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La Stratégie de SONATRACH

Chapitre IV : La Politique Energétique Nationale

6. La Stratégie de SONATRACH

La valorisation de la production gazière en Algérie se caractérise par une double évolution : les exportations d’un coté, la satisfaction des besoins à long terme du marché national de l’autre coté. Cet arbitrage entre commercialisation externe et consommation interne semble puiser son fondement dans un des textes doctrinaux du pays, la charte

naturel constitue pour l’Algérie une source d’accumulation très importante. Rendre disponibles les sommes à engendrer par cette valorisation, c’est par conséquent susciter un moyen d’assurer le financement du développement du pays et édifier une base pour garantir l’indépendance financière de l’Etat… Aussi est il impérieux de ne pas hésiter à payer le prix que requiert une telle valorisation. Ce choix constitue un objectif stratégique de l’Etat. »

C’est exactement ce que visait le plan VALHID (plan de valorisation des hydrocarbures), étude élaborée pour SONATRACH en Aout 1977 par la société BECHTEL sous le titre « plan de développement des hydrocarbures en Algérie – Perspectives financières 11976 – 2005 »

La préoccupation centrale exprimée à travers ce plan était l’extraction pendant une durée de 30 ans, c'est-à-dire de 1976 à 2005, de toutes les ressources de pétrole, de condensat, et de GPL recensées ainsi que de la majeure partie des réserves prouvées de gaz. Cette production intensive des hydrocarbures et leur valorisation internationale était censée procurer, selon les responsables de l’économie nationale, des ressources financières largement suffisantes à la mise en œuvre d’un futur développement autonome.

Le financement des investissements prévu par le plan VALHID s’appuie, dans une large mesure, sur des emprunts extérieurs ce qui pouvait placer le pays dans une situation d’endettement insupportable sur la période envisagée (1976 – 2005). Le montant des investissements a été évalué par BECHTEL à 33,4 milliards de dollars (dollars constants de 1976) dont 17,4 milliards de dollars, soit plus de 50 % doivent être effectués en devises, c'est-à-dire principalement grâce au recours au marché financier international.

Lancé au courant de l’année 1977, le projet a du être abandonné deux années plus tard en 1979 en raison des nombreuses insuffisances qu’il recelait (retards dans la réalisation, surcoûts, faible rentabilité…) mais surtout des dangers qu’il véhiculait.

En effet, si le plan VALHID avait été appliqué à la lettre, cela aurait hypothéqué l’avenir énergétique du pays qui serait devenu à moyen et long terme dépendant en matière de combustibles fossiles (pétrole et gaz). Sans entrer dans le détail de toutes les difficultés qu’aurait généré la réalisation de ce plan, il est cependant utile d’en souligner les plus marquantes :

- Les investissements ont été orientés prioritairement vers les installations sur les champs de gaz, les gazoducs et les complexes de liquéfaction. La recherche-exploration ainsi que la pétrochimie considérée comme vecteur d’intégration, autrement dit l’amont et l’aval gazier sont complètement évacués des objectifs du programme.

- Le plan VALHID ne s’intéresse pas aux relations intersectorielles. L’attention est focalisée sur le seul secteur des hydrocarbures qui a plutôt une vocation exportatrice et de ce fait n’exerce aucun effet structurant sur les autres branches de l’économie nationale.

- Le projet VALHID fait également l’impasse aussi bien sur les limites des capacités financières du pays que sur la faible valorisation du GNL eu égard au caractère capitalistique de la branche.

- Dans leurs estimations, les concepteurs du plan n’ont pas pris en considération les retards qui apparaissent inévitablement tout au long de la réalisation (absence de traditions industrielles) engendrant de ce fait des surcoûts.

Toutes ces contraintes on poussé les décideurs à renoncer au projet VALHID c'est-à-dire à reconsidérer les options de gestion des ressources d’hydrocarbures et penser à des choix autrement plus rationnels. Dés le début de la décennie 1980, en effet, le pays adopte

vigilance procédait du souci de sécuriser en priorité, dans le long terme, les approvisionnements gaziers internes conformément à la stratégie définie par le modèle national de consommation de l’énergie.

Les échéances arrêtées pour la couverture des besoins nationaux s’étalent sur une quarantaine d’années environ (à compter de la décennie 1990). Concrètement, toutefois, ce modèle a très peu fonctionné, la logique de maximisation des exportations redevenant prédominante dés la fin des années 1990. La loi sur les hydrocarbures de 1986 et son amendement en 1991 qui instaure un nouveau régime (de partage de production) était déjà en réalité annonciatrice de ce revirement de position. Il s’agissait d’ouvrir l’amont pétro gazier au capital international afin de dynamiser l’exploration et augmenter par voie de conséquence les réserves et les capacités d’exportation, le secteur des hydrocarbures demeurant le moteur de la croissance économique dans la vision des autorités.

