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CHAPITRE II : LE TRAUMATISME : CONTROVERSE DES

2.5. La résilience

2.5.3. Les ressources résilientes diverses au Cambodge

Non seulement la famille, les amis et les proches, mais aussi la culture, la religion et la nature sont les ressources résilientes indispensables pour les Cambodgiens pour dépasser la souffrance psychique. Ces ressources sont peut-être différentes de celles du contexte occidental surtout la culture et la croyance (Eisenbruch, 1991 ; Lescarret & Bertrand, 2012). Nous avons vu comment les Cambodgiens se représentent différemment la santé mentale par

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rapport aux Occidentaux. Selon TPO23 (1997) les Cambodgiens ont leur propre ressource personnelle, leur propres pratiques communautaires pour faire avec la souffrance et ils ont une façon unique pour vivre avec cette souffrance. La philosophie du bouddhisme est la ressource principale actuelle pour les gens afin de soigner les problèmes psychologiques (Trungpa, 2005). Dans le contexte cambodgien, le bonze joue le rôle de guérisseur en aidant son patient à comprendre sa souffrance psychique, en donnant des médicaments traditionnels et en redonnant espoir via les rituels, afin que le sujet puisse sortir du traumatisme (Nhong, H & Nhong, S., 1999). De ce fait, le bonze procède avec de l’eau bénite sur la personne souffrante parce qu’on croit que ce rituel permet non seulement de sortir le mauvais esprit du corps du patient, mais aussi de renforcer son Moi. De plus, le bonze donne des conseils aux gens qui portent une maladie psychologique pour qu’ils puissent reprendre un bon chemin de la vie, également il explique le concept du Karma qui aide les gens à accepter ce qu’on se fait de mal et ce qui nous fait du mal. Enfin, le bonze pratique la méditation par la relaxation comme méthode de traitement qui aide le patient à maîtriser son affect.

Krou Khmers, Krou Boran et voyants jouent leur rôle, tout comme les guérisseurs traditionnels qui accueillent les gens ayant des problèmes psychologiques, utilisent des médicaments à base de plantes, effectuent des rites afin de faire sortir les mauvais esprits qui rendent malade le patient. Ils donnent aussi des conseils qui servent de guide pour résoudre le conflit familial et le problème de couple…etc. Ils sont considérés comme les personnes clés dans le domaine d'intervention de la santé mentale dans le contexte cambodgien actuel.

Est-ce que le concept de karma utilisé au Cambodge est une ressource pour les gens pour dépasser la souffrance psychique lié au traumatisme ?

Bertrand (1993) explique avec son approche clinique interculturelle que le karma est le résultat des actions bonnes ou mauvaises accomplies dans les vies antérieures, qui forme

l'énergie vitale des réincarnations et des naissances successives. C'est l'acte avec ses

conséquences.

L'idée de karma est essentielle dit-il car elle est liée à celles de la préexistence et de la renaissance comme issue de récompense ou de châtiments. Elle peut parfois se traduire par une attitude résignée face au malheur et à la douleur considérée alors comme le résultat d'actes d'une vie antérieure. En somme le karma induit une certaine résignation par rapport aux événements de la vie mais un haut sens de la responsabilité personnelle. L'individu est

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assuré qu'aucun de ses efforts n'aura été perdu, il recommencera sa vie future au point d'équilibre parvenu lors de son existence précédente. Personne ne peut modifier le karma de l'autre, il faut s'aider soi-même, l'homme naît, vit, souffre et meurt seul. L'homme est responsable de sa destinée future par une relation de causes à effets. Selon les actes méritoires accomplis dans cette vie, chacun pourra renaître sous une forme plus favorable et ce que l'on subit dans sa propre vie n'est que le résultat inévitable de conduites passées. Toutefois le soi est impermanent précise Bertrand (ibid.), si bien que ce n'est de toutes façons pas soi qui renaît dans une nouvelle vie, il n'y pas stabilité de l'être, il se décrée et se recrée dans les vies successives.

Toujours pour Bertrand (ibid.), dans le monde Bouddhiste, la personne est un processus de synthèse entre la vie intérieure et la réalité sociale extérieure mais aussi avec un sentiment de continuité et de cohérence personnelle à l'intérieur du Moi et ce, de manière transgénérationnelle. En ce sens, le Bouddhisme fait aussi preuve d'un individualisme spirituel.

Ces éléments d'un univers religieux au-delà de pratiques cultuelles ou de vénération imprègnent profondément la civilisation cambodgienne, sa littérature et marquent certaines conduites et induisent les modes de penser et de se comporter (ibid.).

Que peut signifier le karma et comment peut-il être traduit en termes psychologiques ?

Bertrand (1993) décrit que l'enfant est conçu comme inscrit dans un cycle de renaissances avec une charge de karma (résultat des actions bonnes ou mauvaises de ses vies précédentes) qui va orienter son destin. En même temps, il développe une identité qui est prise dans un réseau de relations sociales et familiales hiérarchisées qui lui apportera approbation et soutien plutôt qu'un moi individuel, qui se déploierait dans une solitude de la personne trouvant ses valeurs hors de son entourage, dans une réussite individuelle.

Depuis une dizaine d'années, les Cambodgiens peuvent aussi trouver des psychologues et des psychiatres lorsqu'ils portent une maladie mentale et même si leurs services ne sont pas encore reconnus largement par la société cambodgienne, leurs professions sont toutefois en cours de développement.