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A - La part trop importante des hospitalisations de longue durée

Dans ce cadre, à partir des données consolidées nationales relatives à l’activité, la Cour a examiné le nombre de personnes hospitalisées au long cours en psychiatrie (soit un an ou plus, en continu ou non61), en nombre de patients mais surtout en journées d’hospitalisation. Or, comme le confirment les monographies consacrées sur ce sujet à des établissements ou à des régions62, la permanence dans le temps de ce phénomène d’hospitalisations de longue durée, jugées inadéquates par les cliniciens, est l’indice d’une difficulté structurelle à trouver des solutions d’aval (au sein d’établissements ou de services médico-sociaux ou, plus difficilement encore, dans des logements supervisés, avec le soutien de visites à domicile quand c’est nécessaire). De plus, une période

60 Un DIM est un département d’information médicale.

61 Une hospitalisation dite « au long cours » en psychiatrie peut être définie comme une hospitalisation supérieure ou égale à 272 jours dans l’année, continus ou non, associée à une présence en hospitalisation l’année précédente.

62 Plusieurs analyses ont été faites sur l’ensemble des établissements, en Nouvelle-Aquitaine ou en région Rhône-Alpes, qui confirment que dans la très grande majorité de ces situations, l’hospitalisation est reconnue comme inadéquate par les psychiatres responsables ou par des experts psychiatres extérieurs aux établissements (voir infra).

d’hospitalisation supplémentaire n’apporte pas de plus-value thérapeutique et au contraire produit des effets dommageables sur la perte d’autonomie, rendant l’insertion de plus en plus difficile ; sur ce point les recommandations de bonne pratique suggèrent d’envisager et de préparer la sortie dès le début d’une hospitalisation pour en éviter les effets délétères.

Plus de 17 000 patients ont connu un séjour hospitalier de plus de 272 jours sur l’année 2018, déjà engagé l’année précédente. En termes de journées, la proportion est beaucoup plus significative puisque ces longs séjours représentent presque un tiers (32,6 %) des journées totales en hospitalisation complète pour les adultes de 18 à 65 ans, ce qui constitue une pression considérable sur la disponibilité en lits.

Tableau n° 5 : journées d’hospitalisation par âges (en milliers de journées par an et patient) (2018)

Moins

Source : Données, Scan santé, calcul et présentation, Cour des comptes

NB : le taux de séjours de longue durée ainsi estimé est plus élevé que celui produit par l’ATIH, fondé pour sa part sur les seuls séjours continus de plus de 272 jours (voir en annexe n° 2).

Durée approximée par le nombre de journées facturées en hospitalisation complète.

Ces observations générales recoupent celles constatées dans les établissements visités : malgré les efforts des établissements, le nombre de séjours de longue durée diminue peu63. Des efforts considérables sont parfois déployés par les établissements mais ils n’évitent pas que réapparaissent des cas, dès lors que la prise en charge de ces patients

63 Les hospitalisations d’une durée supérieure à 272 jours dans l’année représentaient 4,5 % des patients hospitalisés en 2018, contre 4,8 % en 2015.

chroniques nécessite la coordination de nombreux intervenants, relevant de différents services.

Cette situation a été signalée depuis des années comme coûteuse et inadaptée, notamment par l’Irdes64, qui avait identifié 12 700 patients hospitalisés en longue durée en 2011. Il est vrai que les actions correctives sont complexes et doivent être menées dans la durée, comme le montre l’exemple examiné par la Cour de l’Association hospitalière de Bourgogne Franche Comté (AHBFC), pour la prise en charge des personnes âgées.

La constitution d’une filière de soins pour les personnes âgées au sein de l’Association hospitalière de Bourgogne-Franche Comté

(AHBFC)

L’AHBFC est un établissement privé d’intérêt collectif à but non lucratif, géré par une association hospitalière, reconnue d’intérêt général.

L’association est la seule à exercer les missions de service public en psychiatrie et santé mentale en Haute-Saône et sur l’Aire urbaine (Territoire de Belfort et une partie du Doubs autour de Montbéliard). L’association comprend un centre hospitalier spécialisé de 734 lits et places, qui s’est progressivement développée pour apporter une réponse géographiquement complète et pertinente aux patients. Il a construit une filière de soins du sujet âgé (de plus de 65 ans), autour de deux inter-secteurs dédiés et notamment, sur l’Aire urbaine, d’une unité d’hospitalisation à temps complet de 30 lits située à Bavilliers et d’une équipe mobile spécialisée, intervenant à domicile et en établissements médico-sociaux, enfin d’une offre extrahospitalière (hôpital de jour de 15 places et quatre centres médico-psychologiques (CMP) permettant d’assurer une offre de proximité sur l’ensemble du territoire de l’Aire urbaine : à Belfort, Montbéliard, Héricourt et Valentigney).

Pour ce faire, il a été d’abord nécessaire de mieux former les médecins généralistes au diagnostic précoce de la dépression de la personne âgée. L’établissement a surtout dû faire sortir les patients de plus de 65 ans atteints de démence, pour lesquels l’hospitalisation ne se justifiait pas, pour les transférer vers les services du médico-social relevant également de l’AHBFC. Selon le responsable du pôle, ces transferts ont été d’autant plus difficiles à faire accepter aux familles que les soins à l’hôpital sont gratuits, ce qui n’est plus le cas lors d’un transfert dans le secteur médico-social.

64 Cf. Magali Coldéfy et Clément Nestrigue, « L’hospitalisation au long cours en psychiatrie : analyse et déterminants de la variabilité territoriale », Questions d’économie de la santé n° 202, octobre 2014. La définition statistique était un peu différente.

Cette « révolution » a permis la mise en place d’un service de géronto-psychiatrie, destiné aux troubles psychiatriques des personnes âgées, les maladies dégénératives, dont la maladie d’Alzheimer, n’étant pas considérées comme des pathologies « psychiatriques ». Grâce à un

« arrimage » au centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon, s’est mise en place une recherche clinique en géronto-psychiatrie, rendant attractifs la discipline et son lieu d’exercice.

Les patients hospitalisés en longue durée sont, pour 45 %, des patients psychotiques, selon les calculs de la Cour65.On peut ainsi mettre en relation la difficulté à trouver des solutions durables d’aval « dans la communauté » (avec un logement supervisé, par exemple) et le faible développement des actes ambulatoires dits « d’accompagnement », qui permettent de réinsérer les patients. En France, cela représentait en 2018 un peu plus de 600 000 actes, sur un total de 16 millions d’actes en psychiatrie 66.