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CHAPITRE II : LE TRAUMATISME : CONTROVERSE DES

2.3. L’approche phénoménologique occidentale du traumatisme

En tant qu’« étude descriptive des vécus psychologiques (actes, états, croyances,

objet) tels qu’ils peuvent apparaître à la conscience de celui qui en fait l’expérience »

(Vermersch, 2000, p. 687), cette approche présente l’intérêt de tenir compte du point de vue du sujet.

2.3.1. Selon le neuropsychiatre allemand Hermann Oppenheim (1857- 1919)

Suite à l’avènement des accidents de chemin de fer, le terme de névrose traumatique est né et utilisé par les praticiens, ce mot a été créé par Hermann Oppenheim en 1888 dans son ouvrage qui s’appelle « Die Traumatishen Neurosen » tandis que Charcot, en France, a refusé l’hypothèse du railway brain pour défendre la théorie du choc émotionnel.

A partir de l’analyse des affections de 42 cas qui ont vécu un accident de travail et des accidents de chemin de fer, Oppenheim décrit l’état des affections de ces clients comme suit : - les clients présentent les contenus idéiques de manière uniforme : ils sont obnubilés

par les images de l’accident ;

- les clients présentent des troubles d'anxiété grave déclenchés par tout ce qui leur rappelle les événements traumatiques qu’ils ont vécus ;

- les clients présentent des troubles du sommeil avec des cauchemars qui reproduisent les accidents et accompagnés de cris et d’agitation ;

- les clients présentent un état d’excitabilité physique et émotionnelle (sensibilité à la simulation à l’extérieur, facilité à pleurer, repli sur soi…).

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Dans cette analyse, Oppenheim décrit aussi certains symptômes de l’hystérie apparaissant chez le sujet tels que les fausses paralysies, les contractures, les anesthésies cutanées… etc.

Au plan étio-pathogénique, Oppenheim opte pour la thèse psychogénique et il a créé le terme de « traumatisme psychologique ». Il incrimine l’effroi, qui provoque un ébranlement

psychique et affectif « tellement intense qu’il en résulte une altération psychique durable »

(Crocq, 1999, p. 217).

2.3.2. Selon le psychologue français Pierre Janet (1895-1947)

En référence à l’approche cognitivo-émotionnelle, le travail de Janet sur la névrose traumatique reconnaît actuellement un regain d’intérêt. Dans son travail de doctorat de lettres intitulé « Automatisme psychologique » (1889), Janet s'est consacré à découvrir l’inconscient traumatique, ensuite en 1919 dans son livre intitulé « Les médicaments psychologiques » Janet a divisé la vie psychique en deux niveaux, un niveau supérieur qui renvoie à la conscience et un niveau inférieur, celui de l’Automatisme psychologique.

Sur le plan pathogénique, Janet explique la « désagrégation de la conscience », par une « dissociation » où certaines pensées, émotions, comportements pourraient fonctionner de manière automatique et inadaptée. Ces souvenirs isolés sont nommés par Janet « l’idée

fixe » qui fait bande à part dans le subconscient sous forme de parasite. Elle se développerait

de façon autonome et en dehors de la volonté de la conscience individuelle.

Pour Janet, ce seraient les traumatismes psychologiques qui seraient à l’origine de la

dissociation, le sujet serait alors incapable de se détacher du souvenir de son trauma.

2.3.3. Les critiques formulées par le courant actuel de phénoménologie par rapport au réductionnisme de l’approche symptomatologique

Les psychiatres francophones Crocq (1965, 1974, 1986, 1999), Barrois (1988) puis Briole et Lebigot (1994) ont critiqué les insuffisances du concept américain de PTSD car leurs expériences cliniques s’accordent à distinguer trois phases dans le syndrome psycho-

traumatique : immédiate, post-immédiate et la période chronique.

Or selon l’approche comportementale du DSM-4 puis 5, le Désordre de Stress Post

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l’individu après qu’il ait vécu les événements traumatiques. Toujours selon ce point de vue, ce sont les événements catastrophes qui sont importants, c’est leur gravité qui détermine le développement des troubles psycho-traumatiques et non le vécu personnel de l'événement par le sujet (de Clercq et Lebigot, 2001).

Avant de présenter les trois phases par lesquelles le sujet manifeste les syndromes psycho-traumatiques, nous précisons ici qu’est-ce que c’est l’évènement traumatique selon l'approche phénoménologique : l'événement traumatique ou traumatogène est un événement catastrophe qui se passe de façon soudaine et imprévue et qui blesse le sujet tant au plan physique que psychologique. Trois périodes sont alors à envisager :

- Une période immédiate

Il est important ici pour le courant phénoménologique de marquer clairement une différenciation par rapport au courant comportementaliste et d'employer l'expression de période immédiate pour en faire un véritable concept. Pour la plupart des phénoménologues contemporains la « réaction émotionnelle » désigne ce à quoi renvoie le concept de période immédiate, tant dis que le langage courant et la publication scientifique utilisent le vocabulaire de « réaction de stress ». La CIM-10 la nomme « la réaction aigue à un facteur

de stress ». Il n’y a pas de désignation liée à ce concept dans la nosographie américaine du

DSM version 4.

