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Liste des figures

5. État de l’art relatif aux aspects économiques associés aux impacts de

5.2 Estimation des coûts en lien avec l’allergie à l’ambroisie

5.2.1 Coûts de la prise en charge

Au sens de l’organisation mondiale de la santé (OMS), la santé est un état de complet bien- être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement une absence de maladie ou d'infirmité (OMS 1946). Lorsque la santé est détériorée, il est nécessaire de recourir à des soins. Plusieurs acteurs peuvent alors être impliqués à des échelles différentes dans le processus (Figure 97). Comme le rappelle l’INCa, l’estimation des coûts des catégories « autres fournisseurs » et « proches » est complexe au regard de la faiblesse des données disponibles (Amalric 2007). Dans le présent exercice, il sera toujours question des soins et traitements dispensés par le corps médical.

Approche financière

Dans le cas de l’allergie à l’ambroisie, la démarche la plus aboutie en matière d’étude des coûts des soins est développée dans une série de rapports diligentée par l’ARS Auvergne- Rhône-Alpes auprès de l’ORS Auvergne-Rhône-Alpes. La Figure 98 illustre de manière synthétique la méthodologie adoptée la plus récente (en 2017), cette dernière ayant évolué au cours du temps.

À l’échelle de la région, le coût global de la consommation de soins (incluant les arrêts de travail) relative à l’allergie à l’ambroisie est estimé à plus de 40,6 millions d’euros en 2017 (ORS et ARS Auvergne-Rhone-Alpes 2018). Cette valorisation correspond au montant global de la dépense, incluant la part remboursée par l’Assurance Maladie et la part non remboursée à la charge du patient. La répartition de la charge financière par type de coûts est indiquée en Figure 99.

Un coût moyen par individu allergique pris en charge a été établi à l’échelle de plusieurs strates administratives (Figure 100). Il a été estimé à 61,6€ à l’échelle régionale en 2017. Les variations observées, et dont la significativité statistique mériterait d’être étudiée, peuvent être imputables aux stratégies thérapeutiques développées à l’échelle départementale (Figure 101). Dans une vision plus resserrée excluant les arrêts maladies, le coût moyen par personne allergique prise en charge serait de 61,6 x (1-0,14) soit environ 53€ (en 2017).

Figure 99. Répartition du coût total estimé de l’allergie à l’ambroisie par type de coût en Auvergne-Rhône-Alpes en 2017 (ORS et ARS

Auvergne-Rhone-Alpes 2018)

Figure 100. Coût moyen par personne ayant consommé des soins remboursés en lien avec

l’allergie à l’ambroisie par département en Auvergne-Rhône-Alpes en 2017

Figure 101. Répartition du coût total estimé de l’allergie à l’ambroisie par type de coût et par département en

Approche économique

Dans le cadre d’une approche économique, il est nécessaire de tenir compte des éléments suivants :

1. Le prix des traitements en France est largement subventionné, ce qui éloigne la valeur financière de la valeur du marché comme illustré dans la Figure 102. Le prix des traitements en France, et dans de nombreux pays, est négocié entre le producteur et l’État ; il ne reflète le coût de fabrication que dans la mesure où il lui est sans doute supérieur27.

2. Il ne fait pas forcément sens de ne considérer que le prix du traitement. Il faudrait considérer une notion élargie incluant le coût de déplacement à la pharmacie, le coût du service médical (consultation ou autre) et le coût caché lié à la prise en charge par un tiers de personne affectée (mineur, personne âgée), i.e. prendre en considération l’ensemble des coûts afférents à la stratégie thérapeutique.

3. Un traitement médical n’est pas parfait, au sens où il ne permet pas à chacun de retrouver un parfait état de bien-être, et ne peut donc pas être considéré comme une solution idéale comme le serait l’absence d’exposition aux pollens d’ambroisie après une éradication de la plante. Cette imperfection se traduit par une perte de bien-être. La valeur économique comprendrait celui-ci (cf. paragraphe 5.2.3).

Sur le premier point, l’objectif de la subvention du traitement est de le rendre accessible au plus grand nombre, en réduisant significativement le prix de vente. Cependant, la subvention va au producteur et ne tient pas compte de la disposition à payer du consommateur ; elle fragilise donc le lien entre valeurs économique et financière (Figure 102).

