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1   Introduction

1.4   Étude de la structure de l’ARN par spectroscopie RMN 52

1.4.3   Procédure pour la détermination de la structure d’un ARN 61

1.4.3.3   Stratégie d’attribution des signaux 65

L’attribution des signaux représente le nœud dans le processus de détermination de structure. La stratégie utilisée comprend deux étapes principales : la première est l’attribution des protons échangeables, c’est-à-dire ceux qui peuvent s’échanger avec les protons du solvant, particulièrement les protons imino (NH) et amino (NH2). La

deuxième étape est l’attribution des protons non échangeables, notamment les protons du ribose (H1', H2', H3', H4', H5' et H5''), les protons aromatiques des bases (H5 et H6 des pyrimidines et H8 des purines), puis le H2 des adénines qui n’échangent pas avec le solvant.

Attribution des protons échangeables

Le point de départ pour faire l’attribution des signaux provenant des protons échangeables est l’utilisation des protons imino, comme expliqué plus haut. En effet, la région entre 9 et 15 ppm d’un spectre 1D 1H permet de vérifier le nombre de paires de

bases de l’ARN. La stratégie utilisée pour faire l’attribution de ces signaux et identifier ces paires de bases est l’utilisation de l’effet NOE dans un type d’expérience en deux dimensions appelée 2D 1H-1H NOESY (NOE spectroscopy, NOESY). Cette expérience homonucléaire effectuée sur un échantillon contenant un tampon composé de 90% H2O

permet de faire la corrélation à travers l’espace entre des protons qui sont à une distance de 5 Å ou moins. Cette expérience permet d’identifier les paires de bases A-U grâce à un fort signal NOE causé par la proximité du H3 du l’uridine avec le H2 de l’adénine à laquelle il est apparié (Figure 1.30 A) [222]. De façon similaire, les paires de bases G-C se caractérisent par un fort signal NOE entre le H1 de la guanine et les deux protons du groupement amino NH2 de la cytosine à laquelle il est apparié (Figure 1.30 A) [222]. De

plus, lorsque l’ARN adopte une structure en hélice de forme A, les protons imino des paires de bases adjacentes dans l’hélice sont situés à une distance variant de 3 à 5 Å, il

B, C) [222]. En plus de permettre l’identification des différentes paires de bases de la molécule d’ARN, ainsi que leur empilement dans les structures en hélice, les spectres homonucléaires 1D 1H et 2D 1H-1H NOESY des protons imino permettent non seulement l’attribution de plusieurs protons échangeables (GH1, UH3, CNH2) mais également

quelques protons non échangeables (AH2 et H1') [222].

Figure 1.30 : Attribution des protons imino. (A) Protons imino des bases G et U (encerclés en

orange et bleu respectivement) stabilisés par des ponts hydrogènes dans des paires de bases G-C et A-U. Lorsqu’impliqués dans ces paires de bases, les protons imino donnent de forts signaux

NOE à d’autres protons (représentés par les traits roses). (B) Représentation schématique d’une

tige-boucle et des connections NOE observées entre les protons imino (traits roses) de chaque paires de bases adjacentes dans la tige. (C) Région imino d’un spectre 2D NOESY montrant les connections entre les différents signaux NOE (flèches roses) provenant de chaque proton imino stabilisé dans une paire de bases. (Tiré de [223]).

Il est aussi particulièrement utile d’utiliser la RMN hétéonucléaire pour faciliter l’attribution des protons imino. L’utilisation d’une expérience de type HSQC (heteronuclear single quantum coherence, HSQC) permet de détecter les corrélations entre le proton et un autre type d’atome auquel il est lié, un hétéroatome tel que l’azote ou le carbone. Étant donné que cette expérience HSQC contient deux dimensions, par exemple 2D 1H-15N HSQC, les protons sont identifiés grâce au déplacement chimique de l’azote, ce qui permet de différencier les H1 des guanines des H3 des uridines (Figure 1.26 C). D’autres expériences peuvent aussi être utilisées pour compléter l’attribution des protons, notamment le HNN-COSY [235] et le 3D 15N-edited NOESY-HSQC [236].

Le HNN-COSY est une expérience en deux dimensions corrélant le 1H et le 15N et

permet d’élucider les appariements de bases en confirmant les ponts hydrogène de type N-H···H [222, 235]. Par exemple, pour une paire de bases AU W-C, on retrouvera au déplacement chimique 1H du UH3 deux corrélations à l’azote, une au UN3 et l’autre au AN1. L’expérience 3D 15N-edited NOESY-HSQC contient la même information que le 2D NOESY, mais présente l’avantage d’utiliser la fréquence de l’azote pour faciliter l’attribution des protons, comme le 2D HSQC. Cette expérience permet ainsi d’analyser tous les NOE d’un proton imino, en particulier en utilisant le déplacement chimique de l’azote auquel il est attaché [222]. Un avantage additionnel de l’expérience 3D 15N-

edited NOESY-HSQC est qu’elle permet de filtrer les signaux (15N-edited), générant ainsi des spectres où seulement les NOE donnés à un proton attaché à un azote marqués en 15N sont visibles (imino (NH) et amino (NH2)). De cette façon la troisième dimension

(15N) permet de résoudre significativement le problème de superposition de signaux.

