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2.3.4.1 Le centre social associatif, l'outil le plus dynamique au service des politiques

Dans le document To manage and militate. (Page 92-96)

PARTIE I : ENTREPRENDRE AUTREMENT ?

Chapitre 2 : PRESENTATION DES MATERIAUX DE RECHERCHE

I.II. 2.3.4.1 Le centre social associatif, l'outil le plus dynamique au service des politiques

publiques

De fait, les subventions d'exploitation non affectées seront beaucoup plus importantes pour la gestion CAF et pour la gestion municipale que pour la gestion associative. Nous pouvons calculer que pour un euro de financement public les gestionnaires des Centres sociaux obtiennent 0,85 euro de financement complémentaire. Ainsi l’effet de levier qui caractérise la dynamique du centre social est-il en moyenne de 85% en 1991. Mais cet effet est très variable selon le type de gestionnaire et représente :

• 36% dans le cas de la gestion CAF, • 62% dans le cas de la gestion municipale, • 110% dans le cas de la gestion associative !

La ventilation des ressources par catégorie de financeurs fait apparaître trois groupes nettement identifiés (la commune, la CAF et les usagers), qui constituent les principaux

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Illustrant ainsi les nouveaux modes de contrôle issus de la décentralisation dans le cas des politiques publiques ou les relations entre donneurs d'ordres et fournisseurs dans le monde industriel.

financeurs en représentant près de 76% des ressources. C’est une particularité notable puisque ces trois principaux financeurs sont également les trois principaux gestionnaires de centres sociaux et qu'ils illustrent trois figures emblématiques de notre organisation sociale : celles des élus locaux, des partenaires sociaux (les CAF comme les autres organismes de Sécurité Sociale sont gérées par les partenaires sociaux) et des citoyens regroupés en associations.

Cette situation originale où les trois principaux financeurs sont également les trois principaux gestionnaires permet de concevoir un autre effet de levier qui vise à répondre à la question suivante :

Quel est l'effet multiplicateur obtenu pour chacun des euro versé par l'un ou l'autre des financeurs en fonction du mode de gestion du centre social ?

Comptes de résultats 1991 : Effet de levier par gestionnaire pour les trois principaux financeurs

Gestionnaire Associations Municipalités CAF Moyenne

Financeur générale

Usagers 440% 735% 1393% 539%

CAF 324% 362% 47% 222%

Commune 283% 70% 442% 246%

Ensemble 47% 8% 7% 32%

Il apparaît que la gestion associative est le choix le plus efficient pour les financeurs publics. En effet lorsque le centre est géré par la CAF, un euro apporté par la CAF à sa structure génère 0,47 euro de financements complémentaires. Lorsqu'il est géré par la municipalité l'effet de levier pour la commune est de 70%, soit 0,70 euro supplémentaires pour un euro versé.

La lecture du tableau précédent montre que la CAF et la commune n'ont pas d’intérêt économique à gérer elles-mêmes un Centre social, puisqu'elles obtiennent dans ce cas le plus petit effet de levier. L'effet maximum serait obtenu en confiant la gestion du centre à

l'autre financeur public (c'est à dire la commune pour la CAF et inversement, avec respectivement un levier de 442% pour la commune et de 362% pour la CAF). Mais dans ce cas le contrôle des activités reviendrait trop exclusivement au premier financeur ce qui constituerait un risque pour la politique municipale comme pour la politique familiale de la CAF.

Dès lors, la recherche d'équilibre entre le contrôle des actions et l'efficacité économique des financements devrait conduire rationnellement à développer le mode de gestion associatif. Nous observons que dans ce cas le levier est de 324% pour la CAF et de 283% pour la commune.

Du point de vue de l'usager, le mode de gestion associatif n'est pas le plus intéressant sur le plan économique, mais, pris en tant qu'individu, il n'a probablement pas de prise sur le choix du mode de gestion et pris comme groupe de pression (par exemple le conseil d'administration d'une association de quartier) la gestion associative offre la perspective d'une implication personnelle plus grande dans la vie sociale et (a priori) une meilleure adéquation entre les besoins exprimés et les actions générées en réponse.

D'ailleurs, le levier pour l'ensemble des trois financeurs n'est que de 7% dans le cas d'une gestion CAF, de 8% dans cas d'une gestion municipale et (grâce à une plus grande diversification de ses ressources) de 47% pour le mode de gestion associatif qui offre ainsi le meilleur compromis. Cette situation met en évidence la pertinence économique du mode de gestion associatif d'un centre social. Son développement pourrait être le fruit d'un compromis rationnel (sur l'aspect économique) et politique (sur la question du contrôle par les financeurs) entre les deux principaux financeurs. Si le deuxième aspect fait l'objet de débats permanents parmi les acteurs du monde associatif, c'est la première fois que la comparaison économique est abordée à partir de données agrégées nationalement et retraitées ici pour les besoins de l'étude, ce qui donne un éclairage particulièrement percutant sur cette démonstration.

Le Centre social associatif consomme moins d'argent public, réalise une plus grande diversification de ses financements et sollicite davantage la participation économique des usagers. Les données économiques de 1991 permettent également de faire une simulation en volume sur la contribution des financeurs au cas où la gestion associative aurait été le seul mode de gestion d’un Centre social. En 1991 si les communes avaient renoncé à la gestion directe, le mode de gestion associatif aurait permis une économie de plus de 800

millions de francs. Pour les CAF l’économie réalisée aurait été de près d'un milliard 200 millions de francs. Ainsi, le choix du "tout associatif" par rapport à la situation de 1991, (alors qu’à cette époque 71% des centres sont déjà gérés sur ce mode) aurait suscité de substantielles économies pour les CAF et les municipalités et augmenté la contribution de tous les autres financeurs.

Fréquemment mis en avant pour illustrer la prise en charge par les habitants eux- mêmes de leur devenir, le mode de gestion associatif apparaît ici pour la première fois comme le plus efficient sur le plan économique pour les CAF et les communes qui en sont les principaux financeurs. Les limites constatées de la prise en charge publique des politiques sociales et les appels de plus en plus nombreux à la responsabilisation individuelle n’influencent-ils pas le développement de modes de gestion collectifs qui mixent les attentes des parties concernées tout en développant la prise d'initiative dans un contexte encadré ?

Nous proposons plusieurs hypothèses qui se conjuguent pour expliquer que le Centre social "capable mais obligé" est une formule efficiente :

1. le cadre juridique. La politique tarifaire est moins contrainte. Par exemple, le gestionnaire associatif n'a pas besoin de faire voter par le conseil municipal ses tarifs, il les fixe de façon indépendante.

2. Les tensions entre les agents. L'association recherche une plus grande indépendance vis à vis de ses principaux financeurs pour accroître ses marges de liberté.

3. Les principes d'intervention. Ce mode de gestion associe plus étroitement les habitants en les responsabilisant, tout en refusant une politique de trop grande assistance.

Mais il reste au gestionnaire la tâche de transformer les inévitables tensions entre "être à l'écoute des habitants" et "être à l'écoute des financeurs" en un compromis viable.

Dans le document To manage and militate. (Page 92-96)