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Les Stratégies de Spécialisation Intelligente : où le cadre parfait pour approfondir les apports des Stratégies Régionales d’Innovation françaises les apports des Stratégies Régionales d’Innovation françaises

Introduction – les enjeux, le contexte et les questions de recherche

Chapitre 1 – Généalogie et présentation du concept des RIS3

1.2. La SI : dans la continuité de l’exercice Français des SRI

1.2.4. Les Stratégies de Spécialisation Intelligente : où le cadre parfait pour approfondir les apports des Stratégies Régionales d’Innovation françaises les apports des Stratégies Régionales d’Innovation françaises

Comme nous l’avons précisé dans le paragraphe précédent, nous avons pleinement conscience que le bilan que nous venons de dresser concernant les résultats de l’exercice des SRI mené en France est loin d’être exhaustif. Mais au regard des enjeux de ce travail, ce bref arrêt sur image concernant les principaux apports des SRI est nécessaire afin de bien comprendre combien la mise en place de ces démarches inédites ainsi que les réflexions, les travaux ou les pistes qu’elles ont étayé ont permis de bien préparer le terrain et ont favorisé l’éclosion et la décision de mettre en place les Stratégie de Spécialisation Intelligente à partir de 2014.

Car s’il est clair que les SRI n’ont finalement contribué qu’à « dégrossir » et à replacer les challenges de l’innovation au centre des préoccupations au niveau régional, les pistes qu’elles ont entrouvertes et les travaux qu’elles ont engendré ont apporté un éclaircissement sur des points qui constituent aujourd’hui encore les gènes des S3, à savoir :

- Une connaissance plus fine des forces et des faiblesses de chaque région.

- Le démarrage d’un travail d’amélioration de l’efficience des systèmes d’innovation régionaux via l’analyse des résultats et des ressources dont dispose chaque région. - Un état de lieux plus précis concernant les acteurs et les interactions qui prévalent au

sein de ces systèmes d’innovation régionaux.

- Un recentrage sur la stimulation et les besoins réels de (toutes!) les entreprises qui souhaitent ou qui ont le potentiel pour innover.

- Une réflexion sur la pertinence des supports existants face aux challenges de l’innovation (dispositifs ou méthodes d’accompagnement, mécanismes ou outils de financement… etc.)

Et dans l’ensemble, les SRI ont globalement cherché à agir sur deux dynamiques qui constituent les leviers prépondérants et finalement les deux facettes des systèmes d’innovation régionaux :

- La diffusion d’un « esprit d’innovation » « pour tous » et « sous toutes ses formes » au sein des régions en visant une meilleure compréhension des besoins, l’accroissement de la demande et le renforcement de la capacité à innover des acteurs du système afin d’élargir au maximum le spectre des entreprises et notamment des PME innovantes sur les territoires.

- La structuration et la meilleure coordination des acteurs qui constituent ces systèmes régionaux. (Et dans la majorité des cas ce rôle a été attribué aux agences régionales de développement ou d’innovation30).

Mais, malgré ces avancées et des ouvertures certaines vers une approche plus large de l’innovation qu’il convient de souligner, le SRI attestent aussi à l’issu de ce travail de certaines limitations et de points d’inflexions qu’il a fallu prendre en compte en vue de poursuivre les efforts et d’enclencher les dynamiques qui sont à pied d’œuvre aujourd’hui.

Ainsi, en dépit d’avoir ouvert la porte dans les discours initiaux à de nouvelles formes d’innovation (organisationnelles, de service, marketing, sociale, etc.), dans les faits, les SRI sont tout de même très largement restées orientées sur l’innovation technologique dans l’industrie.

Dans le même ordre d’idée, il semblerait aussi qu’elles aient été le reflet d’une vision de l’innovation perçue une fois de plus comme un processus encore très largement linéaire suivant respectivement les phases « traditionnelles » de recherche, de développement, de tests et de commercialisation sur le marché.

De plus, n’en déplaise aux objectifs affichés, peu de place a été faite aux innovations tirées directement par le marché ou émanant de liens interindustriels à l’intersection de filières ou de technologies sur le terrain.

