• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE IV : ADOLESCENT ET PROJET DE VIE

4.5. Le débat autour du projet

4.5.3. Les stratégies de projet et les apports des théories du coping

Pour la théorie du coping la réalisation d’un projet consiste à faire face aux obstacles ou aux entraves qui déclenchent plus ou moins les angoisses chez le sujet, ce qu’on peut aussi considérer des conflits.

Nous rappelons la notion de coping évoquée dans le deuxième chapitre sur le traumatisme : selon Lazarus et Folkman (1984) qui établirent la notion de coping ou le processus d’ajustement c'est l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, à réduire, à tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources de l’individu.

131

Les modes de réactions furent conceptualisés abusivement comme des mécanismes de défense qui, l'explique la psychanalyse, sont inconscients. Ils sont considérés en fait comme des réponses (stratégies conscientes) à un évènement stressant ou conflictuel (Billing & Moss, 1981 ; Folkman & Lazarus, 1980 ; Folkman, 1980 ; Folkman & Lazarus, 1985 ; Folkman & al., 1986). Ces auteurs ont défini une typologie des processus de coping en distinguant d’une part des stratégies d’ordre émotionnel, d’autre part des stratégies centrées sur le problème.

Les stratégies d’ordre émotionnel servent à réguler l’émotion causée par les facteurs stressants divers, également leurs fonctions sont de modifier les impacts physiologiques et émotionnels liés au stress ou l’intervention sur la situation stressante elle-même. Grâce à cette dynamique, le sujet peut se sentir mieux avec une meilleure estime de soi et il est capable de donner le sens à sa vie en dépit de la situation anxiogène.

Les stratégies centrées sur le problème ont la fonction de changer en mieux le problème posé par le stress. Ces mécanismes s'efforcent de modifier les sources de stress.

D’après ces auteurs, ces deux types de stratégies se complètent l'une l'autre.

Selon Safont (1992) et la théorie du Laboratoire de Psychologie de la Socialisation - Développement et Travail (LPS-DT) les stratégies sont mises en place par le sujet pour dépasser les conflits liés à la quête identitaire en se centrant sur les conduites de projet, « les

stratégies de projet comme moyens pour résoudre un conflit identitaire. Les conflits sont repérables au niveau des relations interpersonnelles selon les circonstances, les temporalités, les socialités » (Safont, 1992, p. 101).

Selon Tap & al (1995), le terme de stratégie renvoie à l'articulation d’une logique interne finalisée et de conduites réalisatrices. Autrement dit, c’est le processus cognitif qui fabrique la stratégie de la dynamique de décision, la définition des buts, le choix des moyens ; de plus elle est considérée comme un mode d’investissement motivationnel et émotionnel qui permet au sujet de suivre des chemins d’élaboration et d’exécution (Safont, De Léonardis, Lescarret, 1997).

Dans notre recherche, nous empruntons les six stratégies de projet étudiées et identifiées dans les travaux antérieurs (Safont, 1992 ; Safont, De Léonardis & Oubrayrie, 1994 ; Safont, De Léonardis & Lescarret, 1997 ; Dang Hoang Minh, 2006 ; Nguyen Ngoc Diep, 2012).

Ces stratégies sont considérées comme les modes des fonctionnements de l’adolescent pour faire face à un projet contrarié. Elles sont définies par ces auteurs en fonction de la

132

relation qu'un sujet entretient entre son mode d’investissement et la conservation ou l’abandon le but.

- Les stratégies autonomes et structurantes : le sujet est capable de se relancer et de dépasser les conflits rapport à son projet-but.

a) Mobilisation : Le sujet maintient le projet choisi en cherchant les moyens appropriés pour dépasser les entraves, c’est la capacité du sujet de réorganiser les moyens et les actions.

b) Réajustement : le sujet change de projet mais il ne se démobilise pas. Il y a la

modification du projet suite aux moyens et aux situations existants.

- Les stratégies hétéronomes : le sujet est incapable de trouver la solution lui-même pour réaliser le projet quant au problème.

c) Mimétisme : le sujet maintient le projet en acceptant les moyens que les autres

imposent.

d) Apathie : le sujet attend que les choses se résolvent, il se démobilise et laisse le

choix des buts et des moyens au hasard.

