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A - Une stratégie encore hésitante

Dans le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie, la loi du 26 janvier 2016 s’est donné pour objectif de construire une offre mieux coordonnée, entre les « secteurs » des établissements et les équipes de

« première ligne ». Toutefois, elle n’a pas levé l’ambiguïté, notamment en confiant aux secteurs la double responsabilité d’organiser les coordinations et de prendre directement en charge les interventions les plus complexes.

La loi distingue en effet les « recours de proximité », d’une part, et les parcours « particulièrement complexes », d’autre part.

Une amorce de gradation des parcours dans la loi

Selon l’article L. 3221-3 du code de la santé publique : « (…) la mission de psychiatrie de secteur (…) consiste à garantir à l’ensemble de la population :

1° Un recours de proximité en soins psychiatriques, notamment par l’organisation de soins ambulatoires de proximité, y compris sous forme d’intervention à domicile, assurée par des équipes pluri-professionnelles, en coopération avec les équipes de soins primaires mentionnées à l’article L. 1411-11-1 et les communautés professionnelles territoriales de santé mentionnées à l’article L. 1434-12 ;

2° L’accessibilité territoriale et financière des soins psychiatriques ; 3° La continuité des soins psychiatriques, notamment pour les patients dont les parcours de santé sont particulièrement complexes, y compris par recours à l’hospitalisation, avec ou sans consentement, en assurant si nécessaire l’orientation vers d’autres acteurs afin de garantir l’accès à des prises en charge non disponibles au sein des établissements assurant la mission de psychiatrie de secteur. »

Le texte législatif semble ainsi décrire pour les adultes112 deux missions distinctes, en fonction des besoins des patients et selon le degré nécessaire d’implication des services spécialisés :

- pour les patients dont « les parcours de santé sont particulièrement complexes », visés au 3°, il s’agit de prendre en charge directement les soins, en collaboration éventuellement avec les autres opérateurs s’agissant des prestations en vue d’une « réhabilitation psycho-sociale », ou avec l’appui des centres experts ou d’équivalents pour avis ;

- dans le cas général, c’est-à-dire pour des troubles psychiatriques moins complexes, la mission du secteur est de « garantir » un accès aux soins. La logique préconisée, mais de manière implicite, est que les équipes de soins primaires soient chargées des soins pour les patients ayant des troubles légers ou modérés, avec l’appui du secteur en tant que de besoin (mais aussi, même si ce n’est pas écrit de manière explicite, avec l’apport des psychiatres spécialistes en ville ou d’autres professionnels, dont la coordination est une autre mission du secteur).

Se dessine ainsi la reconnaissance de « niveaux de soins » et d’une correspondance entre niveau de soins et profil de patient, en particulier selon la sévérité ou la complexité des troubles, quel que soit le vocabulaire employé. Toutefois la notion de « parcours », en tant que définition de ce qui doit être fait pour les patients à chacun de ces niveaux, est moins précisément déclinée dans le champ de la santé mentale et de la psychiatrie que dans d’autres champs, par exemple celui des soins destinés aux

112 On n’analyse ici que la mission en direction des patients adultes, la loi organisant un double réseau de structures, d’une part pour les adultes, et, d’autre part, pour les enfants et les adolescents, avec des secteurs infanto-juvéniles (inter-secteurs, le plus souvent).

Selon le dernier alinéa de l’article précité, « la mission de psychiatrie de secteur se décline de façon spécifique pour les enfants et les adolescents ».

personnes âgées, qui avaient fait l’objet des premiers travaux d’organisation en parcours113.

La loi n’a pas précisé, en particulier, ce que l’on devait entendre par la notion de parcours « particulièrement complexes ». Une circulaire ultérieure du 16 janvier 2019, relative aux « soins de réhabilitation psychosociale », détaille plus précisément les patients visés par cette forme de soins qui implique la constitution d’un « parcours » ad hoc : « les pathologies concernées sont principalement les troubles psychotiques (schizophréniques), mais aussi les troubles bipolaires, certaines formes de dépressions, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sévères, certains troubles du spectre de l’autisme, etc. ». Les deux notions de parcours

« particulièrement complexes » et de besoin en soins de réhabilitation ne sont toutefois pas explicitement rapprochées.

Une autre forme de clarification devrait porter sur les missions de chacun des intervenants. Comme on l’a vu, la responsabilité d’un secteur implique une double mission : « garantir » l’accessibilité aux soins de proximité, avec un pilotage de la coordination opérationnelle, sous le contrôle des tutelles114 ; et assurer directement la prise en charge pour des parcours « particulièrement complexes ». Il importe donc de définir les profils de patientèle respectifs des différents établissements, en fonction de leurs compétences propres et en adéquation avec le niveau de sévérité des pathologies, dans une approche graduée et néanmoins souple : le niveau de sévérité des troubles pris en charge par les soins primaires (patients légers et modérées), celui des patients relevant des cliniques privées, psychiatres libéraux et ceux relevant du secteur pour les parcours les plus complexes.

Une description dans le CPOM des missions exercées dans le cadre des secteurs, comme la définition en amont d’un schéma régional décliné par zones d’intervention, selon les deux pistes déjà évoquées page précédente, permettraient de stimuler les coopérations entre acteurs, en écartant les risques de conflits ou d’éviction.

113 Le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (Paerpa) doit être un moyen de « faire en sorte que les personnes âgées reçoivent les bons soins, par les bons professionnels, dans les bonnes structures, au bon moment ; le tout au meilleur coût ». Le premier plan d’action Paerpa a été lancé par la ministre des affaires sociales et de la santé en 2014. Au total, neuf plans d’action ont été déployés sur le territoire. L’expérimentation a lieu sur la base de l’article 48 de la LFSS pour 2013.

Initialement, elle était prévue pour une durée de 5 ans. Toutefois l’article 51 de la LFSS pour 2018 a prolongé l’expérimentation jusqu’au 31 décembre 2019.

114 Si on retient l’hypothèse exposée supra d’un schéma régional, celui-ci encadrerait cette mission de coordination dans les secteurs par une description des offres et de leur complémentarité, au niveau des territoires et des bassins de vie.

B - Les projets territoriaux de santé mentale, un cadre