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Le marché du gaz naturel

Chapitre II : Fonctionnement des marchés et stratégies des opérateurs

3. Les principaux marchés énergétiques

3.1 Le marché du gaz naturel

Contrairement au pétrole, et comme nous l’avons déjà noté, le marché du gaz naturel n’est pas mondialisé mais régionalisé en trois pôles géographiques distincts au sein desquels le processus de formation des prix obéit à des logiques différentes : le marché Nord-Américain, le marché Européen et le marché Asiatique.

Le transport international du gaz s’effectue, pour l’essentiel, par le biais de gazoducs. Ce qui reste est transformé sous forme de GNL et acheminé par des méthaniers vers les centres de consommation.

Les flux mondiaux de gaz naturel restent relativement faibles comparés à ceux du pétrole (25% contre 50%), et concentrés. Ils concernent surtout les Etats-Unis, l’Union Européenne et le Japon où le gaz représente respectivement 25% de la consommation de l’énergie, 24% et 14%, c'est-à-dire en grande partie les pays de l’OCDE.

En matière de réserves mondiales, trois pays à eux seuls détiennent 60%. Il s’agit de la Russie, de l’Iran et du Qatar avec respectivement 30%, 15% et 15%.

Les exportations de gaz sont assurées essentiellement par un oligopole constitué par la Russie, la Norvège et l’Algérie. Le commerce international du gaz est donc dominé, pour l’instant par un nombre restreint d’acteurs et les principales transactions sont captées par le marché Américain et Européen. L’analyse de ces deux marchés permet de mieux situer les enjeux autour de la rente gazière.

3.1.1 Le marché du gaz aux Etats-Unis

Les Etats-Unis participent à hauteur de 21% dans la production mondiale du gaz. Ce niveau a sensiblement augmenté depuis la découverte des gaz non conventionnels, et place, désormais, les Américains à la première place devant la Russie (23%), bien loin devant le Canada (7%), la Grande Bretagne (4%), l’Algérie (4%) et la Hollande (4%). C’est dire que les Etats-Unis figurent parmi les principaux producteurs mondiaux de gaz, tout en étant également le premier consommateur dans le monde avec 23%. Le gaz est surtout utilisé pour la production de l’électricité et y contribue dans une marge de 20%, par la mise en place accélérée des cycles combinés à gaz. Les besoin en gaz des Etats-Unis sont, fondamentalement, satisfaits par la production nationale (80%), les 20% restants sont importés et constituent pour le moment un apport au programme énergétique national. Pourtant les importations sont appelées à augmenter dans le moyen et long terme en raison de la décroissance des réserves.

Le marché Américain est caractérisé par une forte concurrence dans les sphères de la production (environ 8000 opérateurs), mais aussi au niveau du transport (des centaines de sociétés), et de la distribution (1000 entreprises).

Les prix du gaz sont, aujourd’hui, libres aux Etats-Unis même si l’accès aux réseaux demeure régulé. Ils sont donc régis par les mécanismes du marché dans l’espace national et semblent peu sensibles aux prix pratiqués dans les autres régions du monde, du fait de la faiblesse des importations. Cependant, cette tendance risque de s’inverser, comme on l’a vu, avec l’épuisement des réserves et le recours dans le futur à des quantités de plus en importantes de gaz importé, surtout le GNL.

En outre, les prix du gaz importé sont indexés sur les prix du marché spot du gaz, qui eux-mêmes sont indexés sur les prix du marché spot du pétrole. L’on observe, par conséquent, une corrélation tendancielle entre les prix du gaz et ceux du pétrole. Le gaz étant une ressource épuisable, son prix devrait intégrer une rente de rareté, si l’on s’en tient au raisonnement de Hotelling.

