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Afin d’évaluer l’efficacité des stratégies d’adaptation collectives et individuelles implantées dans le village face aux risques d’inondation futurs et la perception qu’ont les ménages de ces risques, il est essentiel de décrire l’évolution potentielle des inondations dans la région de Hanoi à partir de données existantes. En Asie du Sud-Est, deux facteurs de risque d’inondation ressortent fréquemment dans la littérature : les changements climatiques et les facteurs anthropiques associés à la croissance rapide des villes. Cette section rassemble donc les données de projections climatiques et de croissance urbaine et démographique disponibles pour la région de Hanoi afin de décrire comment les risques d’inondation pourraient évoluer dans le futur.

 

7.2.1  Projections  climatiques  

Plusieurs indicateurs pluviométriques pour Hanoi et le Vietnam laissent croire que les résidents du village de Van Quan pourraient faire face à des inondations accrues dans un avenir assez rapproché. Le premier chapitre de ce mémoire a déjà présenté quelques-uns de ces indicateurs. Premièrement, selon un scénario d’émissions de gaz à effet de serre modérées, le gouvernement vietnamien identifie le delta du fleuve Rouge comme la région du pays où la hausse des précipitations annuelles sera la plus marquée d’ici la fin du siècle (MONRE, 2009, cité dans McElwee et al., sous presse, p. 3). De plus, les précipitations au Vietnam devraient être de plus en plus le résultat d’évènements climatiques extrêmes (World Bank, 2011, p.6). Évidemment, de telles projections ne sont pas exemptes d’incertitudes. Par exemple, les modèles climatiques régionaux comportent des variations importantes quant à l’évolution des précipitations au Vietnam (MONRE, 2016, p.40). Les projections du gouvernement vietnamien, présentées par McElwee et al. (sous presse, p.3), font état d’une hausse des précipitations de près de 8 % d’ici 2100 dans le delta du fleuve Rouge. D’autres modèles font état d’une hausse plus importante encore.

Par exemple, dans une publication gouvernementale rassemblant cinq modèles climatiques différents, le Ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement du Vietnam (MONRE) évalue qu’une

hausse moyenne des précipitations annuelles de 24 % à 30 % est envisageable pour Hanoi d’ici la fin du siècle. En guise de comparaison, à Ho Chi Minh Ville, métropole située au sud du pays, on prévoit plutôt une hausse d’environ 17 % (MONRE, 2016, p.57). Cette hausse des précipitations serait principalement attribuable aux pluies lors des périodes des moussons. En effet, les cinq modèles utilisés dans les calculs projettent des baisses des précipitations hivernales et printanières d’ici 2100. En contrepartie, les précipitations en saisons des pluies augmenteraient entre 30 % et 50 % (ibid., p.59). Les changements climatiques allongeraient également ces périodes des moussons. Dans tous les cas, le constat à retenir est donc que le nord du Vietnam semble plus propice que le reste du pays à subir des précipitations accrues et extrêmes à l’avenir.

Les indicateurs de précipitations quotidiennes sont également alarmants pour Hanoi. Les précipitations moyennes sur un et cinq jours risquent de croître davantage dans le nord du Vietnam que dans le reste du pays (ibid., pp.59-61). Cela signifie donc que plus de pluie tomberait en moins de temps, mettant ainsi beaucoup de pression sur un système de drainage déjà déficient. Une pluviométrie de 100 mm en deux heures entraîne déjà des inondations dans quatre arrondissements de Hanoi (Fanchette, 2015, p. 24). Différents scénarios démontrent que des variations quotidiennes non négligeables sont à prévoir pour aussi tôt que 2050, et encore plus d’ici 2100 (MONRE, 2016, p.60).

7.2.2  Croissance  urbaine  et  démographique  

Parallèlement, la croissance urbaine et démographique se poursuivra dans les prochaines décennies en périphérie de la capitale du Vietnam. Jumelée aux changements climatiques, cette urbanisation est non seulement susceptible d’accentuer la gravité des inondations, mais également d’avoir des impacts socio-économiques supplémentaires qui influenceront la vulnérabilité globale des ménages dans le village. En 2011, un nouveau plan directeur de Hanoi pour 2030 a été adopté. Actuellement, la population de la capitale du Vietnam est d’environ 7 millions d’habitants. Dans ce plan directeur, les projections démographiques font état d’une population d’environ 9 millions d’habitants en 2030 et de près de 11 millions en 2050 (Kubota et al., 2017, p.298). En moyenne, c’est une croissance démographique annuelle d’environ 2 % que Hanoi devra absorber d’ici 2050.