Et globalement, voici les principales remarques qui ressortent parmi les conclusions des SRI concernant les inflexions et les améliorations à mener à l’issue de ces travaux :

(1) On notera que cette démarche qui a initié une meilleure compréhension des enjeux de l’innovation au niveau régional s’est basée sur une approche globale et une vision systémique qui a permis d’analyser les différentes composantes des systèmes d’innovations régionaux en tenant compte de la demande des entreprises du territoire.

Mais force est de constater que si globalement l’exercice a toutefois permis quelques progrès concernant la prise en compte des besoins des PME pour relever les challenges de l’innovation, ceux-ci restent encore très concentrés sur un nombre restreint d’entreprises industrielles ou technologiques déjà innovantes. Ces efforts ne se sont donc pas traduits dans les faits par l’élargissement souhaité du spectre des entreprises innovantes vers les PME traditionnelles, non technologiques ou évoluant dans le secteur des services, des ressources humaines ou qui appréhendent les enjeux de l’innovation par la demande. Les besoins et les contraintes de ces entreprises qui évoluent hors des domaines traditionnels de l’innovation restent ainsi pour la plupart encore mal cernés à l’issue des SRI et leur compréhension mérite d’être grandement approfondis.

(2) Les Stratégies Régionales d’Innovation ont dans l’ensemble, toutes conduites à de très bons états des lieux. L’exercice des SRI a permis aux régions françaises de disposer de diagnostics qui sont certes maîtrisés à des degrés très variables selon chaque région, mais qui fort d’une meilleure connaissance des forces et des faiblesses des systèmes respectifs, constituent pour tous ces territoires, des bases solides pour déterminer les futures orientations stratégiques de leur région.

Mais il est vrai que les travaux en sont souvent restés à cette phase de diagnostic et que la majorité des SRI ne présente en 2013 que très peu d’éléments de réflexion réellement stratégiques et encore moins de précisons concernant leur potentielle opérationnalisation. Cette observation marque tout de même la difficulté constatée de passer du diagnostic à une synthèse des enjeux et encore plus des enjeux à une stratégie claire, précise et basée sur la priorisation de ces enjeux. Ainsi, à l’issu de ce travail néanmoins très conséquent et oh combien indispensable, l’objectif suivant était bel et bien de laisser place à l’élaboration ou à l’approfondissement des stratégies ainsi qu’à la hiérarchisation des priorités car l’essentiel du temps avait été légitimement consacré à la révision et à la bonne appropriation des diagnostics effectués.

(3) Un autre point de grande importance réside dans la très forte implication des autorités et des gouvernements régionaux qui a été constatée au fil de l’exercice ce qui témoigne d’une très bonne appropriation politique des SRI et confère là encore une très bonne base pour poursuivre les actions engagées en vue d’améliorer l’efficience des systèmes d’innovation régionaux ainsi que la compétitivité des territoires qu’ils façonnent. Mais là aussi, même si cette appropriation politique constitue une avancée majeure que l’on peut indéniablement mettre au rang des réussites des démarches de SRI, elle soulève aussi l’ampleur des difficultés rencontrées pour mettre en place une approche réellement participative et inclusive du secteur privé. Car dans la majorité des cas, il s’avère que les SRI n’en sont

restées qu’au stade de la consultation ou au mieux de la validation collective en ce qui concerne la construction et le pilotage de la démarche.

(4) Il semble aussi que les SRI aient manifesté des actions qui posent tout de même les bases (nécessaires sinon suffisantes) pour favoriser l’implication d’un panel d’acteurs publics et privés plus large que ceux qui prévalaient jusqu’alors dans les circuits décisionnels des régions concernant les questions de développement territorial.

Mais malgré le désir affiché d’ouvrir les mécanismes de construction et de pilotage de la Stratégie d’Innovation Régionale à un maximum d’acteurs régionaux, les efforts déployés se sont souvent heurtés à la complexité de l’organisation institutionnelle de la France et aux difficultés d’articulation des initiatives de l’Etat avec celles des régions qui affichent toutes des contextes locaux hétérogènes et qui présentent des systèmes d’innovation régionaux très particuliers.