- Les stratégies réactionnelles contre-dépendantes : le sujet se révolte ou s’évade par rapport au conflit.

e) Opposition : le sujet se mobilise sur l’obstacle et oublie le projet, c’est l’obstacle

qui est le plus important, il réagit à l’obstacle sans réfléchir, sans penser aux moyens pour dépasser les obstacles. Il y a une forme de mobilisation mais détournée du projet, elle se fait par opposition à l'égard d’une personne, d’un groupe ou d’une entité.

f) Utopie : le sujet maintient le projet mais les conflits sont niés et les moyens

concrets pour dépasser ces conflits ne sont pas pris en compte. C’est une forme de mobilisation idéaliste.

En guise de conclusion générale du chapitre adolescent et projet de vie

Après cette analyse critique des différentes approches de la psychologie, il est intéressant de souligner que l’« adolescence » est une période de crise ouvrant a priori sur deux conceptions possibles : l'une qui contraint le sujet aux transformations, aux changements, aux difficultés sur différents plans de vie, l'autre qui en même temps offre au sujet l’occasion d’élargir son champ psychologique et d’affronter de nouvelles situations sur

133

le plan du développement cognitif, social et affectif par le dépassement des conflits intra et interpersonnels.

Suite au débat théorique sur le développement de l'adolescent, et hormis la modalisation comportementale qui considère l’adolescent comme un être adaptable, rectifiable par des programmes savamment mis au point, nous soulignons ici notre intérêt vis- à-vis du choix de la théorie que nous organisons dans l'ordre suivant :

- la modélisation constructiviste du développement intellectuel et de la connaissance : l’approche piagétienne est centrée sur la progression harmonieuse et tout-venant de la connaissance et non pas sur l'approfondissement sur des troubles du développement, les drames affectifs susceptibles de perturber la personnalité. Selon la modélisation piagétienne du développement cognitif, celui-ci se déroule par la modification progressive de l'organisation des conduites et par une adaptation équilibration entre assimilation et accommodation de plus en plus élaboré aux milieux ou à la réalité. Cette adaptation consiste en la conquête d'une objectivité qui assure la réussite pratique, la compréhension et l'explication objective de la réalité. A l’adolescence caractérisée par le stade des opérations formelles, c’est le moment de la construction de la connaissance large et abstraite et qui permet au sujet de donner le raisonnement le plus proche, d’envisager ce qu’il veut devenir et faire, vis-à-vis du problème rencontré ;

-

la modélisation psychodynamique du développement de l’homme considère

l'adolescent comme s’engageant dans son histoire et dans ses actes, donnant du sens aux situations et à soi-même. Dans ce courant, nous nous intéressons à l’approche freudienne qui met l’accent sur le développement de l’adolescent en terme de stade de la puberté dans lequel le sujet transforme son désir pulsionnel vers l'hétérosexualité et investit de nouveaux objets (les pairs) et non plus vers le fantasme incestueux ;

- la modélisation socio-émotionnelle du développement : nous nous intéressons à l’approche wallonnienne et à celle du Laboratoire de Psychologie de la Socialisation - Développement et Travail (LPS-DT) sur le développement de l’adolescent dans lequel les ruptures et les crises ne sont pas les facteurs déterminants des troubles

psychologiques chez le sujet, mais sont considérées comme les moteurs dynamiques

faisant que le sujet s'en détache grâce au processus de construction de l'identité, cette dernière permet au sujet de se comparer, de se repérer, et de se modeler afin de

134

pour Wallon, le projet de vie est considéré comme le processus dynamique de résolution de la crise adolescente.

Dans la perspective de la psychologie dynamique du développement, ces choix théoriques nous amènent à définir le PROJET comme l’équilibre entre différentes

représentations à savoir la représentation de soi, la représentation sociale, la représentation mentale (cognitive) et la représentation du temps (perspective temporelle passé, présent, avenir). Il est comme l’identification d’un but et des stratégies d’action pour atteindre ce but, également il est un compromis et une création résultant de la résolution des conflits élaborés par le sujet.

135