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2.4.4 Une professionnalisation rapide

Dans le document To manage and militate. (Page 106-108)

PARTIE I : ENTREPRENDRE AUTREMENT ?

Chapitre 2 : PRESENTATION DES MATERIAUX DE RECHERCHE

I.II. 2.4.4 Une professionnalisation rapide

L’évolution des rapports entre les organisations de jeunesse et les pouvoirs publics conduit dès le début des années 60 à des coopérations de plus en plus actives avec l’État. Maurice Herzog, Secrétaire Général du Haut commissariat à la jeunesse et aux sports en 1960 exprime dans une conférence de presse cette évolution : « La poussée démographique, la révolution technologique, l’évolution des peuples vers une mise en commun de leurs problèmes sont à la base d’une situation nouvelle à laquelle les jeunes ont à faire face et qui doit amener à reconsidérer les rapports des pouvoirs publics et de la jeunesse. C’est pourquoi il apparaît nécessaire de renforcer l’action des différents organismes et mouvements de jeunesse existants et de grouper les activités à caractère général des mouvements par nature.126 » Dans cette période la fédération Léo Lagrange participe activement aux nombreux organismes co-gérés avec l’État et créés durant les années 60 pour répondre aux aspirations et préoccupations des organisations de jeunes en engageant une politique nationale de la jeunesse. Le besoin de professionnels va croissant et un organisme, le Fonds d’aide à la jeunesse et à l’éducation populaire (FONJEP) naît en 1964 qui vise à aider financièrement la création de postes d’animateurs permanents par l’aide combinée de l’État et des municipalités. Sur les 137 premiers emplois aidés en 1964, 15 personnes relèvent de la fédération Léo Lagrange. L’apparition du métier d’animateur permanent de jeunesse et d’éducation populaire marque le début de la professionnalisation dans ce milieu. Comme les autres fédérations importantes Léo Lagrange créera ses propres centres de formation, agréés pour l’enseignement des diplômes délivrés par l’État, pour

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Allocution de Pierre Mauroy, Secrétaire Général de la Fédération Nationale Léo Lagrange, Congrès de la Fédération Départementale des Bouches du Rhône, 1966, document ronéotypé 7 pages.

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Conférence de presse de Maurice Herzog, Bulletin de liaison du Haut comité de la jeunesse, n°11, archives de Pierre Mauroy, in Jeunesse An 2000, par Sophie Léron, avril 2000.

faire face à l’augmentation de ses professionnels et pour transmettre les valeurs de la fédération : « Cet institut assurera la formation des permanents, le recyclage de nos animateurs bénévoles et aura d’une façon générale, la charge de tout ce qui concerne la formation. […] Le rôle de cet institut sera déterminant dans la vie de l’ensemble. C’est de la formation qu’il aura assurée aux animateurs des associations fédérées que dépendra la cohésion de ces dernières et leur fidélité à nos objectifs fondamentaux127. » La première génération des salariés inscrit son action principale dans l’animation et la gestion des structures locales, clubs ou foyers Léo Lagrange. Mais très rapidement le recrutement nécessaire pour faire face au développement de la fédération s’effectuera en dehors des militants bénévoles de la fédération Léo Lagrange. En 1972, la fédération compte 78 postes de permanents directeurs salariés responsables de centres artistiques, de maisons de jeunes ou de centres sportifs dont le financement est assuré pour l’essentiel par les collectivités locales. De plus en plus de municipalités créent des services dédiés aux questions culturelles, sportives et de jeunesse. Mais le cadre de la fonction publique territoriale n’est pas adapté à ces nouveaux métiers ; la fédération trouve là un débouché important susceptible de lui assurer son développement et propose de détacher auprès des collectivités locales une nouvelle génération de professionnels qui, sous statut associatif de droit privé, vont mettre en place les politiques municipales. Dans une plaquette publiée en 1972 intitulée « Un nouvel élan 128», la fédération défend la professionnalisation nécessaire à la gestion des activités socio-éducatives : « Le développement des activités socio- éducatives dans une commune ? La marque d’une gestion municipale moderne et efficace. […] Pour que ces centres d’activité fonctionnent, l’expérience a démontré que le dévouement des bénévoles ne suffit plus : des animateurs permanents sont indispensables.129 » Cette politique connaîtra un essor important jusqu’à compter plus de 400 postes de permanents, essentiellement des cadres, en situation de responsabilité dans les services municipaux ou détachés pour la direction d’associations locales. Dès le début des années 80 d’abord dans le champ de la formation professionnelle et de l’insertion sociale puis dans le domaine de l’animation sociale et socioculturelle au début des années 90, une troisième génération de professionnels apparaît car la fédération axe son développement sur la gestion directe des dispositifs éducatifs publics par ses

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Circulaire N° 96 de la Fédération Nationale des Clubs de Loisirs Léo Lagrange, op. cité p.3. 128

« Un nouvel élan », plaquette de deux pages ronéotypées présentant aux élus municipaux les avantages liés à la mise à disposition par la fédération de permanents rémunérés par elle même par le biais d’un contrat passé avec la municipalité.

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établissements régionaux et ses centres de formation. De ce fait, nombreux sont les salariés d’associations locales, les personnels techniques et d’animation, les formateurs et les salariés occasionnels qui vont se trouver employés directement par la fédération ou l’un de ses établissements, ce qui augmentera considérablement le volume d’emplois gérés et modifiera très sensiblement la structure des emplois en la rapprochant de n’importe quelle organisation publique ou privée. Le profil historique du permanent, militant était relativement homogène. Il avait un statut de cadre - alors que sa rémunération était très sensiblement inférieure au plafond de la Sécurité Sociale - et agissait effectivement comme un cadre avec une très grande autonomie d’actions et de décisions pour le compte d’une municipalité ou d’une association locale. C’est sur son engagement personnel et les rapports de force qu’il était susceptible de créer que se bâtissait son évolution professionnelle. La modification de la structure d’emploi et le nombre croissant de salariés incitera à la mise en place tâtonnante d’une politique de gestion des ressources humaines et à une profonde transformation des rapports sociaux sur un modèle entrepreneurial plus classique. Durant l’année 2002 près de 7.000 personnes ont été salariées par la fédération Léo Lagrange et dans ce nombre environ 2.200 salariés le sont à titre permanent. Notons que malgré cette forte expansion un sondage réalisé auprès des salariés indique que 49% d’entre eux se considèrent comme des militants130.

Dans le document To manage and militate. (Page 106-108)