Attribution des protons non échangeables

La deuxième étape dans l’attribution des signaux est ce qu’on appelle «la marche séquentielle» qui permet d’attribuer les protons non échangeables. La marche séquentielle permet de connecter chaque ribose à sa propre base et à celle du nucléotide situé immédiatement en 3' dans la séquence. Cette stratégie est basée sur les distances H1'-H6/H8 intra et internucléotide de l’hélice de forme A qui sont de l’ordre de 4 à 6 Å [222]. Dans une expérience de type NOESY, un signal NOE intranucléotide est ainsi observé entre le H1' d’un ribose et le proton aromatique de sa base, (n)H1' - (n)H6/H8 et un signal NOE internucléotide est observé entre le H1' du ribose et le proton aromatique du nucléotide situé en 3' dans la séquence, (n)H1' - (n+1)H6/H8 (Figure 1.31).

Figure 1.31 : Attribution des protons non échangeables par la marche séquentielle. (A)

Séquence et structure secondaire de l’ARN utilisé dans l’étude RMN de la conformation active du substrat du ribozyme VS [112]. (B) Fragment de deux nucléotides (C4-G5) tiré de l’ARN en (A) montrant les distances H1'-H8/H6 intra et internucléotides utilisées pour la marche séquentielle (traits pointillés roses). (C) Région du spectre 2D NOESY de l’ARN représenté en (A) montrant les signaux NOE observés et leur connections dans la marche séquentielle (flèches roses) (Tiré de [223]).

Pour procéder à la marche séquentielle, l’échantillon utilisé doit être dans un tampon composé de D2O à 100% afin d’éliminer le signal du H2O contenu dans le tampon. En

effet, le déplacement chimique de celui-ci coïncide avec celui des protons H1' et H5 de l’ARN (~4.8 ppm). Pour faire l’attribution des autres protons non échangeables, c’est-à- dire les H5 des pyrimidines et les H2', H3', H4', H5', H5'' du ribose, des expériences RMN de corrélation appelées COSY et TOCSY, basée sur le couplage J, sont utilisées (correlation spectroscopy, COSY et total correlation spectroscopy, TOCSY) [222]. Plus le couplage est fort entre les deux noyaux, plus la corrélation à travers les liens qui les séparent est efficace. Par exemple, l’expérience homonucléaire de type 2D COSY permet d’attribuer le H2' à partir du H1' à l’aide du couplage J retrouvé dans les liaisons entre ces deux protons (3JH1'- H2'). De façon similaire, il est possible d’attribuer le H3' à partir

du H2' et ainsi de suite jusqu’au H5''. Il est aussi possible d’obtenir l’attribution de tous les protons du ribose à partir du H1' seulement. En effet, l’expérience de type TOCSY permet à la magnétisation de parcourir tout le ribose et ainsi à partir du H1' obtenir les signaux des H2', H3', H4', H5' et H5'' du même ribose. L’utilisation des expériences de

type COSY et TOCSY homonucléaires pour l’ARN est cependant limitée, notamment à cause de la faible constante de couplage 3JH1'- H2' de 1 Hz de la conformation 3'-endo du

ribose, typiquement retrouvée dans les hélices de forme A. Par conséquent, les spectres obtenus ne permettent pas d’observer toutes les corrélations attendues. L’utilisation de la RMN homonucléaire pour l’attribution des protons non échangeables est donc utile pour des ARN de petite taille (< 15 nt). Toutefois, avec l’utilisation de la RMN de corrélation hétéronucléaire HCCH-COSY et HCCH-TOCSY, il devient possible d’observer les corrélations H1'-H2', puisque la magnétisation est transférée à partir du H1' jusqu’au H2' grâce aux couplages J entre les liaisons H-C et C-C du ribose (H1'-C1'-C2'-H2') qui sont plus fort. L’expérience de type HSQC est aussi utilisée pour l’attribution des différents protons non échangeables du ribose (H1', H2', H3', H4', H5' et H5'') et de la base (H2, H5, H6, H8). En effet, le 2D 1H-13C HSQC permet d’identifier ces différents protons grâce au déplacement chimique du carbone (Figure 1.26 A, B). Par exemple, bien que les protons aromatiques H5 des pyrimidines et les H1' des riboses présentent un déplacement chimique très similaire, situés entre 4.4 et 6.5 ppm, il est possible de les séparer en utilisant le déplacement chimique des carbones auxquels ils sont attachés, qui eux sont bien séparés avec des δ de 95 à 105 ppm pour le C5 comparer à des δ de 89 à 95 ppm pour le C1'. Le couplage J hétéronucléaire permet également d’obtenir de nombreuses corrélations intrabases entre protons échangeables et non échangeables, facilitant l’attribution non ambigüe de plusieurs signaux [222].

De façon générale, l’attribution des signaux est grandement facilitée par l’utilisation de la RMN hétéronucléaire. En effet, elle permet une meilleure résolution des signaux en raison des corrélations 1H-13C et 1H-15N. Ainsi, l’utilisation de spectres hétéronucléaires multidimensionnels (2D, 3D ou 4D) permet de réduire la superposition de signaux. De plus, le couplage J hétéronucléaire permet des transferts de magnétisation plus efficaces par rapport au couplage J homonucléaire, ce qui facilite l’obtention des différentes corrélations nécessaires à l’attribution.