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A - Rendre accessibles des psychothérapies assurées par des psychologues libéraux

Sur le modèle de la prise en charge graduée proposée par le système national anglais, la Cnam a engagé depuis plus d’un an, dans quatre départements volontaires147, une expérimentation de psychothérapies réalisées par des psychologues cliniciens, sur prescription du médecin généraliste, prises en charge financièrement par l’assurance maladie.

Divers travaux ont souligné les gains potentiels de cette approche, même pour l’assurance maladie, du fait de la réduction des consommations ultérieures148 de soins, de médicaments ou d’arrêts de travail.

1 - L’expérimentation de la Cnam

L’approche est centrée sur le médecin traitant qui, par le moyen d’échelles brèves, détecte les patients qui lui semblent relever d’un trouble dépressif ou anxieux ou encore de symptômes évocateurs d’anxiété

147 Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Landes et Morbihan.

148 Anne Dezetter et al,. « Costs and Benefits of Improving Access to Psychotherapies for Common Mental Disorders », The Journal of Mental Health Policy and Economics, n° 16, p. 161-177 (2013).

somatique. Si le patient présente des troubles légers ou modérés149, il lui est proposé de rencontrer un psychologue de son choix, dont la consultation lui sera remboursée, pour une évaluation150. Celle-ci peut être suivie par des séances de psychothérapie dites de soutien (« accompagnement psychologique de soutien » ou APS), prises en charge par l’assurance maladie dans la limite de dix séances. Si l’état du patient ne s’est pas amélioré, le médecin traitant peut solliciter un avis psychiatrique afin de prescrire, si nécessaire, dix séances supplémentaires dites « de psychothérapie structurée »151.

Les deux schémas qui suivent résument la procédure et éclairent, pour le premier, le périmètre des troubles considérés, et pour le second, les rôles respectifs des divers intervenants, médecins traitants et psychologues, en particulier.

149 Pour ce faire, on lui demande d’utiliser des échelles dites « courtes » (PHQ9 et GAD7), qui lui permettent rapidement d’évaluer le degré de dépression ou d’anxiété.

150 Entretien d’évaluation psychologique (EPP).

151 Sont exclus de ce programme les patients dits « sévères » : les patients présentant des scores élevés de dépression, un risque suicidaire, des arrêts de travail de plus de six mois, une affection de longue durée (ALD), des prescriptions d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques (trois mois consécutifs), enfin les patients souffrant de troubles psychotiques ou d’addiction.

Schéma n° 2 : prise en charge par type de trouble, selon la Cnam

Source : Cnam

Schéma n° 3 : rôle des divers intervenants, selon la Cnam

Source : Cnam

2 - Les premiers retours d’informations disponibles L’expérimentation, qui a débuté fin 2018, se déroule depuis deux ans dans les départements volontaires.

En juin 2020, plus de 200 000 séances de psychothérapie de psychologues avaient été remboursées pour plus de 20 000 patients ; 5 500 patients environ avaient bénéficié de près de 46 000 séances de psychothérapies structurées.

L’expérimentation permet dès à présent d’évaluer ainsi la faisabilité de la mesure, par la participation des différents professionnels impliqués : 75 % de l’ensemble des médecins généralistes actifs (hors médecins à exercice particulier), soit plus de 3 000 médecins généralistes, ont prescrit chacun au moins une séance de psychothérapie et inclus en moyenne 6,5 de leurs patients dans le dispositif. En outre, presque la moitié (44,3 %) de l’ensemble des psychologues cliniciens/psychothérapeutes agréés par les ARS (et répertoriés sur le fichier ADELI) ont déclaré vouloir participer à l’expérience et se sont conventionnés. Parmi eux, presque 90 % ont réalisé

au moins une séance (entretien d’évaluation, accompagnement de soutien ou psychothérapie structurée).