Jusqu'à très récemment, cette observation n’était pas contestée et pour preuve de nombreux terminaux méthaniers ont été construits aux Etats-Unis pour recevoir le GNL. Depuis 2009, cependant, la découverte des gaz non-conventionnels a bouleversé la donne. Nous analyserons plus loin les enjeux découlant du développement et de l’exploitation de ces nouveaux gaz.

3.1.2 Le marché du gaz en Europe

La dépendance énergétique de l’Europe et en particulier, la forte demande en gaz des membres de l’union ont fait émerger l’idée de la nécessité de réformer le secteur gazier et de l’ouvrir d’avantage à la concurrence. Plus de 50% du gaz consommé par l’Union Européenne est importé et ce taux est appelé à augmenter dans les décennies à venir. Le gaz arrive en Europe, principalement, par le biais de gazoducs, le GNL participant de façon marginale à l’approvisionnement.

Le réseau Européen de gazoducs est fortement maillé. Cela traduit, à l’évidence, l’importance accordée à cette source d’énergie. Dans les conditions actuelles, l’approvisionnement du marché Européen du gaz est assuré, pour l’essentiel, par 3 pays : la Russie, la Norvège et l’Algérie. Les importations de gaz se font dans le cadre de

sur ceux du brut ou des produits pétroliers. Pendant la période précédant la libéralisation des marchés, le prix du gaz était fondé sur la pratique du Net Back. Celle-ci a été abandonnée à la faveur de l’élaboration de la "Directive Gaz" adoptée en 1998 par les autorités Européennes et dont l’objectif était de libéraliser et d’homogénéiser les règles commerciales et tarifaires à l’intérieur des pays de l’union. La commission de Bruxelles a vivement critiqué les comportements oligopolistiques de commercialisation du gaz prévalant jusque-là. Elle considérait, en effet, que les contrats à long terme constituaient des barrières à l’entrée dans le secteur pour les nouveaux entrants, et estimait que le prix du gaz n’est pas déterminé par les fondamentaux du marché, mais reposait sur des paramètres extérieurs à la sphère gazière (dont le principal est l’épuisement des ressources pétrolières). Dans le même ordre d’idées, la commission pense que la rigidité des contrats de longue durée entrave le développement de marchés spot du gaz. Le processus de libéralisation induit une segmentation des activités de la chaine gazière.

Au niveau du segment amont, le partage de la rente gazière, c'est-à-dire la différence entre le prix payé par les utilisateurs et le total des coûts enregistrés tout le long de la chaine gazière, est largement favorable aux producteurs-exportateurs, qui disposent d’un pouvoir de marché. Cet avantage a stimulé les importateurs Européens à se placer dans l’amont gazier aiguisant ainsi la concurrence entre fournisseurs comme le suggère la "Directive Gaz".

Au niveau du segment aval, la stratégie des importateurs gaziers (transport, distribution) est de contracter des alliances avec des opérateurs en électricité pour augmenter les parts de marché. Cette fusion horizontale, outre le fait que le gaz et

l’électricité sont des biens complémentaires, est fondée sur le souci de récupérer un maximum de la rente gazière.

Les pays importateurs s’opposent, d’ailleurs, à l’idée de création d’une "OPEP du gaz", jugée contraire au droit de la concurrence émanant de l’esprit de la commission de Bruxelles. Selon cette dernière, une "OPEP du gaz" est l’expression d’un oligopole dont le but est de contrôler la production et les prix du gaz.

La décision des pays producteurs d’harmoniser leurs politiques gazières, procède certainement de leur volonté de réguler les marchés, mais ne contredit pas les règles de la concurrence. Celles-ci sont, plutôt, violées par l’Union Européenne, qui interdit aux opérateurs étrangers d’activer sur son espace. C’est le cas à titre d’illustration, de GAZPROM et de SONATRACH, qui ne sont pas autorisés à intervenir dans l’aval gazier Européen ou très peu ces dernières années.

On est donc, ici aussi comme pour le pétrole, dans une logique de rapports de force autour duquel se cristallise la rente gazière.