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Epistémologie des sciences pour étudier la RIS3

Chapitre 3 – Problématiques, positionnement et introduction des propositions de notre travail de recherche

3. Stimuler la facilité, la qualité et la quantité des interactions mais aussi surtout les potentiels

de collaboration entre cette pluralité « d’entrepreneurs » régionaux de différents types et dont les stratégies, les objectifs, les motivations, les contraintes et les moyens d’actions sont extrêmement variés et variables au sein du système d’innovation de la région.

Ainsi, nous tirons de ce constat deux questions fondamentales qui n’auront de cesse de guider l’ensemble des réflexions et des propositions que nous présenterons tout au long de ce travail, à savoir :

1. « Comment » soutenir les gouvernements régionaux et les aider à mettre en place des processus de découverte entrepreneuriale suffisamment ouverts et participatifs à l’échelle des territoires et des régions européennes ?

 Pour : (a) encourager l’intégration et la prise en compte d’une plus grande diversité

« d’entrepreneurs régionaux » en favorisant la mise en place d’une démarche consultative qui aille au-delà des acteurs habituels lorsqu’il s’agit de décider des orientations stratégiques des territoires en terme de trajectoires développement et d’innovation ;

 Et (b) stimuler l’implication et le concours d’un plus grand nombre « d’entrepreneurs

régionaux » afin d’obtenir une quantité de contributions suffisamment conséquente pour s’assurer de la légitimité des priorités qui seront collectivement identifiées et supportées.

2. « Comment » assurer ensuite l’animation, la pérennité et la flexibilité des processus de découverte entrepreneuriale qui seront mis en place ?

 Pour : (a) stimuler la multiplication des interactions et des expérimentations

d’innovation basées sur la pratique entre les « entrepreneurs régionaux » de tous ordres au sein des systèmes d’innovation régionaux ;

 Et (b) faciliter la remontée continue d’un maximum d’initiatives à fort potentiel afin

d’assurer un renouvellement progressif et périodique des priorités régionales et d’éviter que la stratégie régionale ne s’établisse sur des plans fixes ou immuables trop peu souvent revisités ou réadaptés.

Mais une fois ces deux problématiques très génériques posées, la littérature actuelle concède qu’il n’y a évidemment pas de « recette miracle »71 qui puisse expliciter les étapes à suivre « pas

71 Voir p. 17, « Cuadernos del Informe de Competitividad del País Vasco », Numero 5, Estrategias y políticas (Aranguren, Wilson y Magro, 2015) :

à pas » ou de façon séquentielle afin de mettre en place ces nouveaux processus complexes au sein de régions qui le sont tout autant.

Cependant, nous relevons toutefois au travers des travaux scientifiques qui se sont penchés jusqu’ici sur l’analyse récente des S3 et de leur difficile implémentation au sein des régions des l’UE, au moins trois remarques, suggestions ou conclusions sur lesquelles tout le monde semble s’accorder. Ces trois recommandations de « bonnes pratiques » 72 serviront ainsi de base de départ pour appuyer et pour expliciter à la fois le cheminement de notre réflexion et le positionnement des propositions qui seront présentées dans la suite de ce travail. Elles font aussi office dans une certaine mesure de trois préconisations génériques qu’il convient de considérer avec la plus grande attention dans l’optique d’implémenter ou d’améliorer l’efficacité des processus qui ont déjà été initiés avec l’avènement des RIS3 en 2014.

3.1.2. Identification de trois recommandations de « bonnes pratiques » et proposition de trois préconisations génériques

3.1.2.1. Préconisation n°1 : De l’importance d’impliquer un spectre plus large de PME et d’autres acteurs régionaux « inhabituels » - « outsiders » dans les processus de consultation bottom-up de Découverte Entrepreneuriale

La première des implications que nous relevons concerne la relative faiblesse du nombre « d’entrepreneurs régionaux » et notamment des TPE/PME ou des ETI que les entités régionales qui sont en charge de l’élaboration des S3 dans les régions sont parvenues à effectivement consulter et qu’elles ont réussi à impliquer au sein des divers processus de découverte entrepreneuriaux qui ont été implémentés (cf. chiffre de 78 retours pour l’Aquitaine – voir Figure 15 p.126). Cette remarque résonne avec d’autant plus de force lorsque l’on considère la prégnance de ce groupe d’acteurs régionaux au sein de chacun des tissus socioéconomiques des territoires européens.

