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II. Le passage aux DSRP/CSLP ou l’harmonisation au niveau du discours du développement discours du développement

II.1. Une stratégie globale de développement à laquelle participent les PED PED

Face à l'échec relatif des politiques d'ajustement structurel, un nouveau consensus s'établit concernant le contenu des politiques économiques, mais également la manière dont elles doivent être mises en œuvre. Aussi, de nouveaux concepts comme la « gouvernance », « l'adhésion et la participation » des populations à l'élaboration de ces politiques, sont dorénavant placés au cœur des programmes de développement.

Les DSRP cherchent à trouver un compromis qui implique les gouvernements et populations des PED dans la définition de leurs besoins ; Ils doivent donc être élaborés de manière transparente et avec une large participation de tous les intéressés au choix des objectifs, à l’élaboration de ces politiques et au suivi de leur mise en œuvre. Ceci concerne l’appropriation des DSRP par les PED (cf. point II.1.1.), dans le but de faire émerger un meilleur équilibre Etat/Marché (cf. point II.2.2.).

II.1.1. Le principe d'appropriation des DSRP par les PED

Afin de rompre avec les pratiques antérieures qui conduisaient à déresponsabiliser les pays bénéficiaires de l’aide au développement dans le cadre de l’ajustement structurel, les DSRP affirment la responsabilité des pays dans leur propre développement. La Banque mondiale, faisant par là même son mea culpa, l’écrit dans le rapport préparé pour la conférence des Nations Unies sur le financement du développement, organisée à Monterrey début 2002 : « Une leçon tirée de l’expérience passée est que la réforme ne réussit généralement pas sans une forte appropriation locale et une approche large, qui inclut la prise en compte des institutions, la gouvernance et la participation des acteurs - une leçon qui constitue le moteur du processus des Documents Stratégiques de Réduction de la Pauvreté (DSRP) ».

Les IBW préconisent ainsi d’établir une nouvelle relation entre les bailleurs de fonds et les PED, pour mieux responsabiliser ces derniers, non seulement dans la définition des politiques, mais aussi dans leur mise en œuvre. On n’est donc plus à

168 priori dans des rapports de force. On recherche au contraire un certain « équilibre » entre les divers pouvoirs effectifs et symboliques, en présence.

Dans ce contexte, les « conditionnalités » qui étaient imposées dans le cadre des PAS et s’avéraient très contraignantes pour les gouvernements des PED semblent être mises de côté. En effet, même si le DSRP constitue en lui-même une forme de condition imposée par la BM et le FMI pour l’obtention de l’aide, il faut reconnaître que cette conditionnalité laisse, du moins en apparence, une plus grande marge de manœuvre aux PED. Ces derniers sont désormais censés définir pour eux-mêmes une stratégie de politique économique viable, qui sera ensuite seulement validée par les IBW. Il n’y a donc plus, en principe, de politiques définies par l’extérieur, qu’ils seraient simplement chargés d’appliquer (sans grande conviction de leur part).

Le DSRP, dans le cadre de la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté, consacre donc en quelque sorte, la réhabilitation (du moins partielle) du rôle de l’Etat, étant donné qu’il ne s’agit pas, pour les IBW, de revenir sur les politiques de libéralisation menées dans le cadre des PAS et sur la théorie du « moins d’Etat », qui fut pendant longtemps le mot d’ordre.

Cependant, les IBW considèrent que la réussite de l’appropriation par les pays de cette nouvelle stratégie passe par cinq principes qui permettent aux DSRP de mieux servir les pauvres :

 une stratégie qui est axée sur les résultats : les pays doivent cerner la nature de la pauvreté et déterminer les interventions qui auront le plus d’impact sur elle ;

 des stratégies différenciées pour lutter plus efficacement contre une pauvreté qui est multidimensionnelle ;

 des stratégies qui sont adaptées à la situation propre à chaque pays ;  des résultats qui doivent être vérifiables ;

 un engagement à long terme, afin que les résultats soient tangibles.

Enfin, cette stratégie de développement élaborée localement permet de créer à priori un certain équilibre entre l’Etat et le marché.

Il ressort de tout ceci que, par le biais des DSRP, les pays doivent pouvoir redevenir les maîtres de leur propre développement. Ce qui confère, en principe, un rôle-pivot à l’Etat, en tant que pilote du processus participatif et responsable de la conduite des politiques de lutte contre la pauvreté. Toutefois, l'Etat et ses institutions ne doivent jouer qu’un rôle instrumental au profit de leurs populations.

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II.1.2. La volonté de créer un meilleur équilibre entre Etat et le Marché

On est ainsi passé d'une suppression totale du rôle de l'Etat dans l'activité économique avec notamment la condamnation des politiques de subvention aux importations qui avaient conduit à la faible compétitivité des entreprises protégées à la possibilité pour les pays, et donc leurs gouvernements, de rédiger eux-mêmes ces DSRP.

Ainsi, on n'est plus, désormais, dans un système de programmes décidés par les institutions internationales et imposés aux pays. Ces derniers retrouvent donc une légitimité, tout au moins formelle, la volonté des acteurs du développement étant de trouver le meilleur équilibre entre l’Etat et le Marché.

