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Liste des figures

1. Contexte, objet et modalités de réalisation de l’expertise

2.2 Gestion de l’espèce: stratégie, réglementation et méthodes de lutte

2.2.1 Stratégie globale de lutte contre l’ambroisie

L’objectif principal de la gestion de l’ambroisie est de limiter la production de pollen afin de réduire les allergies qui y sont liées. Pour limiter la production de pollen, il faut soit éradiquer la source d’émission temporairement (avant la pollinisation) ou définitivement, soit la faire régresser en réduisant les densités des populations et/ou l’empêcher de progresser. Dans les deux derniers cas, il faudra empêcher la plante de produire des semences. L’objectif secondaire de gestion de l’ambroisie est de limiter ses effets indésirables sur la production agricole.

Pour atteindre ces objectifs, Bullock et al. (2013) proposent une stratégie de gestion reposant sur les quatre composantes suivantes (Figure 15) : la prévention, la lutte (mécanique, chimique, biologique), l’information et la surveillance. Cette stratégie doit mettre en œuvre de manière concertée et combinée ses 4 composantes pour être la plus efficace possible. Selon les auteurs, la composante de l’information est cruciale pour la réussite de toutes les autres actions. La stratégie doit également être appuyée par une réglementation spécifique et une concertation de la lutte à l’échelle nationale comme territoriale.

Les seuils des zones à risque allergique élevé (HAR), pour chaque espèce, sont indiqués graphiquement sur la barre de couleur. RCP6,0 : scénario climatique modéré. RCP8,5 : scénario climatique pessimiste. Figure 14. Adéquation de l'habitat de l'ambroisie à feuilles d’armoise (Aa, haut), de l'ambroisie

à épis lisses (Ap, milieu) et de l'ambroisie trifide (At, bas) en Europe dans les conditions climatiques actuelles (gauche) et futures selon deux scénarios de changement climatique

2.2.2 Réglementation

La prévention et la lutte contre les ambroisies en France est en grande partie organisée par les pouvoirs publics. Elle repose sur un cadre législatif et réglementaire, s’appuyant en principalement sur le code de la santé publique.

L’instruction ministérielle de juillet 2018 (Encadré 1), complétée du Vademecum de l’Observatoire des ambroisies de janvier 2019, décrivent l’architecture de l’organisation de la lutte contre l’ambroisie (Figure 16)5. L’Observatoire a été mis en place en juin 2011 par le

Ministère chargé de la Santé en partenariat avec les ministères chargés de l’agriculture et de l’écologie et le ministère de l’intérieur. Il a été piloté par l’Institut national de la recherche agronomique jusqu’en 2017 et est depuis piloté et animé par FREDON France.

5 Pour plus de précisions, se reporter à l’Annexe 7 (compte-rendu de l’audition de l’Observatoire des

ambroisies – FREDON France)

Figure 15. Les quatre composantes de la stratégie globale de lutte contre l’ambroisie (Bullock et al. 2013)

Afin de pouvoir organiser la prévention et la lutte contre des espèces nuisibles à la santé humaine telles que les ambroisies, la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé, à l’article 57, un nouveau chapitre intitulé « Lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine » dans le code de la santé publique (CSP). Ce nouveau dispositif législatif permet de prendre, à l’échelle nationale, des mesures réglementaires vis-à-vis d’espèces dont la prolifération est nuisible à la santé6. Ainsi sur ce fondement, l’article D. 1338-1 du

CSP définit comme espèces dont la prolifération est nuisible à la santé humaine trois ambroisies : l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses. Les articles suivants du CSP définissent les mesures de prévention et de lutte à mettre en œuvre contre ces espèces aux échelles nationale et locale. L’arrêté du 26 avril 2017 relatif à la lutte contre les espèces végétales nuisibles à la santé complète ce dispositif en interdisant l’introduction et le transport intentionnels ainsi que l’utilisation, la cession, la vente et l’achat de ces trois ambroisies. Ce nouveau dispositif réglementaire s’articule avec les réglementations ou politiques nationales concernant les espèces et en particulier la politique sanitaire animale et végétale pilotée par le ministère chargé de l’agriculture et la politique concernant le contrôle et la gestion de l’introduction et de la propagation de certaines espèces animales et végétales exotiques pilotée par le ministère chargé de l’environnement.

Encadré 1. Instruction interministérielle N°DGS/EA1/DGCL/DGALN/DGITM/DGAL/2018/201 du 20 août 2018 relative à l’élaboration d’un plan d’actions local de prévention et de lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide, et l’ambroisie à épis lisses, pris par l’arrêté

L’action de l’Observatoire des ambroisies est complétée à l’échelle nationale par :

 Le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) et l'Association des pollinariums sentinelles de France (APSF), en charge de la coordination de la surveillance des pollens d’ambroisie ;

 L’Anses en charge de l’expertise sur les dimensions sanitaires et concernant les méthodes de lutte ;

 Santé Publique France dans le cadre de la surveillance des pathologies allergiques. À l’échelle départementale, la stratégie de lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise peut se structurer autour d’un arrêté pris par la préfecture en accord avec le directeur général de l’ARS et le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) lorsque la présence d’une des trois ambroisies au moins est constatée ou susceptible de l’être (article R. 1338-4 du CSP). En décembre 2019, il était recensé 43 arrêtés préfectoraux et 25 plans de lutte. Il est ainsi à souligner que de nombreuses zones concernées par la présence d’ambroisie à feuilles d’armoise sur le territoire hexagonal, sont dépourvues d’un arrêté préfectoral (Figure 17).