L’enjeu le plus important de cette croissance n’est pas tant la hausse de la population, mais plus l’espace pour l’accueillir. Depuis 2000, l’urbanisation à Hanoi est caractérisée par une forte consommation foncière. Entre 2000 et 2010, pendant que la population augmentait de 50 %, l’espace urbanisé gonflait de 150 % (Nguyen, 2015, p.127). Malgré l’objectif de faire de Hanoi une métropole

«  verte et moderne  » (Kubota et al., 2017, p. 298), le plan directeur de Hanoi prévoit la conversion d’importantes surfaces de terres agricoles périurbaines en zones urbaines. D’ici 2030, l’espace urbanisé sera trois fois plus vaste, passant de 46  340 hectares à près de 130  000 hectares. Ceci inclut 52  280 hectares de terres agricoles qui seront convertis pour combler la demande d’espaces à urbaniser (Kubota et al., 2017, p. 299).

L

e plan directeur démontre qu’une grande partie de cette croissance sera canalisée au sud-ouest de Hanoi, dans l’axe du KDTM Van Quan (figure 46). Malgré l’intention d’aménager une ceinture verte en périphérie de Hanoi, Fanchette (2015, p. 103) mentionne que le territoire situé entre la route périphérique numéro 3 et la rivière Day sera complètement développé d’ici 2030. Or, le KDTM Van Quan et les villages adjacents se trouvent tout juste au sud de la route périphérie numéro 3. Il serait donc surprenant que les terres agricoles restantes soient à l’abri des projets d’urbanisation à venir dans le secteur.

De plus, seulement 15 % des 252 projets de KDTM entérinés étaient achevés en 2015 à Hanoi. Le manque d’équipement de transport est un facteur qui peut influencer l’inachèvement d’un KDTM

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Figure  46  :  Plan  directeur  de  Hanoi  pour  2030  (droite)  en  comparaison  avec  la  situation  de  2011   (gauche)  (source  :  VIAP,  repérée  dans  Nam,  Kubota  et  Trihamdani,  2015,  p.49,  adapté  par  l’auteur)  

s’intensifiera dans les prochaines années dans le secteur de Van Quan. D’abord, la proximité du secteur d’un axe de transport majeur est un attrait important pour les investisseurs qui voudraient développer de nouveaux projets. De plus, comme on l’a vu au chapitre 5, une première ligne de métro aérien (ligne 2a) reliant les districts de Ha Dong et de Dong Da est en voie d’être mise en service à proximité du KDTM Van Quan (figures 47 et 48). Le plan directeur de Hanoi prévoit une protection des terres agricoles restantes à proximité du KDTM Van Quan. Cependant, considérant les éléments présentés ci- haut et l’incapacité historique des autorités à respecter les plans directeurs précédents (1998, 2003 et 2008) (Leducq et Scarwell, 2018, p.73), il y a plusieurs raisons de croire que l’urbanisation affectera de nouveau la vulnérabilité aux inondations des villageois à l’avenir.

Cela pose deux problèmes pour la vulnérabilité des ménages à plus long terme. D’une part, il est envisageable que le développement de nouveaux projets de développement augmente, à court terme du moins, les inondations comme le KDTM Van Quan l’a fait immédiatement après sa construction. De plus, cela fragiliserait les moyens de subsistance des villageois ayant fait une transition de la riziculture au maraîchage suite à l’expropriation. Le KDTM Van Quan n’a en effet pas été aménagé sur la totalité des terres que cultivaient les villageois. Plusieurs ménages ont été partiellement expropriés et possèdent toujours des droits d’usage sur une portion de terre cultivable. Rien ne garantit que ces villageois puissent les conserver à moyen ou long terme. La croissance de Hanoi se poursuivant, de nouveaux projets immobiliers risquent fort de prendre forme sur les dernières terres auxquelles les villageois ont encore accès. C’est du moins la tendance observée dans les autres districts périurbains de

Figure  47  :  Tracé  de  la  future  ligne  de  métro   aérien  2a  (source  :  Google  Earth,  adaptée  

par  l’auteur)  

Figure  48  :  Future  ligne  de  métro  aérien  2a   (source  :  auteur)  

Hanoi, et c’est également ce à quoi s’attendent plusieurs villageois interviewés dans le cadre de cette étude. Que ce soit sous une forme planifiée ou informelle, la conversion de terres agricoles vers des usages urbains risque de continuer d’influencer la capacité des villageois à s’y adapter de manière durable.