(5) In fine on retiendra surtout la volonté d’améliorer le fonctionnement et la coordination des systèmes d’innovation régionaux en de placer ces deux enjeux comme la priorité immédiate pour assurer l’efficacité des politiques d’innovation régionales qui seront mises en action à partir de ce moment-là.

Mais là encore, cette volonté d’évoluer vers une plus grande intégration des systèmes régionaux d’innovation a concrètement été très difficile à réaliser face au nombre très élevé des acteurs régionaux, la pluralité de leurs profils et la diversité de leurs objectifs respectifs. La difficulté de faire correspondre par exemple les enjeux des organismes de recherche et de la connaissance dans leurs objectifs d’augmenter les capacités d’innovation et de développement économique d’un territoire dans sa globalité avec les contraintes routinières auxquelles sont confrontées chacune des entreprises en terme de gestion de leurs activités (organisationnelles, commerciales, de temps, ou de qualité, …etc.) exprime parfaitement ces difficultés. Ainsi, à l’issu des SRI, l’enjeu du renforcement de la coordination mais surtout celui de la mise en réseau des acteurs qui composent les systèmes d’innovation régionaux reste donc entier. En résumé, le constat effectué à l’issu des démarches opérées via les SRI fait donc état dans les grandes lignes d’une bonne prise de conscience des enjeux de « l’innovation » au niveau régional, mais il souligne aussi un certain nombre de points de vigilance qu’il convient d’améliorer dans la poursuite de la démarche et qui constitueront autant de facteurs de succès fondamentaux dans l’édification des politiques qui les suivront.

Il est d’ailleurs très intéressant et finalement pas si étonnant que cela de constater que le bilan que nous venons de présenter brièvement relève donc déjà à l’époque un certain nombre d’enjeux que l’on retrouve effectivement aujourd’hui au centre des préoccupations qui concernent l’élaboration des stratégies de développement territoriales actuelles, au rang desquelles nous retrouvons:

- La nécessité pressante d’engager des mécanismes de priorisation à la suite des diagnostics régionaux qui ont été menés, afin de faire des choix et de concentrer les moyens sur un certain nombre plus réduit de ressources clés spécifiques à chaque territoire.

- L’obligation de poursuivre les efforts initiés envers une compréhension plus fine des besoins des entreprises en matière « d’innovation », notamment des PME et plus particulièrement via l’amélioration de l’accompagnement de celles qui sont généralement exclues ou qui « par habitude » ne se sentent ni capables ni légitimes pour engager des démarches d’innovation.

- La nécessité de parvenir à l’implication et à une plus grande initiative du secteur privé dans les mécanismes de design, d’élaboration, de pilotage et d’évaluation des stratégies d’innovation et de développement territoriales comme une condition clé de leur réussite. - L’exigence de décliner la politique et d’adapter l’action publique aux multiples

contextes régionaux spécifiques ou bien de prendre en compte a minima les dynamiques préexistantes des systèmes d’innovation régionaux et de coopérer avec les réseaux d’acteurs locaux existants.

- L’amélioration indispensable des interactions entre les différentes dimensions des systèmes d’innovation régionaux en plaçant la recherche de l’équilibre entre les organismes de production et de transmission de la connaissance d’un côté et les entrepreneurs et les structures d’appui qui les accompagnent de l’autre comme une priorité, car ils constituent les deux facettes distinctes mais inséparables de ces systèmes d’innovation régionaux.