Pour appuyer cette démarche, le gouvernement a procédé au lancement de la construction de deux nouveaux gazoducs, MEDGAZ et GALSI, reliant directement l’Algérie à l’Espagne et l’Italie, d’une capacité combinée de 16 milliards de m3 par an dont la mise en service est prévue normalement en 2009 pour le premier et 2012 pour le second. Ces deux projets majeurs viennent s’ajouter aux anciens gazoducs GME et TRANSMED, passant par le Maroc et la Tunisie qui ont vu leurs capacités s’accroitre (La capacité du TRANSMED par exemple a été doublée, elle passe de 12 Gm3en 1983 à 25 Gm3 en 1996).

La promotion des exportations gazières, en tant qu’élément de politique énergétique, apparait nettement aussi à travers le renforcement des capacités de transformation du secteur. Dans le cadre du projet intégré de GASSI TOUIL, SONATRACH a en effet lancé deux nouvelles unités de liquéfaction de gaz naturel d’une capacité de 4,5 millions de tonnes par an chacune, situées respectivement à Skikda et Arzew.

Ainsi la réalisation de cet ensemble d’industries de transformation et d’infrastructures de transport devrait porter la capacité nationale d’exportation de gaz naturel à 85 milliards de m3 par an en 2010 contre un volume exporté depuis le début des années 2000 de 62 milliards de m3 par an selon les déclarations officielles98, soit une quantité additionnelle de 23 milliards de m3 par an. Le développement de la filière GNL99 consolide, en quelque sorte, la tendance exportatrice du secteur puisque outre le fait que le marché traditionnel Européen continuera d’absorber une partie importante du gaz naturel Algérien grâce à la proximité géographique et l’existence de gazoducs, des volumes supplémentaires de GNL en liaison avec l’expansion prévisible de la production aux champs, peuvent être acheminés par méthaniers vers les marchés américain et asiatique.

Ceci dit, c’est la flexibilité commerciale du GNL suggérant une mise en concurrence des clients qui explique son essor, la vente de gaz naturel, dans le cadre de contrats à long terme, étant jugée relativement rigide et contraignante. L’objectif poursuivi par les responsables est d’ailleurs, d’équilibrer les ventes à l’exportation entre gaz naturel transporté par gazoducs et GNL transporté par méthanier au plus tard à l’horizon 2020. La faisabilité de ce projet est, cependant, plus complexe et se heurte à de multiples contraintes.

6.1. La politique d’exportation gazière : Objectifs et contraintes

Dans son planning, SONATRACH a prévu d’exporter 85 milliards de m3 de gaz en 2010, c'est-à-dire 23 milliards de plus par rapport à l’année précédente 2009 dont les volumes d’exportation n’ont pas dépassé les 62 milliards de m3. Les prévisions de SONATRACH s’appuient sur le développement du projet intégré GASSI TOUIL, au sud de Hassi Messaoud,

98KHELLIL.C. “Eléments de politique énergétique”, M.E.M, 2009

9939,6 millions de m3de GNL ont été exporté en 2007 par SONATRACH. Le lancement par la compagnie de deux nouveaux projets l’un à Skikda en remplacement de GL1K détruit accidentellement en 2004 d’une capacité de 4,5 millions de tonne (Mt), et l’autre à Arzew d’une capacité similaire devrait accroitre

dans le cadre d’un contrat de partage de production signé en 2004 entre la compagnie nationale et le groupe espagnol REPSOL–GAS NATURAL, à l’issue d’un avis d’appel d’offre international remporté par ce dernier.

Les clauses contractuelles portent sur le forage de 52 puits, la reprise de 16 existants, la construction d’installations de surface pour le traitement de 22 millions de m3par jour de gaz, la mise en place de nouvelles canalisations d’une capacité de 6,5 milliards de m3par an et la construction d’une usine de liquéfaction de 4 millions de tonnes par an. Le projet qui devrait entrer en fonctionnement en 2009 à été résilié par SONATRACH dès septembre 2007 en raison des retards accusés dans la réalisation et des surcoûts que cela a généré.

Selon les dirigeants du tandem REPSOL-GAS NATURAL, l’achèvement du projet ne pouvait pas être envisagé avant la fin 2012 au plus tôt. Le non respect par les espagnoles des engagements consignés dans le cahier des charges a donc forcé SONATRACH en 2008 à recourir à l’arbitrage international pour trancher sur le différend. Ce litige a bien évidement contrarié les objectifs de la compagnie qui s’est retrouvée obligée de relancer en effort propre les opérations prévues par le contrat (forage, infrastructures et installations de traitement, unité de GNL) pour tenir les promesses de vente envers ses clients. La mission paraît compliquée pour SONATRACH qui ne dispose pas des ressources humaines, techniques, et financières lui permettant de mener à son terme le projet. Le pari semble d’autant plus difficile à exécuter que la consommation intérieure de gaz a considérablement augmenté au cours des dernières années.

En une décennie, de 1998 à 2008 cette consommation est passée de 18,2 Gm3 à 26,6 Gm3 soit une évolution à un rythme annuel moyen de 4,6 %. Pour l’année 2009, la progression est encore plus marquée avec 6,6 % de hausse par rapport à l’exercice 2008