En effet, rien que pour la France73, en 2012, l’hexagone comptait 3,5 millions de PME, soit 99,9 % des entreprises, 48,3 % de l’emploi salarié (en équivalent temps plein), elles réalisaient 35,5 % du chiffre d’affaires et 43,9 % de la valeur ajoutée. Le Rapport annuel 2015 sur l’évolution des PME74, précise même ces chiffres en soulignant qu’en 2013, 274 grandes entreprises (GE) et 5 300 ETI sont présentes sur le territoire français aux côtés de 3,74 millions de PME. Ainsi, la quasi-totalité des entreprises françaises relèvent du statut des PME dont 96 % d’entre elles sont de microentreprises et 3,7 % des PME non microentreprises.

Aussi, sans vouloir présenter un rapport exhaustif sur l’importance globale et le poids des PME dans l’économie française, nous relevons entre autres selon le même rapport que:

 En 2014, le nombre de PME exportatrices représentait 96 % de l’ensemble des entreprises exportatrices.

http://www.orkestra.deusto.es/images/investigacion/publicaciones/informes/2015-orkestra-competitividadCAPV-cuaderno5.pdf

72 Voir p. 17, « Cuadernos del Informe de Competitividad del País Vasco », Numero 5, Estrategias y políticas (Aranguren, Wilson y Magro, 2015) :

73 Portail de l’Economie et des Finances : http://www.economie.gouv.fr/cedef/chiffres-cles-des-pme

74 PME 2016, Rapport Annuel sur l’évolution des PME :

https://library.bpifrance- lelab.fr/PME16/resource/document/e423f310-f1d8-11e6-a1cb-31c8354ac9f0/3d044140-f9d8-11e6-8b24-f56067a49785/RPME2016_complet_ExportHD_bv_work_ld.pdf

 Concernant la commande publique, les PME demeurent en 2013, le principal fournisseur des collectivités territoriales, avec 65 % de leurs contrats notifiés et près de 40 % des montants attribués dans l’année.

 En 2014, 75% des entreprises accompagnées par le capital-investissement français sont des PME confirmant que les PME, y compris les TPE, sont toujours très largement la cible prioritaire des investisseurs français en capital, sachant de plus que les ETI représentent également les 25 % restant.

 En 2013, en France, 2/3 des Dépenses Intérieures de R&D de l'année (DIRDE) sont à attribuer aux PME et aux ETI localisées sur le territoire. Les PME réalisent, à elles seules, 7,5 Md€ de travaux de R&D en 2013, ce qui correspond à 24 % de la DIRDE, et emploient 32 % des personnels de R&D en entreprise. En ayant de plus augmenté leurs dépenses internes de R&D de 5,4 % en volume cette même année, elles confirment d’ailleurs très fortement leur évolution « à contre-courant » du ralentissement de l’activité de R&D du reste des entreprises françaises et notamment des grandes entreprises qui n’enregistrent une hausse que de(+ 0,4 %) sur la même période.  A l’échelle des territoires, il apparaît que dans la moitié des régions, les PME réalisent

au moins le tiers des dépenses de R&D locales.

 Concernant, les pôles de compétitivités qui figurent de fait parmi les leviers les plus importants qui concourent à la mise en œuvre d’écosystèmes créateurs de projets collaboratifs de RDTI et de richesse à fort ancrage territorial, en 2013, 86 % des entreprises membres de ces pôles sont aussi des PME alors que les ETI et les grandes entreprises en représentant respectivement 12 % et 2 %.

 Autre chiffre très intéressant réside aussi dans le constat qu’en 2014, 77 % des déposants personnes morales françaises avec un brevet publié en 2014 étaient aussi des PME ou des ETI.

Ainsi, au regard des résultats de ce même rapport il apparaît (qu’en France), les PME sont même finalement « les seules entreprises à n’avoir rien concédé à la crise en matière d’innovation. »

Point n’est besoin de pousser plus loin la démonstration pour souligner l’importance, le poids et le potentiel des PME à toutes les échelles de l’économie contemporaine (Torrès, 1999); (Torrès, 2007). Cependant, afin d’affirmer et de mieux poser les bases de nos propositions, il y a tout de même une urgente nécessité de reconnaître à quel point les PME sont des acteurs de premier ordre parmi les partie-prenantes des dynamiques en cours dans l’ensemble de nos économies actuelles. Car en effet, leur capacité à apprendre, à produire et à transmettre des savoirs ainsi que des valeurs est impressionnante au même titre que le sont leur réactivité, leur agilité et leur potentiel d’adaptation aux changements de leur environnement.