L’engagement des professionnels montre que l’expérimentation répond à un besoin des patients et des médecins et rencontre l’adhésion des professionnels de la santé mentale. Le dispositif permet en outre de mettre en relation les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres libéraux, de faire communiquer ces acteurs entre eux et ainsi d’améliorer leurs pratiques et leur formation.

Cette démarche, qui continue à se déployer, fera l’objet d’une évaluation, prévue de mi-2021 à 2023 et portant sur ses aspects médico- économiques et sur les effets induits sur l’accès aux soins et les pratiques professionnelles, dans le cadre d’un protocole précis, impliquant la constitution de départements « contrôles ».

Toutefois, cette évaluation ne prétend pas mesurer l’effet des psychothérapies sur les patients, un effet bénéfique étant considéré comme acquis. Ses apports concerneront avant tout les modalités de mise en œuvre du dispositif.

En résumé, nombre d’éléments qualitatifs ont été rassemblés ou devraient l’être d’ici au printemps 2021, qui peuvent fonder une décision de généralisation.

Les éléments probants déjà rassemblés pour une généralisation On dispose ainsi déjà d’études détaillées dites « qualitatives », réalisées à la demande de la Cnam auprès d’une trentaine de patients, de psychologues /psychothérapeutes et de médecins généralistes participant à l’expérimentation et de psychiatres, sur tous les aspects de mise en place du dispositif. L’accueil est très positif, voire « enthousiaste », sauf sur certains points (en particulier le périmètre de l’expérimentation, excluant les personnes de 60 ans et plus ou les patients qui avaient reçu des antidépresseurs). A ces données s’ajoutent les évaluations de plusieurs centaines de médecins généralistes et de psychologues en cours d’exploitation.

On connaît également les délais de prises en charge : ceux-ci sont de manière générale rapides (de l’ordre de deux semaines), ce qui constitue une amélioration sensible par rapport aux délais de prise des premiers rendez-vous en CMP pour ce type de patients, délais souvent très longs (plusieurs mois)152.

152 Le constat vient d’être confirmé par l’enquête précitée de l’Igas sur le fonctionnement des CMP pour adultes (Le fonctionnement des centres de psychiatrie

Un risque parfois cité serait le manque de formation adaptée des psychologues. Or, même si ce risque était avéré, ses effets seraient limités : l’exercice est très cadré ; les patients sélectionnés souffrent de troubles légers ou modérés, tels qu’appréciés sur les échelles fournies aux professionnels, les patients sévères ou complexes étant exclus. En outre, si le patient a le choix de son psychologue (plusieurs noms lui sont proposés) et peut aussi en changer, ce sont les médecins généralistes qui prescrivent et reçoivent les comptes rendus des psychologues et continuent de suivre leur patient. Le médecin généraliste est donc à même de juger et de faire ses propres recommandations s’il constate un problème avec le psychologue.

Enfin, un psychiatre est impliqué pour décider de la poursuite des séances et prend connaissance des comptes rendus des psychologues.

Un autre risque identifié au cours de l’expérimentation a été le non-respect des critères d’inclusion des patients dans le dispositif, et donc l’extension des consultations de psychologues à des patients qui ne correspondaient pas aux critères d’inclusion : la mise en place d’une procédure d’entente préalable a ainsi été décidée pour prévenir ce risque.

Les coûts directs engendrés par la mise en place de l’action sont connus sur quatre départements bien différenciés et peuvent être extrapolés à l’ensemble du territoire pour produire une estimation, en supposant prorogé le filtre de mise sous entente préalable, ou tout autre dispositif de régulation, du moins pendant la phase d’appropriation des critères par les médecins traitants. Ils semblent relativement modérés, par rapport aux gains qualitatifs constatés, en particulier en matière de délais. La Cnam a commencé à rassembler en outre des éléments sur l’impact de l’expérimentation sur une éventuelle diminution de la prescription de psychotropes et l’hypothèse à ce stade est que les dépenses en seraient atténuées. Une première synthèse de l’évaluation complémentaire sera disponible au printemps 2021.