Crocq nomme cette période comme la « réaction immédiate » qui désigne le moment où le sujet fait face immédiatement à l’agression et cela ne dépasse que quelques heures et au maximum vingt-quatre heures. Suite à l’événement soudain et qui menace la vie, le sujet présente « immédiatement, de façon quasi réflexe, une réaction d’alarme, de mobilisation et

de défense qui lui permet de faire face à cette agression » (Crocq, 2012).

Crocq décrit que la période immédiate manifeste une importance majeure, c’est cette période qui va permettre de déterminer si le sujet a subi l’événement agressif sur le mode du

« stress adapté » ou s’il l’a subi sur le mode traumatique de « stress dépassé ».

Crocq (2012) décrit quatre formes cliniques de la période immédiate comme suit : la sidération, l’agitation, la fuite panique et le comportement d’automate.

- Une période post-immédiate

La période post immédiate s’étend entre le 2ème et le 30ème jour suivant l’événement traumatique. Selon Crocq (2007), pendant cette période deux éventualités peuvent se présenter chez le sujet, soit il retourne à l'état normal en se détachant des souvenirs de

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l'événement traumatique, soit les séries de symptômes apparues pendant la période immédiate s’éteignent progressivement. Crocq nomme cette période : « phase de latence d’une névrose

traumatique ». A l’observation clinique, dans cette période, le sujet ne se plaint pas, reste

silencieux, mais il demeure isolé, en repli sur soi, est peu expansif. Cette période est cruciale (Crocq, 2007), le sujet présente des troubles correspondant à « l’état de stress post-

traumatique transitoire » expliqué dans la CIM-10. C’est un moment qui constitue donc une

période charnière et qui exige une surveillance importante associée à des interventions préventives et/ou thérapeutiques.

- La période chronique

Toujours Crocq décrit également la période chronique. Elle apparaît successivement au-delà d’un mois suite à la période post-immédiate ; dans cette phase le sujet présente des symptômes de pathologie psycho-traumatique chroniques.

Nommée ainsi par le neuropsychiatre Oppenheim (1888) pour le cas de l’accident de chemin de fer, la névrose traumatique désigne la dynamique psychique correspondant aux troubles psycho-traumatiques chroniques. A partir 1980, on sait que la nosographique du DSM-4 ne s'intéresse qu'au syndrome de l’état de stress post-traumatique et que quelques années plus tard soit en 1992, la classification internationale des troubles mentaux (CIM-10), appelle ce syndrome diagnostique modification durable de la personnalité après une

expérience de catastrophe.

Selon Crocq (2012), au plan clinique le syndrome psycho-traumatique chronique repose sur les trois éléments caractérisés par le syndrome de répétition, l’altération de la

personnalité, et des symptômes non spécifiques à condition que le sujet ait seulement vécu

l’événement traumatique, mais aussi qu'il l'ait vécu sur le " mode du trauma, dans l’effroi,

l’horreur, le sentiment d’impuissance et l’impression d’absence de secours" (Crocq, 2012, p.

60).

Le syndrome de répétition : pour Crocq le syndrome de répétition ou le syndrome de

reviviscence involontaire itérative est un ensemble de manifestations cliniques par lesquelles

le sujet traumatisé revit intensément l'événement, contre sa volonté et de manière itérative, autrement dit répétitive. Il a distingué le syndrome de répétition en sept modes : la reviviscence hallucinatoire, la reviviscence par l’illusion, le souvenir forcé, la rumination mentale, le vécu comme si l’événement allait se reproduire, l’agir comme si l’événement se reproduisait, et le cauchemar de répétition. Ces reviviscences se manifestent de façon

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spontanée ou provoquée et leur fréquence peut s’étaler de plusieurs fois par jour à quelques fois par semaine.

L’altération de la personnalité : selon Fénichel (1945) l’altération de la personnalité est définie comme un blocage de trois fonctions :

- la fonction de « filtration de l’environnement » : le sujet n’est plus en mesure de distinguer dans l’environnement ce qui est dangereux de ce qui ne l’est pas ;

- la fonction de « présence au monde » : le sujet n’a plus de volonté d’être au monde ; - la fonction « libidinale d’amour et de relations à autrui ».

Ce blocage des fonctions est à l’origine d’un repli sur soi et d’une irritabilité caractérielle. Les symptômes non spécifiques : ils sont caractérisés par les manifestions de la personnalité antérieure : asthéniques (physique, mentale et sexuelle), les troubles de l’anxiété avec la crise d’angoisse, les troubles psychosomatiques et les troubles des conduites et du comportement (tentative de suicide, fugues, agressivité, anorexie, boulimie).