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2.4.2 Une structure adaptative et qui mêle territoires et thématiques d’action depuis l’origine

Dans le document To manage and militate. (Page 102-104)

PARTIE I : ENTREPRENDRE AUTREMENT ?

Chapitre 2 : PRESENTATION DES MATERIAUX DE RECHERCHE

I.II. 2.4.2 Une structure adaptative et qui mêle territoires et thématiques d’action depuis l’origine

Le développement est réel, tant au plan des territoires que des domaines d’activités ce qui conduit Pierre Mauroy devenu Secrétaire général en 1958 à rechercher la reconnaissance d’utilité publique de la fédération. Cette reconnaissance nécessite des modifications statutaires et une organisation plus rigoureuse pour diriger et rendre des comptes à l’autorité publique117. Nous allons voir qu’à de nombreuses reprises la Fédération va se réorganiser pour faire face à son développement, s’adapter à un contexte qu’elle juge souvent menaçant mais également, selon nous, pour permettre aux différents responsables dirigeants de développer leur leadership sur des territoires ou des domaines d’activités différents en fonction de leurs motivations et compétences propres.

En 1970 l’heure est venue « de faire le bilan de 18 ans d’expansion, de dégager les grandes lignes de notre adaptation à un contexte général qui s’est profondément modifié.118 » « Elle est [la fédération] maintenant un ensemble très diversifié qui ne peut trouver son équilibre que dans un cadre fédéral assurant à chaque composante son autonomie dans la conception et la réalisation des activités.119 » Le congrès de 1972 sera amené à se prononcer sur une organisation en huit secteurs bénéficiant d’une large autonomie, souvent même au plan juridique : une Union des clubs et foyers Léo Lagrange, une association pour la gestion des équipements socio-éducatifs, un institut d’éducation permanente, une association en charge de tout le secteur des vacances, une association spécialisée sur les activités internationales, une commission des sports, une société d’éditions et une section qui rassemblera les associations qui souhaitent s’affilier. Dans ce nouveau cadre la Fédération Nationale redéfinit ses missions : « Il importera dans ces structures nouvelles, de maintenir la permanence de notre idéal et de notre esprit

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Notre projet éducatif, document de présentation de la Fédération Léo Lagrange, Paris, avril 2000, p.36.

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La reconnaissance d’utilité publique (RUP) sera obtenue par décret le 8 janvier 1958. 118

Circulaire N° 96 de la Fédération Nationale des Clubs de Loisirs Léo Lagrange, signée de Maurice Deixonne et de Pierre Mauroy, président et secrétaire général, 26 janvier 1970, p.1. 119

communautaire120, une coordination efficace, une formation homogène de nos animateurs et directeurs, une représentation extérieure attachante. Là sera la première et importante mission de la Fédération Nationale Léo Lagrange. […] Sur le plan technique la Fédération Nationale mettra en place et gèrera les organismes nécessaires, […] prévoira les amortissements […] coordonnera la comptabilité [permettant] à chaque secteur […] l’analyse de sa marche et de ses résultats, marche et résultats dont il demeure entièrement responsable. 121» Cette politique de décentralisation qui sera renouvelée, au plan territorial cette fois, en 1977 par la création de grandes régions et en 1982 par un nouveau découpage régional qui vise à l’alignement sur le découpage administratif régional de la France procure à de nombreux militants investis dans un rôle de bâtisseur des espaces très vastes d’expression et de réalisation de leurs projets. Un secrétaire général avait ce mot fréquent en s’adressant aux jeunes cadres débordants de dynamisme : « N’oublie jamais que si tu réussis dans tes projets, cette réussite sera collective. Si tu échoues, l’échec sera personnel ! » Pourtant c’est l’inverse que nous avons observé tout au long de notre expérience passée au sein de la fédération. Dans les faits celles et ceux qui ont réussi à développer leur secteur ou territoire ont fréquemment été tentés de faire acte de sécession avec la maison-mère. Comme s’ils voulaient confisquer la propriété collective à leur profit personnel ! Quant à ceux qui échouaient, ils partaient au bout d’un certain temps mais en laissant les déficits être supportés par les étages supérieurs de l’organisation ; tandis que la fédération s’interdisait le plus souvent de déposer un bilan devant le tribunal d’instance ou de défendre ses intérêts propres en justice. Le même secrétaire général avait cet autre mot pour résumer la situation : « A la fédération nationale ce que nous savons bien fédérer c’est le passif de nos structures régionales ! » Malgré l’insuffisance du contrôle des activités ou des territoires délégués, ce mode de fonctionnement a stimulé de nombreux militants, pionniers à fort tempérament, et a favorisé un développement conséquent de l’organisation. Mais la fragilité économique de la fédération est un facteur permanent d’inquiétude et une source de fragilité depuis l’origine. Si, au sein de la fédération, les arbitrages sont politiques les sanctions sont, elles, économiques. Par exemple, le secteur des vacances dénommé Maisons Européennes de la Jeunesse (MEJ) à cette époque est impulsé et géré au plan national. Il propose principalement des vacances aux adultes avec le souci de procurer au travailleur l’évasion, le repos et le développement des

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Les mots soulignés le sont dans la circulaire citée. 121

connaissances en souhaitant qu’il ne soit jamais un client mais un ami122. Entre les séjours réservés aux jeunes de 18 à 30 ans et les vacances familiales, la fédération Léo Lagrange contribue à l’essor du tourisme social en France. Cette activité connaîtra son apogée au début des années 80, avec 23 villages de vacances gérés, plus de 8000 lits et environ 700.000 nuitées ce qui en fait un opérateur national important. Mais durant la même période, le fonctionnement des villages de vacances s’inscrit dans un domaine d’activité qui s’est complètement banalisé et confondu avec les services offerts par le secteur marchand. Le parc immobilier des structures de type village de vacances en bord de mer, à la campagne ou en montagne stagne et est considéré par de nombreux spécialistes comme proche de la saturation des besoins. Fort logiquement, la concurrence se durcit entre organismes associatifs qui défendent le tourisme social mais également avec les organismes marchands qui surfent sur le développement du tourisme de masse et ses perspectives commerciales. S’y ajoute la fin de la politique nationale dite d’aide à la pierre, qui subventionnait les créateurs de structures touristiques, aide à la pierre à laquelle succèderont progressivement les dispositifs dits d’aides à la personne qui visent à rendre solvables les familles et les individus (i.e. la création de l’Agence Nationale des Chèques Vacances en 1982) et leur permettre d’acheter des prestations devenues fort coûteuses. Les difficultés financières du tourisme dit associatif qui touchent à cette époque tous les organismes de ce secteur, mettront en péril l’équilibre général de la fédération et conduiront à l’isolement, la vente d’actifs puis à l’externalisation de l’activité vacances d’adultes auprès de structures spécialisées au début des années 90.

Dans le document To manage and militate. (Page 102-104)