOLITIQUE DE L’INTÉGRATION ARABE : LES INSTITUTIONS ALTERNATIVES

3.2 LES INSTITUTIONS AU CŒUR D’UN SYSTÈME D’INFLUENCE ALTERNATIF

3.2.3 Le Conseil de Coopération du Golfe

Le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) est créé le 25 mai 1981 sous l’impulsion des États-Unis et de l’Arabie Saoudite face à la montée en puissance de l’Iran khomeyniste et du baathisme irakien, qui s’affrontent lors de la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988336. Le

334 UNCTAD, « La Banque Islamique de Développement lace une initiative sur les capacités commerciales avec le soutien de la CNUCED et de quatre autres organismes des Nations Unies », [en ligne], 2012, http://unctad.org/fr/Pages/PressRelease.aspx?OriginalVersionID=52 335 UNCTAD, « La Banque Islamique de Développement lace une initiative sur les capacités

commerciales avec le soutien de la CNUCED et de quatre autres organismes des Nations Unies ».

336 BALANCHE, Fabrice, « Le Conseil de coopération du Golfe, moteur régional », Géopolitique du Moyen-Orient, p.20

Conseil de Coopération du Golfe « a pour objectif d’assurer la stabilité politique et économique de la principale région productrice d’hydrocarbures du monde »337. Ainsi, le

volet économique vient directement compléter l’alliance à dimension politico-militaire de ces membres.

Évidemment, la constitution du CCG s’insère dans un contexte géopolitique particulier. Comme mentionné précédemment, le CCG est créé dans le contexte de la crainte de l’exportation de la révolution islamique iranienne, qui appelle au renversement des monarchies « vassales de l’Amérique »338, pendant la guerre entre l’Irak et l’Iran (1980-

1988). Ce conflit expose la rivalité historique entre Arabes et Perses, le contrôle stratégique du Chatt-el-Arab, mais plus particulièrement une lutte pour l’hégémonie régionale339.

Ainsi, en regroupant les six pétromonarchies du Golfe, le CCG permet de répondre à l’impératif d’établir une stratégie multifacette. D’une part, l’alliance permet de constituer une sphère d’influence qui freine l’avancé de l’Iran au Moyen-Orient. D’autre part, en additionnant les atouts énergétiques (rente pétrolière) et une arme idéologique (wahhabisme et panislamisme), le CCG peut s’assurer des leviers diplomatiques et économiques qui assurent la survie des régimes en place et de leur influence régionale. Ainsi, l’aspect économique (rente pétrolière) devient fondamental dans la création d’une sphère d’influence régionale, voire internationale.

L’édifice économique du CCG repose sur l’idée d’un marché commun du Golfe, motivé par la grande complémentarité idéologique et économique des pays membres. La Convention économique unifiée, signée à Ryiad le 11 novembre 1981, établit l’intégration économique des six pétromonarchies du Golfe. La Convention a comme objectif de stimuler les échanges économiques intra-zone par l’exemption des tarifs douaniers et autres taxes similaires. Le texte souligne aussi l’importance de la libre circulation des personnes et le libre exercice professionnel. La Convention établit aussi l’importance de la coopération

337 BALANCHE, Fabrice, « Le Conseil de coopération du Golfe, moteur régional », Géopolitique du Moyen-Orient, p.20

338 THERME, Clément, « La nouvelle guerre froide entre l’Iran et l’Arabie Saoudite au Moyen- Orient », Confluences Méditerranée, n°88, 2014, p.115

339 NANA NGASSAM, Rodrigue, « La relation Iran-Arabie Saoudite face aux crises sans frontières au Moyen-Orient », p.15

technique ainsi que dans les domaines du transport et des communications. De plus, elle insiste sur l’importance de la coordination de la planification de la production pétrolière et industrielle afin de solidifier la complémentarité des États membres340.

Au plan géopolitique, le Conseil réussi à projeter l’image d’une organisation régionale unie capable d’entreprendre une politique étrangère concertée notamment par la signature d’accords bilatéraux avec la Chine, l’Inde, l’Union Européenne ainsi qu’avec le Mercosur341. Ce succès relatif s’explique principalement par leur grande similitude, que ce

soit au niveau du tissu social, des institutions politiques et de l’idéologie. Salamé va même jusqu’à émettre que la création du Conseil de Coopération du Golfe exprime aussi un sentiment de vulnérabilité que les six pétromonarchies partagent face aux États de production voisins plus pauvres, densément peuplés et politiquement actifs342.

Le CCG peut être considéré comme le groupe sous-régional le plus influent et le plus performant, et ce, principalement grâce à l’évolution de l’économie politique régionale depuis les années 1970. La révolution des prix du pétrole semblait pouvoir supprimer le goulot d'étranglement engendré par un manque de capitaux, un facteur déjà souligné par les économistes de l’École développementale343. Le flux massif de revenus pétroliers à partir

de 1973 laisse croire que cette nouvelle richesse pourrait propulser l’ensemble de la région arabe vers une nouvelle période de progrès à travers une nouvelle structure de relations économiques ainsi qu’une nouvelle redistribution des ressources financières et humaines344.

Dans son préambule, la Charte du CCG affirme la conviction que la coordination, la coopération et l’intégration entre les États membres servent les objectifs sublimes de la nation arabe345. En ce sens, le premier secrétaire général du CCG, Abdallah Bishara, tient à

affirmer le rôle central que jouera le CCG dans l’atteinte de l’unité arabe dans quelques articles parus dans la publication trimestrielle du CCG (At-Ta’awun). Ainsi, les États

340 HADRI, Mohiedinne, « La Grande Zone Arabe de Libre-Échange », p.15

341 FERABOLLI, Silvia, Arab Regionalism : A Post-Structural Perspective, Routledge, p.88 342SALAMÉ, Ghassan, « Integration in the Arab World : Institutional Framework », p.271 343 ALNASRAWI, Abbas, Arab Nationalism, Oil, and the Political Economy of Dependency, p.

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344 ALNASRAWI, Abbas, Arab Nationalism, Oil, and the Political Economy of Dependency, p.100 345 CONSEIL DE COOPÉRATION DU GOLFE, Charte du Conseil de Coopération du Golfe,

membres du CCG s'éloignent de leur statut relativement périphérique dans le monde arabe pour jouer un rôle clé dans la politique moyen-orientale par l’entremise de leur puissance financière. Le Conseil de Coopération du Golfe devient donc le moteur économique et idéologique régional.