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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Dans le document To manage and militate. (Page 129-133)

PARTIE I : ENTREPRENDRE AUTREMENT ?

Chapitre 3 : LA PROBLEMATIQUE DU DEVELOPPEMENT DES INITIATIVES COLLECTIVES

I.III. CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

I.III.I. L’ORGANISATION PRIVEE-PUBLIQUE

Tout d’abord et au risque d’une simplification nécessaire à la localisation de l’idée que nous défendons, nous avons montré qu’une forme d’organisation gestionnaire d’un autre type existe massivement, en France et à l’étranger : la structure d’organisation de risque privé et d’intérêt collectif. La vitalité des ces structures en nombre d’emplois créés par exemple est singulière dans l’époque récente de crise économique. L’exemple associatif français montre quelques caractéristiques invariantes de ces organisations :

• l’hybridation des ressources financières, matérielles et sociales, • les services relationnels comme un champ d’activités privilégié, • la nature polysémique de l’action produite, facteur de développement

personnel et collectif,

• un processus de production récursif (le service produit est nécessaire au producteur, la production contient le service tangible et ses sens multiples, l’acte de consommation satisfait à la fois des besoins individuels et des besoins collectifs),

• le projet et le geste social constituent la méthode d’apprentissage, • la production de sens comme finalité et le développement de

nouvelles formes de sociabilité comme résultat.

I.III.II. GERER LE SENS

Il peut sembler bien audacieux, voire franchement iconoclaste d’associer la gestion et le sens. Ces deux mots accolés ne relèvent pourtant pas de l’affirmation gratuite ou « insensée ». Si la gestion consiste bien en un agencement de moyens spécifiques organisés en fonction d’un but, les associations éducatives confrontées au risque de perte de sens de leur projet et qui décident de se le ré-approprier sont bien conduites à la gestion du sens,

même si l’agencement des moyens nécessaires au projet n’est pas formalisé et présenté spontanément dans une instrumentation structurée.

En ce qui concerne le sens, il ne s’agit pas de gérer les représentations individuelles qu’en ont les acteurs. Ce que nous observons, c’est que le domaine des activités relationnelles prioritairement investi par les organisations à but non lucratif en France et dans le monde, c’est à dire la culture, le sport, le social, l’éducation et les loisirs ont comme caractéristiques communes d’être consommées sous la forme d’un service tangible et contribuent au développement personnel du bénéficiaire tout en pouvant s’inscrire dans des représentations collectives admises comme indispensable à la vie en société. Les patronages nous en fournissent une saisissante illustration.

Ce qui est sous-tendu par l’organisation privée-publique c’est que dans les conditions de production des services qu’elle révèle, l’intérêt privé et l’intérêt public ne s’opposent pas mais se consolident l’un et l’autre. Dans le cas des associations d’éducation populaire l’intention éducative contenue dans le projet associatif est partie intégrante du service produit et consommé ; de ce fait la production et la consommation du service constituent un acte éducatif que nous nommons geste éducatif ou geste social en raison de sa double dimension à la fois tangible et intentionnelle. C’est cet ensemble qui fait sens ; mais les désajustements provoqués par le développement important de l’activité conduisent à la crise de sens. Au stade artisanal, l’ingénierie du geste éducatif repose sur un support technique (le jeu dans le cas du patronage) et sur une intention morale qui l’organise, représentée par le curé ou l’instituteur. Le tout pouvant être aisément transmis par des apprentissages concrets et répétés. Lorsque l’activité se généralise, le maintien du geste éducatif suppose une ingénierie plus sophistiquée qui devra rendre explicite le système de valeurs de référence des auteurs et garantir l’ajustement entre les deux composantes de l’acte éducatif. Mais comment éviter le risque du dogmatisme qui stériliserait l’intention éducative ? Le cahier de procédures ou le référentiel de gestion de projet saurait-il organiser un processus de production suffisamment lâche et adaptable à des réalités locales très mouvantes ?

I.III.III A LA RECHERCHE DE L’ORGANISATION MILITANTE

Nous avons vu que des organisations distinctes de la sphère publique ou marchande existent sous une forme atomisée et artisanale et visent au développement du lien social en proposant de répondre aux besoins sociaux par le développement d’activités qui fabriquent de l’individu et de la société simultanément. Mais nous avons également observé que ces matériaux résistent à l’observation et que leur développement est source de crise importante.

Principalement, ce n’est pas l’étude de la nature des activités tangibles qu’elles produisent qui permet d’en distinguer les traits caractéristiques, ni même la référence exclusive au statut associatif de la loi de 1901 ; il s’agit plutôt de décrypter le contenu des actions (l’intention) et d’identifier et analyser la forme productive en s’intéressant plus spécifiquement aux liens entre les acteurs et aux valeurs qui les structurent.

Cette forme productive évolue lorsque les services rendus se massifient, semblant remettre en cause l’essence originelle du projet porté par des gens de conviction. Le succès des initiatives condamne fréquemment les militants à être les « porteurs d’eau » du marché ou de la puissance publique. Pourtant, nombre de ces artisans du social ne se satisfont pas de cette réduction de leur projet à des finalités administratives ou marchandes. Par quels apprentissages devront-ils passer pour résoudre une véritable crise de sens et élaborer leur propre modèle de développement ?

Notre recherche consistera alors à étudier les interactions entre le développement des services et l’évolution de l’organisation. Les crises successives qui permettent ou non le réajustement entre les contraintes imposées et la poursuite du projet associatif rendent visibles au chercheur les caractéristiques de l’agent militant et de ses modalités de gestion ; la grille de lecture proposée sera susceptible d’aider les praticiens en favorisant leur appropriation des difficultés rencontrées pour en permettre le dépassement.

Dans le document To manage and militate. (Page 129-133)