• Aucun résultat trouvé

2.3.1 Entre l’État providence et la philanthropie : une approche collective et globale des problèmes

Dans le document To manage and militate. (Page 87-89)

PARTIE I : ENTREPRENDRE AUTREMENT ?

Chapitre 2 : PRESENTATION DES MATERIAUX DE RECHERCHE

I.II. 2.3.1 Entre l’État providence et la philanthropie : une approche collective et globale des problèmes

Contrairement aux politiques sociales qui proposent généralement un traitement individuel et sectoriel des problèmes, les Centres sociaux développent une approche collective et globale et constituent une forme originale de lutte contre l'exclusion : accueil des habitants, animation de loisirs, action éducative, travail social, aide aux groupes et associations, leurs activités sont multiples et évolutives au fil des transformations des attentes sociales. S'informer, consulter les services sociaux, pratiquer un sport, apprendre à gérer son budget familial, s'initier à l'informatique, organiser la fête de quartier, fréquenter le centre de loisirs, être aidé pour les devoirs scolaires, la vocation des Centres sociaux est multiple et intergénérationnelle.

S'inscrivant dans le champ des services sociaux de proximité, le Centre social a un rôle structurant dans le quartier ou la commune. Sa vocation consiste, selon les gestionnaires96 à :

• être à l'écoute des habitants,

• créer du lien et de la cohésion sociale, • promouvoir les individus.

Ouvert à tous les habitants, le Centre social est un lieu de gestion ou interagissent commande publique et demande sociale autour d’un principe de mobilisation des habitants qui renvoie assez explicitement aux méthodes de l’éducation populaire : socialisation et promotion des hommes en “ aidant les hommes à être mieux armés pour devenir eux-

95

Circulaire ministérielle du 22 décembre 1952, présentant le nouveau plan d'action sociale des CAF.

96

Un observatoire pour mieux connaître les Centres Sociaux, étude de la Caisse Nationale des Allocations Familiales, février 1994.

mêmes ”97. Les interactions au sein du groupe composé volontairement et réuni autour d'un projet partagé permettent un nouvel apprentissage fait de confrontations, de mises en communs et de réinventions des règles sociales acquises. "Des hommes et des femmes se regroupent volontairement, de plus en plus nombreux, [...], pour participer d'une manière active à certaines actions de leur choix, qu'elles soient manuelles, intellectuelles ou artistiques."98

Les années 80 et 90 sont marquées par l'enracinement de la politique initiée par les Centres Sociaux et soutenue par les Caisses d'Allocations Familiales qui privilégie la fonction dite "d'animation globale" et intègre simultanément les préoccupations sanitaires, familiales et sociales. Cette approche plutôt marginale au début du 20ème siècle est tirée de la notion de "welfare" anglo-saxonne et s'est longtemps opposée à la notion d'assistance sociale développée en France. Dans le même temps, les associations d'éducation populaire qui occupent, de façon plus sectorielle, le champ des loisirs et du temps libre en gérant de nombreux équipements de proximité, par exemple des MJC ou des centres socioculturels, sont de plus en plus fréquemment interpellées pour répondre aux besoins des publics les plus marginalisés. Les réponses que ces structures inventent se font plus "sociales" tout en s'appuyant sur les convictions historiques de l'éducation populaire qui veut associer dans l'action collective chaque participant.

Si la vitalité des Centres sociaux est importante et qu'ils créent dans le domaine social, économique, chaque jour de nouvelles solutions à un ou des besoins exprimés le plus souvent à petite échelle ils participent de ce fait à la nouvelle exigence d'une action sociale qui s'inscrit entre l'Etat providence (sa fonction d’assistance et de mutualisation) et la philanthropie. Ce supplément "d'engagement citoyen", basé sur une plus grande responsabilisation des individus dans l'organisation de la réponse sociale (tant pour le bénéficiaire que pour l'offreur de services), ne répond-il pas à une nouvelle obligation comme l’indiquent Robert Castel99 ou Pierre Rosanvallon100, liée au déplacement de la question sociale et aux limites financières de l'Etat providence, et permise par l’avènement d’une société d’individus de mieux en mieux formés ?

97

Richard Hoggart, La culture du pauvre, cité par Bénigno Cacérès in Guide de l’éducation

populaire, la Découverte, Paris, 1985, p.15. 98

Bénigno Cacérès, Guide de l’éducation populaire, La Découverte, Paris, 1985, p.13. 99

Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Fayard, Paris, 1994. 100

En fait, depuis de longues années déjà, la pratique sociale du militant associatif s'inscrit dans cette logique d'action. Cet appel à la responsabilisation accrue est constitutif de l'action collective et souhaitée et réalisée par moult associations depuis leurs origines. A propos, par exemple, des usagers des Centres sociaux "au lendemain de la guerre, le thème de la "participation des usagers" s'impose.[...] On souhaite qu'ils ne soient pas passifs, qu'ils participent, qu'ils prennent conscience de leurs responsabilités, qu'ils "s'aident eux- mêmes"."101

Le développement de nouvelles formes d’errance sociale, la multiplication des difficultés sociales et économiques, l’affaiblissement des institutions éducatives conduiront peu à peu les Centres sociaux à s’engager dans un nouveau champ d’actions éducatives visant à l’initiation de chacun aux usages et aux règles du « vivre ensemble ».

Même si des origines historiques et politiques très différentes marquent encore les débats entre les fédérations qui regroupent les différentes structures locales, l'offre de services qu'elles réalisent au profit des populations est aujourd'hui de plus en plus intégrée dans les politiques publiques. En ce sens nous pouvons dire que ce type d'initiatives sociales portées par les citoyens regroupés et qui sollicitaient la reconnaissance de la puissance publique se transforme en initiatives publiques qui sollicitent de plus en plus expressément l'implication et la responsabilisation des usagers102.

Dans le document To manage and militate. (Page 87-89)