La lutte contre la pauvreté entend ainsi s'effectuer non seulement au niveau national, mais aussi au niveau international, avec une collaboration plus étroite entre ces deux niveaux pour arriver à définir des politiques plus cohérentes, et donc plus efficaces. Cette collaboration entre les pays et les Institutions internationales apparaît clairement dans la constitution des DSRP (Cling, Razafindrakoto, & Roubaud, 2012) déjà effectués.

En règle générale, ces documents doivent :

 décrire les objectifs de réduction à long terme des différentes dimensions de la pauvreté, ainsi que le cadre macroéconomique, structurel et institutionnel pour les atteindre. Ces objectifs peuvent prendre alors la forme de buts annuels avec, par exemple, un horizon de trois ans ;

être le produit d’un consensus entre les acteurs locaux sur les stratégies de développement à adopter. En cela les DSRP sont des instruments qui relèvent de la compétence des institutions locales. Ce qui signifie que les bailleurs de fonds doivent très peu intervenir dans leur élaboration ;

permettre d’intervenir dans des pays présentant déjà des politiques acceptables d’un point de vue social et économique sur la base d’une mesure des résultats obtenus et en les comparant à des objectifs communément fixés. Ils ne doivent donc pas donner lieu à une conditionnalité trop contraignante comme cela était le cas pour les PAS ;  déboucher sur des programmes de dépenses publiques financés

170 de l’Etat, ainsi que sa réhabilitation comme premier instrument de développement.

La volonté des IBW d'accorder plus d'importance à l'action des gouvernements des PED se traduit en fait par le passage d’une aide projet à de l’aide budgétaire. Cette évolution de l’aide au développement vers de l’aide budgétaire, c'est-à-dire affectée globalement au budget de l'Etat sans répartition sectorielle à priori est plus conforme à la dynamique de la nouvelle approche.

En effet, alors que l’aide projet se caractérise par un contrôle strict de l’ensemble de la chaîne des dépenses, l’aide budgétaire consiste, au contraire, à accorder des financements qui sont seulement suivis d’un contrôle à posteriori, et ceci accroît la responsabilité des pays en développement dans la mise en œuvre de leurs DSRP. Cette confiance accrue a néanmoins pour contrepartie la mise en œuvre d’une plus grande sélectivité dans les programmes afin d’éviter la dilapidation de l’aide. Normalement, l’aide octroyée au titre de l’allègement de la dette est transférée en priorité aux pays où les conditions de gestion sont les meilleures pour son efficacité. Ceci afin de répondre aux critiques de plus en plus vives qui sont adressées, concernant le manque d’efficacité de l’aide au développement. On améliore aussi les dispositifs de suivi/évaluation de ces programmes, afin de mieux en apprécier l’impact, mais aussi de mesurer la qualité de l’affectation des financements extérieurs ainsi que leur efficacité.

Les travaux effectués par la Banque mondiale63, mettent en évidence l’efficacité accrue de l’aide lorsqu’elle est dirigée vers des pays bien gérés et engagés dans des réformes. Cela vient aussi du fait que la Banque mondiale, comme toutes les institutions financières multilatérales, ne peut statutairement accorder de ressources qu’aux Etats.

Enfin, pour réaliser une plus grande transparence (« accountability »), l’accès aux documents correspondant est facilité pour les citoyens et acteurs sociaux.

Une autre originalité des DSRP, réside dans le fait qu'ils intègrent le concept de "bonne gouvernance"64. Ils doivent être rédigés non plus par les experts du FMI et

63 Rapport de la Banque mondiale sur le développement consacré à la pauvreté qui tend à montrer que les solutions sont à rechercher dans la réforme des modes de gouvernance et de gestion des politiques des pays concernés, 2000/2001.

64 Le concept de la « bonne gouvernance » est apparu à la fin des années 1990 dans les conditionnalités liées aux financements octroyés aux pays en développement par les institutions financières internationales et les autres bailleurs de fonds. Bien qu’étant très flou, il semble qu’il englobe des questions comme celles de la bonne gestion, la corruption, le droit et la démocratie. En fait, la "bonne gouvernance vise en principe à améliorer

171 de la Banque mondiale, mais par les gouvernements des pays, en collaboration avec la "société civile", à charge pour les experts de Washington de donner ensuite leur aval. La notion de "bonne gouvernance" reconnaît désormais la responsabilité des Etats dans le choix et l'efficacité des programmes financés. Cette reconnaissance du rôle de l'Etat dans la gestion économique se traduit par la propulsion du concept de "bonne gouvernance" au premier rang des objectifs des institutions de Bretton Woods. Ceci renvoie à la problématique de l'empowerment (« potentialisation ») qui suppose une réflexion sur la capacité des institutions.

Toutefois, cette intervention de l’Etat reste confinée à certains domaines (Baron, 2008) et ne doit avoir lieu que lorsque le marché connaît des dysfonctionnements. Il n'est donc là que dans le but de soutenir l'action du marché.

II. 2. Le consensus au niveau du langage dans l’élaboration et la mise