Et, même s’il faut bien admettre que certes elles sont fragiles, globalement, leur puissance économique et humaine présente un potentiel largement suffisant pour changer la situation générale. Un potentiel qui s’il était mieux agrégé serait à même d’impacter très fortement les trajectoires des ensembles internationaux, des pays ou des régions, dans lesquels elles s’intègrent.

Ainsi, au vu du poids que les TPE-PME représentent dans l’immense majorité des économies locales de la France (et de l’ensemble des régions des pays de l’UE), il est nécessaire de mieux appréhender l’impact et de mieux mobiliser ce potentiel que renferment ce type d’organisations

(ainsi que celui du reste des « entrepreneurs régionaux » dits « périphériques » !) au sein des dynamiques et des évolutions des territoires européens si l’on veut que les RIS3 initient un quelconque changement réel et durable dans les régions des états-membres et par voie de conséquence dans l’ensemble de l’économie de l’UE.

Et finalement au même titre que la RIS3, pourrait parvenir à libérer et à optimiser le potentiel de l’ensemble de l’UE en assurant plutôt le développement voire une croissance plus modeste mais plus généralisée de l’ensemble des régions qui ne font pas partie des régions « leader » mais qui forment pourtant l’immense majorité des régions européennes (cf. Figure 8), l’enjeu est à peu près le même en ce qui concerne les dynamiques infrarégionales et la nécessité de considérer l’impact que pourrait avoir une meilleure considération des agents « outsiders » locaux dans le design des politiques d’innovation régionales.

Ainsi, afin d’augmenter le taux de réponses (cf. Figure 15) et de dépasser la mobilisation d’un nombre restreint d’acteurs « leaders » ou historiques au niveau régional (cf. Figure 21), il y a désormais un important challenge que nous souhaitons contribuer à relever concernant la meilleure stimulation, identification et prise en compte de cette majorité d’acteurs régionaux « périphériques » (TPE/PME, autoentrepreneurs et entrepreneurs individuels en situation de création d’entreprise, associations, etc.) ainsi que l’ensemble des acteurs clés qui évoluent dans le champs de la recherche et de l’innovation (universités, laboratoires, incubateurs, centres de transfert et de valorisation, acteurs du capital-risque, cabinets de conseil, etc.) et des autres acteurs socioéconomiques « inhabituels » (partenaires sociaux, consulaires, associations, et autres membres de la société civile, etc.) dans l’implémentation des processus de DE de la RIS3, si l’on veut aboutir à l’élaboration de stratégies territoriales 2.0 beaucoup plus participatives et collaborativement consolidées.

Ce constat est d’ailleurs intimement lié à la seconde des recommandations que nous avons choisi de relever : à savoir l’évolution du rôle de la sphère « publique » dans le pilotage de ces nouvelles stratégies d’innovation territoriales.

Car en effet, avec l’avènement des smart spacialisation strategy, même si c’est encore aux responsables politiques qu’il appartiendra toujours de valider en dernier ressort les choix de la spécialisation « intelligente », il est clair que « leurs décisions seront d’autant plus légitimes

qu’elles s’appuieront sur une plus large concertation ouverte et contradictoire »75 qui doit être portée par les processus de DE mis en place dans les régions.

Mais dans ce nouveau schéma que propose la RIS3, « il revient aussi désormais aux autorités

régionales non seulement d’initier, mais aussi de faire vivre ensuite ces processus de DE en déployant des actions incitatives et collaboratives impliquant un maximum d’acteurs économiques et sociaux » de sorte à ce qu’il soient tous considérés comme de vrais

« entrepreneurs régionaux » potentiels.