La subvention peut fonctionner de diverses manières. Pour simplifier, supposons qu’elle prenne la forme d’un montant par unité vendue. Le producteur négocie (avec l’État) un prix de vente au public et reçoit pour chaque unité vendue ce prix de vente plus le montant de la subvention. Cela aboutit à une valeur financière correspondant au rectangle, y compris la partie qui recouvre le triangle du surplus du consommateur.

27 Même ce point est incertain car chaque producteur fabrique de nombreux médicaments et pourrait négocier un prix très faible pour un traitement en particulier dans une logique d’obtenir des prix négociés meilleurs sur d’autres traitements.

S'il n'y avait pas de subvention, il faudrait ajouter le surplus du consommateur à la recette du producteur (produit du prix par la quantité vendue) pour trouver la valeur économique du traitement (si on ne tient pas compte des coûts de fabrication). Avec la subvention, il est possible de constater qu’une partie de celle-ci recouvre le surplus du consommateur ; il n’est donc pas possible de les sommer. De plus, une partie de la subvention ne recouvre pas le surplus du consommateur. Il s’agit donc d’un coût additionnel pour la collectivité qui vient s’ajouter au coût de l’ambroisie.

Positionnement du groupe de travail

L’approche développée par l’ORS Auvergne-Rhône-Alpes est une vision limitée des coûts, qui ne prend en considération qu’une partie de la valeur financière attribuée aux traitements – puisqu'elle ne considère que les remboursements de traitements et pas l'ensemble des coûts annexes. Dans ce cadre elle constitue une estimation basse des coûts financiers. Il est toutefois à rappeler que les médicaments traceurs retenus par l’ORS Auvergne-Rhône-Alpes ne sont pas spécifiques de l’allergie à l’ambroisie comme indiqué dans le chapitre 4. L'ORS présente dans son rapport les limites de ses propres estimations des coûts des traitements liés à l'ambroisie. Celles-ci sont diverses mais pointent vers une estimation raisonnable des coûts des traitements liés à l'ambroisie dans un sens strict, sans aucun coût annexe.

L'approche ORS est bien plus précise que les rares alternatives dans la littérature. Bullock et al. (2013) présentent un intervalle « à dires d'experts » qui recouvre le chiffre de l'ORS Auvergne-Rhône-Alpes, mais reste très variable d'un pays européen à l'autre. Schaffner et al. (2020) reprennent les données de Bullock et al. (2013) et de l'ORS Auvergne-Rhône-Alpes sans y ajouter d'estimation propre sur les plans économique et financier.

Dans le cadre d’une approche financière, l’estimation de l’ORS Auvergne-Rhône-Alpes apparait comme la plus robuste et adaptée pour une généralisation à l’échelle nationale. En pratique, pour monétariser le coût de la prise en charge de l’allergie à l’ambroisie à l’échelle populationnelle, le procédé suivant est proposé :

𝐶𝑜û𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑟𝑖𝑠𝑒 𝑒𝑛 𝑐ℎ𝑎𝑟𝑔𝑒 𝑎𝑛𝑛𝑢𝑒𝑙 = 𝑛 × 53€ Avec :

 𝑛 : nombre d’individus allergiques à l’ambroisie ;

 53€ : coût moyen individuel de la prise en charge des soins sur une année en € courant de 2017.

Il est ainsi fait l’hypothèse que le coût moyen de prise en charge reste le même quel que soit le niveau des concentrations de pollens. Aucune mesure d'incertitude statistique (tel qu’un intervalle de confiance) n'est disponible sur ces chiffres. Par ailleurs, ce coût moyen ne permet pas d’intégrer la part de l’automédication, non visible au travers des bases de données de remboursement de l’Assurance Maladie et difficilement estimable.

Il n’existe pas dans la littérature d'estimation de la disposition à payer pour l’ensemble des stratégies thérapeutiques en lien avec les conséquences sanitaires de l’ambroisie.

