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4. État des connaissances sur l’impact

4.1.1 Principe de l’allergie

L’allergie relève d’un mécanisme d’hypersensibilité initié par une réaction immunitaire spécifique à une substance étrangère à l’organisme – un allergène. Elle comporte une première étape de sensibilisation, sans expression clinique, où la présentation de l’allergène aux muqueuses aboutit à une réaction immunitaire caractérisée par la production d’immunoglobulines E (IgE) spécifiques à cet allergène. Le lien de causalité entre l’exposition à un allergène et l’apparition de la sensibilisation allergique n’est plus à démontrer. Une seconde étape se caractérise par l’apparition de symptômes lors du contact de l’allergène

avec les muqueuses. L’évolution vers cette seconde étape n’est cependant pas systématique ; la sensibilisation allergique peut rester asymptomatique. Plusieurs facteurs doivent ainsi être réunis pour aboutir à des symptômes allergiques : la présence d’un allergène dans l’environnement, l’exposition individuelle à cet allergène (i.e. contact avec les muqueuses cibles et le système immunitaire), la sensibilisation allergique de l’individu vis-à-vis de cet allergène, et la réactivité de l’organe cible.

Il existe une association forte et cohérente entre exposition à un allergène et allergie à cet allergène mais la temporalité aboutissant à la sensibilisation allergique et aux symptômes reste mal connue. Cette séquence d’évènements, appelée marche allergique, survient généralement à un stade précoce de la vie et peut persister des années ou bien disparaitre spontanément avec l’âge. Une sensibilisation allergique aux pollens communs peut s’observer dès 5 ans, un peu plus tard que la sensibilisation aux chats et poussières de maison (Arbes et al. 2005, Kulig et al. 1999). Les symptômes cliniques de l’allergie peuvent apparaitre à tous âges, mais il existe un pic à l’adolescence et au début de la vie adulte ; environ 80% des personnes souffrant de rhinite allergique en développent les symptômes avant 20 ans (Greiner et al. 2011).

Chez un sujet allergique, l’exposition à un allergène, à une dose généralement inoffensive pour la population générale, provoque une réaction excessive et inadaptée de la réponse immune entrainant symptômes ou signes cliniques au niveau des zones de contact. Dans le cas des aéroallergènes, tels que les pollens, les muqueuses respiratoires et oculaires sont les plus concernées. En réponse au contact avec les allergènes, les cellules épithéliales d’un individu allergique libèrent des cytokines, un ensemble de protéines régulant l’activité et la fonction d’autres cellules, et d’autres médiateurs cellulaires qui participent à la cascade de la réponse immunitaire et inflammatoire menant à l’allergie.

Plusieurs facteurs de risques environnementaux et individuels, ainsi que leurs potentielles interactions, entrent en jeu dans le développement et l’apparition de l’allergie, au-delà de la l’exposition (nécessaire) aux allergènes (Greiner et al. 2011, Scadding et al. 2008, von Mutius 2000). Tout d’abord, la prédisposition génétique (ou atopie) joue un rôle majeur et se caractérise par une production spontanée d’IgE. Cette prédisposition peut être indiquée par la présence d’allergie chez les parents proches (père, mère, fratrie) ou la présence d’autres allergies chez le patient (poly-sensibilisation). La probabilité de devenir allergique pendant l’enfance est ainsi de 5-15% si aucun des deux parents n'est allergique, mais atteint 40-80% si les deux parents sont allergiques (Brändli et BraunFahrländer 2002). L'histoire immunologique de l'individu, c'est à dire les épisodes infectieux et inflammatoires subis au cours de la vie, façonne son répertoire en cytokines et en anticorps. L'état du système immunitaire et inflammatoire au moment de la sensibilisation allergique est ainsi déterminant dans le développement de l’allergie ; il existe des fenêtres privilégiées de sensibilisation au cours de la vie de l'individu (Martinez 1999). Aussi, de nombreux gènes sont impliqués dans le développement de l’allergie, essentiellement des gènes de la réponse immune et inflammatoire ; les interactions avec certains facteurs environnementaux – tels que la pollution atmosphérique, les expositions professionnelles, ou le tabac – ont aussi été associés à l’allergie (Bouzigon et al. 2015, Holloway, Yang, et Holgate 2010). Enfin, des études ont montré que l’évolution des modes de vie, de l'urbanisation, et des niveaux de certains polluants atmosphériques étaient corrélés avec l’augmentation de la prévalence de l’allergie, notamment respiratoire (D'Amato et Cecchi 2008, von Mutius 2000). Les personnes vivant en zone urbaine ont ainsi tendance à être plus touchées par les allergies respiratoires que les personnes vivant en zone rurale. Les interactions potentielles entre les allergènes transportés par les grains de pollen et les polluants pourraient augmenter le risque de sensibilisation allergique et le risque d'exacerbation des symptômes. La pollution atmosphérique pourrait également aider les allergènes à accéder aux cellules du système immunitaire par le biais d’une fragilisation de l’épithélium pulmonaire.