Ainsi, si cet exercice semble avoir permis de mieux structurer les politiques régionales existantes en replaçant au centre des préoccupations, le soutien, la capacitation et l’amélioration de l’accompagnement à l’innovation pour le développement des entreprises régionales ; les SRI ont surtout entrouvert des perspectives nouvelles et autant de pistes d’approfondissement en faveur d’une plus grande efficience des systèmes d’innovation régionaux (compétences du capital humain, management de l’innovation et de la connaissance, design et instruments financiers innovants, mise en réseau des acteurs, coopérations intra et interrégionales …etc.) européens dans leur ensemble. Et en capitalisant sur le travail réalisé dans les régions françaises dans le cadre des SRI, l’Union Européenne planche depuis 2010 sur l’articulation de ces mêmes enjeux au sein de sa stratégie communautaire Europe 2020, mais à des niveaux de pouvoir qui incluent à la fois l’Europe, les Nations et les régions des Etats-membres. Et avec l’avènement des « stratégies de spécialisation intelligente » comme l’un des piliers de la Stratégie Europe 2020, il apparait que des enjeux quasi similaires à ceux qui sont apparus lors de ces exercices qui à la base n’étaient uniquement que d’ordre français s’imposent ou concernent aujourd’hui très fortement la totalité des nations et des régions de l’Union Européenne.

Ainsi, il est certain qu’à l’heure de s’engager comme la Commission Européenne les y invite, dans des « stratégies de spécialisation intelligente », les SRI ont indéniablement conféré aux régions françaises une expérience précieuse et peut-être un léger temps d’avance pour aborder les challenges qu’imposent le déploiement de ces nouvelles stratégies de développement territoriale au niveau de toute l’Europe.

Cependant, à l’heure d’étendre la démarche à l’échelle Européenne, il s’agit tout de même de ne pas perdre de vue l’un des enseignements fondamentaux qui fut tiré à l’issu de l’exercice des SRI mené en France qui stipule clairement que « les principales difficultés identifiées par les diagnostics sont en effet moins liées aux moyens disponibles pour soutenir la recherche et l’innovation qu’à la difficulté de faire émerger de bons projets. »31. Et si nous avions le loisir de pouvoir compléter cette phrase avec un peu de recul et en nous replaçant aujourd’hui dans le contexte des « stratégies de spécialisation intelligente » qui sous-tendent les dynamiques de développement territoriales actuelles, nous nous permettrions peut-être de rajouter … « de faire

émerger de bons projets … « dans une dynamique basée sur une inclusion beaucoup plus

marquée du secteur privé et notamment des TPE-PME, et qui favorise les initiatives et la considération de tous les profils d’entrepreneurs régionaux, car ce sont eux qui guident sur le

31 Voir p. 62 du rapport publié en Juillet 2010 « Etude sur l’évolution des diagnostics et des stratégies régionales d’innovation dans les régions françaises dans le cadre des PO FEDER 2007-2013 », accessible en suivant le lien : http://publications.europa.eu/resource/cellar/c07aefa7-b21c-449f-8b67-f9405222db3a.0001.01/DOC_1

terrain les trajectoires du présent et ce sont eux qui tisseront plus encore les véritables orientations des territoires ».

Car si à l’issu des SRI l’un des principaux enjeux qui a été souligné consiste à engager des dynamiques de priorisation des domaines à fort potentiel pour le territoire sur la base des diagnostics régionaux qui ont été effectués ; nous pensons que la nécessité de trouver des mécanismes inclusifs pour identifier et faire remonter un maximum de « bons projets » est un challenge autant sinon plus difficile que celui de les sélectionner ou de les prioriser. Ce défi d’identification continue des projets à fort potentiel est d’ailleurs un enjeu complémentaire qui s’imposera même en amont de ces processus de sélection et de priorisation.

Ainsi, c’est dans ce contexte et dans le but de trouver des réponses à tous ces enjeux en termes de compétitivité des régions et à tous ces questionnements concernant l’amélioration de l’élaboration et de la mise en place des stratégies de développement territoriales à l’échelle de l’Europe que les Stratégies de Spécialisation Intelligente sont apparues en s’instituant comme l’un des bras armés de la stratégie de l’Union Européenne à l’horizon 2020.

Mais le statut de « pilier » de la politique européenne qui incombe dès lors aux S3 suscite aussi des attentes et une responsabilité à la hauteur des enjeux auxquels les stratégies de spécialisation intelligente prétendent répondre.

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