Figure 16. Organisation territoriale de la lutte contre l'ambroisie (source : Observatoire des ambroisies, Annexe 7)

Figure 17. Carte des départements métropolitains dotés d'un arrêté préfectoral relatif à la lutte contre l'ambroisie (décembre 2019)

Sur le territoire de la région, le pilotage de l’action ambroisie est réalisé en direct par les ARS ou en collaboration avec des délégataires missionnées pour ce rôle de coordonnateurs « ambroisie ».

Plusieurs limites au dispositif réglementaire actuel restent perceptibles. Selon FREDON France-Observatoire des ambroisies, les règlementations (nuisibles santé humaine, organismes de quarantaine, et espèces exotiques envahissantes) des différentes politiques publiques sur les espèces nuisibles devraient tout à la fois être plus homogènes et mieux coordonnées pour permettre de meilleures traductions opérationnelles. En effet, il existe certaines contradictions réglementaires, perçues notamment dans le domaine agricole, qui gênent la prise en charge de l’ambroisie par les acteurs directement concernés par la lutte. À titre d’illustration, dans le cadre d’un recueil d’expériences de gestion de l’ambroisie dans un contexte agricole, la FREDON France-Observatoire des ambroisies avait exprimé « des points de vigilance » sur d’éventuelles incompatibilités entre la mise en place de méthodes de lutte et des dispositifs agricoles. Il s’agit des :

 Cultures intermédiaires pièges à nitrates (CIPAN) où la réglementation impose une couverture hivernale des sols en Zone Vulnérable (et autres cas particuliers) afin de limiter le lessivage des nitrates et lutter contre l’érosion des sols et contiennent des obligations de non-fauche à certaines périodes. Il convient d’obtenir des dérogations en cas de nécessité de lutte contre l’ambroisie.

 Mesures agro-environnementales climatiques (MAEC) où, dans certains cas, le fauchage doit se faire à une date imposée, laquelle n’est pas forcément en phase avec la période ad hoc pour la destruction de l’ambroisie,

 Surfaces d’intérêt écologique (SIE) qui sont des surfaces écologiques représentant 5% de la surface de l’exploitation que l’agriculteur a l’obligation de préserver (certaines parcelles, haies, talus, etc.) et qui peuvent poser question en cas d’envahissement par l’ambroisie (Sevault, Le Levier, et Mottet 2019) ».

Par ailleurs, au-delà de l’échelle nationale, l’absence de cadre réglementaire harmonisé à l’échelle européenne limite la capacité d’enrayement des transferts de graines d’ambroisies entre les pays.

2.2.3 Prévention

Concernant l’ambroisie à feuilles d’armoise, comme pour les autres espèces envahissantes, il est primordial de prévenir l’introduction de nouvelles populations là où elles ne sont pas encore présentes. La mise en œuvre de la prévention passe par la limitation de la dispersion des semences tout comme la gestion curative des nouvelles populations dès qu’elles sont détectées. La prévention est d’autant plus importante dans le cas de l’ambroisie que lorsque ses populations sont installées il est impossible de les éradiquer définitivement, en particulier à cause de leurs stock semencier persistant dans le temps.

Ces mesures préventives s’appuient d’une part sur la mise en place d’une réglementation adaptée (cf. paragraphe 2.2.2) et d’autre part sur des techniques de lutte physique, chimique ou potentiellement biologique (cf. paragraphe 2.2.6).

Par exemple, des normes strictes pour limiter la contamination des aliments pour animaux par les graines d'ambroisie sont en place dans l'Union Européenne depuis 2012. Ce règlement limite la quantité maximale autorisée de graines d’ambroisie dans les semences pour oiseaux (depuis le 1er janvier 2012) et dans les matières premières pour l’alimentation du bétail (depuis le 1er janvier 2013) à 50 mg.kg-1, ce qui équivaut à environ 10-12 semences. Ces objectifs sont atteignables (voir améliorables) en utilisant des techniques de tamisage performantes. Les machines de tonte utilisées en bord de route ou les moissonneuses utilisées dans les champs peuvent disperser plusieurs dizaines de milliers de semences. Ainsi, pour éviter le transport de semences des champs et des bords de route infestés, les machines doivent être intégralement nettoyées. Le transport de substrat contaminé est également une source

importante de propagation de l’espèce et devrait être strictement encadré. Dans le cas de construction il peut être enfoui et recouvert de substrat non contaminé. La contamination du substrat par l’ambroisie peut être détectée préventivement par un protocole simple et facilement réalisable6. Le substrat pourrait faire l’objet de mesures de traçabilité informant ainsi

le récipiendaire sur sa nature, ses risques et les mesures de gestion nécessaires. Idéalement, dans les milieux agricoles infestés, le travail du sol devrait être réduit et si possible l'utilisation de véhicules sur le terrain en période de maturité des semences devrait être évitée afin d'éviter la propagation de l’espèce.