L’allergie au pollen d’ambroisie possède certaines particularités. En Europe, l’âge d’apparition des symptômes de l’allergie à l’ambroisie est plutôt tardif, autour de 30 ans (Asero 2002, 2007). En Italie, en zone infestée par la plante, la sensibilisation allergique à l’ambroisie est plus

fréquente que la sensibilisation allergique aux graminées chez les patients >40 ans (Tosi et al. 2011). Asero (2002) a observé que la plupart des patients adultes nouvellement allergiques à l’ambroisie ne présentait pas de prédisposition génétique favorable. Ainsi, toute la population, quel que soit son âge et son terrain génétique, serait à risque de développer une allergie au pollen d’ambroisie, pour peu que l’exposition à l’allergène soit suffisante.

Néanmoins, aux États-Unis, où l’ambroisie est un allergène commun, la sensibilisation allergique s’observe dès le plus jeune âge et sa marche allergique y est similaire à celle des autres pollens (Arbes et al. 2005). De manière cohérente, dans les zones d’infestation historique de l’ambroisie en Europe (et pays frontaliers), la sensibilisation allergique au pollen d’ambroisie s’observe chez les enfants et adolescents (Sóti et Endre 2005, Kljajić et al. 2019, Rybníček et al. 2000, Voros et al. 2018). En Rhône-Alpes, les caractéristiques des individus allergiques à l'ambroisie interrogés par téléphone n’étaient pas différentes de celles des individus allergiques aux autres pollens (même tranche d'âge et même répartition par sexe) (Deloraine 2005). Des données longitudinales en Italie observent une augmentation régulière de la proportion de patients âgés de moins de 20 ans démontrant une sensibilisation allergique à l’ambroisie et/ou des symptômes en lien avec une exposition au pollen d’ambroisie (de 0% en 1990-1996 à 18% en 2005) (Asero 2007). Enfin, aux États-Unis, les pollinoses à l’ambroisie et aux graminées montraient des proportions similaires chez les personnes ayant ou non des antécédents familiaux d'atopie (Matcrnouski et Mathews 1962). Ainsi, le schéma de la sensibilisation allergique à l’ambroisie pourrait évoluer à l’avenir en Europe pour ressembler à ce qui est aujourd’hui observé pour les pollens communs ou natifs.

Dans une clinique d’allergologie près de Milan en Italie, Tosi et al. (2011) ont observé une constante augmentation de la prévalence de la sensibilisation allergique au pollen d’ambroisie chez les patients venant consulter entre 1989 et 2008 – parallèle à l’augmentation des niveaux de pollens dans la région. La proportion de patients sensibilisés souffrant de symptômes allergiques, quant à elle, a brusquement augmenté en 1994 (de 50% à 75%), laissant penser que 5 années sont nécessaires pour développer des symptômes après la première sensibilisation allergique. Il est à noter que cette augmentation est indépendante de la prévalence de l’asthme dans cette population de patients, qui reste constante entre 30% et 50% sur toute la période. Un décalage d’environ 5 ans a également été observé entre l’arrivée en Italie (immigrants) et l’apparition de symptômes allergiques, bien que ceux-ci ne soient pas spécifiques à l’ambroisie (Lombardi, Canonica, et Passalacqua 2011). Chez des étudiants étrangers vivant aux États-Unis, il a été observé que l’allergie à l’ambroisie apparaissait entre 2 à 5 ans après l’arrivée sur le territoire, tandis que la majorité des étudiants américains, non migrants, développaient les mêmes symptômes bien plus tôt dans la vie (Matcrnouski et Mathews 1962). Dans ces deux études, les personnes natives (italiennes ou américaines, en contact avec l’ambroisie dès leur plus jeune âge) étaient plus fréquemment sensibilisées ou plus fréquemment symptomatiques que les personnes immigrées (Lombardi, Canonica, et Passalacqua 2011, Matcrnouski et Mathews 1962). Cette observation est contraire à ce qui a été observé par Dervaderics et al. (2002) : les travailleurs immigrés d’une centrale nucléaire en Hongrie étaient plus sensibilisés et plus symptomatiques à l’ambroisie que les travailleurs locaux. Les auteurs évoquent l’hypothèse du développement d’une tolérance naturelle chez la population locale en raison de l’augmentation lente des niveaux de pollens dans l’air depuis les années 1940-1960 dans la région. Par contre, pour les autres pollens et les allergènes per annuels, sensibilisation et symptômes étaient plus fréquents chez les travailleurs hongrois. Finalement, cette étude montre également un délai de 5 ans entre l’arrivée sur le territoire et l’apparition des symptômes allergiques en lien avec l’ambroisie chez les travailleurs immigrés, soutenant l’ensemble des résultats évoqués précédemment.

4.1.2 Allergènes et allergénicité