générale et leur place dans le parcours des patients, remis en juillet 2020). Selon les données disponibles, ainsi, un délai moyen de plus de trois mois n’est pas exceptionnel pour un rendez-vous médical. Une enquête réalisée par l’ARS ex-Rhône-Alpes en 2015 avait fait apparaître un délai moyen de 44 jours pour obtenir un rendez-vous avec un médecin hors urgence en psychiatrie générale, cette moyenne allant de 20 à 70 jours selon les établissements. Le délai moyen pour obtenir un rendez-vous en CMP de psychiatrie générale après une hospitalisation en secteur psychiatrique était de près de 21 jours (8 jours à 60 jours selon les établissements).

Cette hypothèse de diminution des dépenses est d’ailleurs confortée par des simulations, fondées sur une enquête française : prenant en compte les coûts des psychothérapies et les taux de rémission mesurés dans les pays voisins, on obtenait une économie nette sensible. Dans cette simulation, en outre, n’étaient pas pris en compte les coûts liés aux pathologies somatiques qui auraient diminué, tant sont grandes les relations entre santé physique et mentale153 ; ni les modifications probables induites dans les parcours des patients ou les conséquences sur le système de soins154.

Pour ces motifs, une « implantation » généralisée du dispositif, tel qu’il est expérimenté, est d’ores et déjà possible et souhaitable. Elle pourrait être mise en œuvre par étapes. Les résultats de l’évaluation complémentaire (qui ne seront pas disponibles avant trois ans environ) permettront d’en affiner les modalités d’application. En effet, les premières données confirment une amélioration sensible du délai de prise en charge ainsi que l’adhésion des patients et des soignants. Les éléments financiers permettent également de relativiser le risque de surcoût brut155 et laissent escompter la possibilité à terme de contreparties156 pour l’assurance maladie. Enfin, ce dispositif rend envisageable le transfert de patients légers et modérés vus dans les CMP, par des psychologues et des infirmiers, vers les professionnels « en ville », et permettrait ainsi de

153 En reprenant le nombre de séances recommandées par les recommandations de bonne pratique pour les différents niveaux de sévérité des troubles anxieux et dépressifs et le taux de rémission publié dans la littérature, les conclusions étaient que pour les patients souffrant de troubles dépressifs, 1 euro dépensé pour une psychothérapie amènerait à 1,95 euro (de 1,30 à 2,60) d’économie ; et que pour les patients anxieux, cette économie serait de 1,14 euro (0,76-1,52). Voir Anne Dezetter et al., « Costs and Benefits of Improving Access to Psychotherapies for Common Mental Disorders », The Journal of Mental Health Policy and Economics, n° 16, p. 161-177 (2013).

154 On devrait notamment constater des économies sur les dépenses actuelles de psychothérapies : une psychothérapie sur deux est en effet réalisée par un psychiatre conventionné et remboursée par la Cnam, sans limitation de durée. On peut espérer un transfert de cette pratique, du moins en partie, et ainsi redistribuer les soins faits par les psychiatres libéraux vers d’autres profils de patients. Dans le cadre des négociations conventionnelles avec les psychiatres libéraux, on peut d’ailleurs envisager également d’encadrer le volume de ces psychothérapies, soit par professionnel, soit par patient (avec un plafond dans le temps).

155 Une première extrapolation des coûts engagés conduirait à un ordre de grandeur de dépenses supplémentaires d’environ 85 M€ par an (voir en annexe n° 1).

156 Une partie des gains, sous la forme de moindre recours aux soins et prestations (aux traitements psychotropes, aux consultations médicales, enfin aux indemnités journalières), ne se constate qu’à moyen et long termes. L’évaluation engagée sera donc utile, quel que soit le calendrier de décision, pour préciser la portée des effets induits dans le temps.

redonner aux CMP une place plus efficace dans le système de soins spécialisés, prenant en charge les patients les plus sévères.

B - Des missions du secteur à recentrer