3.1.2.2. Préconisation n°2 : La nécessité d’accompagner progressivement l’évolution du rôle de la sphère « publique » dans le pilotage de ces nouvelles stratégies

Parmi l’ensemble des premiers enseignements qui ont été couramment établis au cours de la récente implémentation des RIS3 nous retenons aussi cet autre élément prépondérant qui est présent dans nombre de publications et dans beaucoup des réflexions qui ont précédé leur mise

75 Voir le « Guide pour la préparation des stratégies de spécialisation intelligente des régions françaises » publié en 2012 (p. 30) :

http://www.europe-en-france.gouv.fr/Centre-de- ressources/Etudes-rapports-et-documentation/Guide-pour-la-preparation-des-strategies-de-specialisation-intelligente-des-regions-francaises/(language)/fre-FR)

en action en 2014 : le changement de rôle qui incombe aux pouvoirs publics et l’impact que ce changement devra porter sur la teneur des systèmes de gouvernance ainsi que des systèmes d’incitation qui devront être mobilisés dans le pilotage complexe qu’implique ce nouveau genre de politiques.

Car le désir de mettre en place des processus de remontée d’initiatives ascendants introduit certes de nouveaux challenges pour instrumenter cette dynamique inédite et « bottom-up » de découverte entrepreneuriale. Mais il ne signifie pas pour autant la disparition des actions « top-down » que les divers gouvernements régionaux ne pourront et ne devront cesser de devoir mener.

Bien au contraire, (Foray et al., 2011) soulignent d’ailleurs très tôt la nécessité de dépasser cette vision dichotomique et ils signalent dès le départ combien les programmes politiques qui prétendront suivre la logique de la S3 devront être « sophistiqués » afin de soutenir « une

dynamique itérative bidirectionnelle » au sein de laquelle l’action politique devra désormais, à

la fois :

(1) Identifier et renforcer la découverte entrepreneuriale :

- (1a) En appuyant et en canalisant parfois les initiatives entrepreneuriales dans certaines directions,

- (1b) en trouvant et en fournissant des mécanismes d’incitation qui compenseront les risques assumés par ceux qui s’engagent dans ces activités de recherche et de découverte entrepreneuriale (sans toutefois tomber dans les travers d’un support qui s’apparenterait à un financement indirect ou détourné d’industries particulières …)

- (1c) en encourageant ensuite les stratégies « d’imitative entry » de la part des autres RE dans les champs d’excellence identifiés, afin d’obtenir une masse critique d’acteurs évoluant dans ces domaines à l’échelle régionale dans le but de maximiser les effets d’agglomération et le potentiel d’épanchement à d’autres secteurs connexes

(« spillovers ») via de multiples améliorations progressives (« up-grading »). Car il est

certain que les entrepreneurs qui feront les découvertes ne pourront de toute façon que capturer, s’approprier ou exploiter entièrement à eux seuls qu’une infime partie de la valeur sociale et du potentiel qu’ils auront mis à jour (Foray, 2009a, p.15).

(2) Evaluer et estimer l’efficacité ou le potentiel des résultats qui en découleront, afin de s’assurer que le soutien accordé aux initiatives ne s’arrêtera pas trop tôt ou ne se poursuivra pas trop longtemps au contraire (et d’éviter ce faisant que les aides financières ne soient gaspillées dans des projets qui ne seraient pas viables).

(3) Coordonner et fournir les investissements complémentaires qui seront nécessaires, (en termes par exemple de formation et d’éducation des ressources humaines régionales) pour pousser et pour renforcer les tendances et les spécialisations émergentes afin qu’elles croissent et qu’elles puissent prétendre à devenir de solides moteurs de l’économie régionale à moyen-long terme.

Ces multiples enjeux sont intrinsèquement liés voire même interdépendants. Il est clair que chacun pourrait constituer à lui seul un champ entier d’investigations et l’objet d’améliorations à apporter pour parfaire l’efficacité de la puissance publique dans la mise en place des RIS3.

Mais parmi ce spectre de challenges, l’ambition de notre travail et des propositions qui en découleront se centre plus précisément sur une quatrième déclinaison au sein de la première de ces nouvelles actions politiques qui incombent dorénavant aux organismes publics.

Car en effet l’intérêt principal de ce travail porte sur un nouveau socle d’objectifs qui pourraient constituer un ‘(1d)’ au sein des actions politiques qui concernent la facilitation et le

renforcement du processus de DE (cf. (1a) (1b) (1c) ci-dessus), à savoir le fait de devoir

désormais :

A. Permettre la circulation d’un maximum d’informations utiles entre les différents

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