5.2.2 Coûts de la perte de production

Un travailleur malade du fait d’une allergie à l’ambroisie peut générer deux types de pertes économiques au travers de son activité productive, variable en fonction des conséquences de la pathologie :

 Le travailleur peut être absent de son poste de travail, ce qui peut entrainer une perte de production ;

 Le travailleur peut être présent à son poste de travail, mais avec une capacité de production réduite au regard de son état de santé. Il s’agit donc là d’une baisse de productivité qui se traduit in fine par une perte de production.

Approche financière

Plusieurs approches existent pour estimer une perte de production et de productivité comme le souligne le Cercle des économistes de la santé (Clément, Barnay, et LePen 2011) :

 Dans la méthode du capital humain, l’impact de la maladie et de sa prise en charge est valorisé par la mesure du nombre d’heures de travail perdues multipliées par le salaire brut augmenté des cotisations sociales employeur (Drummond et al. 2015). Cette évaluation des pertes de production ne concerne que le secteur salarié, dans lequel la rémunération du facteur travail peut être mesurée de façon isolée (Sultan-Taïeb, Tessier, et Béjean 2009). L’impact de la maladie est alors le même quel que soit le secteur d’activité. Cette méthode est critiquée car fait l’hypothèse que nous sommes en situation de plein emploi et que la perte d’une journée de travail a un impact proportionnel et mécanique sur la production.

 La méthode des coûts de friction pallie le manque de réalisme de la méthode du capital humain en étudiant de façon empirique ces ajustements. L’absentéisme d’un individu ne se traduit pas nécessairement par une baisse de la production : lorsque son absence est de courte durée, un ajustement de la productivité des autres travailleurs ou le rattrapage de son travail par l’employé à son retour peut empêcher une baisse de la productivité ou de la production. Il peut toutefois exister une période d’ajustement au cours de laquelle l’employé ne sera pas remplacé, c’est le temps qu’il faut à l’employeur pour procéder aux ajustements nécessaires pour combler l’absence d’un travailleur. La méthode des coûts de friction évalue ce laps de temps et les baisses de productivité et de production qui en découlent.

 Ce poste de coûts peut également être intégré dans la mesure de la disposition à payer d’un individu.

Ces méthodes impliquent des données différentes, parfois complexes à obtenir. Il est à noter que la méthode des coûts de friction apparait comme la plus satisfaisante d’un point de vue théorique mais nécessite un travail complexe pour obtenir un résultat quantifié.

Dans cette logique financière, l’ORS Rhône-Alpes estime, grâce à une enquête téléphonique en 2014, que les arrêts de travail ou absences scolaires consécutifs aux symptômes de l’allergie restent rares (28 personnes soit 5% des cas certains ou probables) et surviennent quasiment tous en zone très exposée (21 cas sur 28) (Anzivino, Marant-Micallef, et Sonko 2014). En 2018, sur les bases de données de remboursements, 14% des dépenses résidaient dans la prise en charge des arrêts de travail (ORS et ARS Auvergne-Rhone-Alpes 2018). Il est à noter que la période de pollinisation intervient pour partie sur la période des congés estivaux. Ainsi une partie des salariés allergiques à l’ambroisie n’occupe pas son poste de travail, minimisant de fait le coût de prise en charge des arrêts de travail en lien avec une allergie à l’ambroisie.

Bullock et al. (2013) discutent les impacts sur la force de travail basée sur une perte de production (selon l’hypothèse que l'allergie cause une baisse de la force de travail dans chaque pays de l'Union Européenne), des scénarios sur le nombre d'allergiques dans la population active (de 0,1% à 0,5% pour la France) et une durée des épisodes allergiques. Ils estiment une perte de production de 1,5% à 5,0% par travailleur allergique à l’ambroisie.

Approche économique

L’allergie se traduit par une productivité réduite pouvant aller jusqu’à des jours d’absence. En France, une baisse de productivité ou un arrêt maladie n’implique pas un coût pour la majorité des travailleurs (salariés) au-delà des jours de carence. Ils peuvent être plus conséquent pour d’autres (artisans, professions libérales soit environ 11% de la population active selon l’Insee). Par conséquent, pour les non-salariés, on peut argumenter que la DAP pour éviter une crise d’allergie à l’ambroisie comprendrait cette perte de productivité alors que pour les salariés ça ne serait pas le cas puisqu’ils continuent à percevoir leur salaire.