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6.2   Importance des stratégies de subsistance dans l’adaptation individuelle des

6.2.2   Stratégies de subsistance et variations des revenus des ménages 99

Dans le très court terme, l’aménagement d’un KDTM comme Van Quan perturbe inévitablement les moyens de subsistance des villageois vivant dans les zones limitrophes. Ces effets nuisibles, qui surviennent immédiatement après l’expropriation des terres agricoles, sont bien documentés dans la littérature. Ceux vécus à moyen et plus long terme, une fois le processus transitoire des ménages bien entamé, le sont moins (Labbé, 2015). Labbé (2015) suggère néanmoins qu’une fois le choc initial de l’expropriation passé, les stratégies de subsistance développées par certains ménages ont le potentiel d’améliorer leur situation par rapport à la période précédant l’expropriation, c’est-à-dire au temps où ils cultivaient la terre. D’un point de vue purement économique, cette recherche fait le même constat une quinzaine d’années après la construction du KDTM Van Quan.

Lorsque questionnés sur les avantages de leurs sources de revenus, un nombre important de résidents du village de Van Quan (17/23) soutiennent que les revenus de leur ménage ont augmenté grâce aux stratégies de subsistance développées suite à la perte de leur terre agricole. Dans un sens, ceci n’est pas surprenant, car la culture du riz en était une d’autosubsistance plutôt que commerciale. Aujourd’hui, même les familles qui ont fait une transition de la riziculture vers le maraîchage vendent leurs produits. Selon plusieurs témoignages recueillis, la façon d’utiliser l’argent reçu en compensation de la perte de la terre agricole est un élément déterminant de cette hausse des revenus. Par exemple, dans son passage de la riziculture au maraîchage, une dame mentionne que le montant reçu lui a permis d’acheter quelques parcelles de terres agricoles restantes à des villageois qui ne savaient pas quoi en faire. Cet investissement lui a permis de cultiver des fruits et des légumes en quantité suffisante pour en tirer un revenu acceptable (19VQ_4 juillet 2017). Un homme ayant considérablement augmenté ses revenus par la location de chambres fait explicitement mention de l’importance de faire preuve de vision dans l’utilisation de ce montant d’argent : «  Dans mes décisions financières, je pense toujours au futur. Avec l’arrivée du KDTM et de l’urbanisation rapide en général, je voyais qu’il y aurait un marché locatif qui allait émerger dans le village. Pour assurer un bon avenir financier, je me devais d’utiliser l’argent d’expropriation de manière intelligente avec ces chambres à louer  » (17VQ_2 juillet 2017).

À la lumière des résultats obtenus, la réussite d’une telle transition

économique ne repose pas

strictement sur des éléments d’ordre financier. Par exemple, pour les villageois travaillant toujours dans

les champs (maraîchage et

horticulture), le fait d’être

partiellement expropriés semble avoir été un élément clé facilitant la transition économique de leur ménage. En effet, la superficie moyenne des parcelles agricoles qui leur restent est plus de deux fois plus importante que la superficie

moyenne des terres toujours à la disposition des autres villageois (figure 39). Avoir accès à une ressource foncière suffisamment importante semble être tout aussi capital pour les locateurs de chambres que pour les agriculteurs. Un répondant mentionne avoir libéré volontairement de l’espace utilisé par sa famille dans la maison pour y installer des chambres à louer (17VQ_2 juillet 2017). De plus, dans le cadre d’une recherche évaluant les relations socio-spatiales entre le KDTM Van Quan et les villages qui lui sont immédiatement adjacents10, Morin-Gagnon (2018, p. 30) souligne l’importance

de l’attribution de «  terres de service  » comme forme de compensation aux ménages expropriés. Ces terres s’avèrent être des leviers de transition économique majeurs pour les villageois en bénéficiant. Le capital foncier à la disposition des villageois, qu’il soit agricole ou résidentiel, apparaît donc être très important dans la transition économique des ménages. Dans les témoignages obtenus, cette ressource foncière ressort comme un atout indéniable qui agit comme un socle sur lequel les ménages peuvent se baser pour investir l’argent reçu en compensation et assurer une transition économique prometteuse pour l’avenir.

Sans faire explicitement mention d’une baisse de revenus, un petit nombre de villageois rapporte que la vie de leur ménage est plus difficile maintenant que lorsqu’ils possédaient la totalité de leur terre

                                                                                                               

10 À l’instar de ce mémoire, la recherche citée s’insère dans le projet «  Villes nouvelles et urbanisation villageoise

à Hanoi, Vietnam  » de la Chaire de recherche du Canada en urbanisation durable dans le sud global, financé par

583   288   0   100   200   300   400   500   600   700   Maraîchage  et  

horticulture   Autres  sources  de  revenus  

SuperEic

ie  moyen

n

e  (m2)  

Sources  de  revenus  

Figure  39 :  Superficie  moyenne  des  terres  agricoles  restantes   par  sources  de  revenus  (m2)  

agricole. Avant l’expropriation, ces ménages possédaient des droits d’usage du sol sur des terres agricoles de superficies bien inférieures à la moyenne de 1117 m2 de l’ensemble des ménages

rencontrés. Le nombre de ces répondants étant très limité, il n’est toutefois pas possible de tirer de conclusions sur un possible lien entre la taille des terres agricoles avant l’expropriation et la variation des revenus des ménages quelques années après celle-ci.

Malgré le petit nombre rencontré, des participants ont confirmé qu’il existe dans le village des ménages qui composent aujourd’hui avec un tel état de précarité, mais qu’ils sont moins enclins à partager leur histoire. Pour le reste de ce mémoire, les résultats présentés concernant ces ménages se basent bien entendu sur l’information obtenue du petit contingent rencontré, mais aussi sur ces témoignages par personne interposée. Des recherches supplémentaires se concentrant sur la question des ménages expropriés qui sont aujourd’hui en situation de très grande précarité pourraient préciser davantage cet enjeu.