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1   Introduction

1.1   ARN non codants et ribozymes 2

1.1.3   Intérêt biochimique et médical des ARNnc 9

Tel que mentionné précédemment, les ARNnc se retrouvent au centre de plusieurs processus cellulaires essentiels tels que la synthèse protéique (ARNr, ARNt, RNase P, ARNsno), l’épissage de l’ARN (introns auto-clivants, ARNsn) et la régulation de l’expression des gènes (riborégulateurs, miARN, siARN, ARNas). De plus, plusieurs de ces ARNnc sont capables de reconnaître et lier des séquences d’ARN spécifiques ou encore de répondre à la liaison d’un métabolite. Il est donc peu surprenant que ces ARN soient une source d’intérêt pour plusieurs groupes de recherche visant à les utiliser comme base pour l’élaboration de différents outils biochimiques et approches thérapeutiques.

Tout d’abord, l’ingénierie de plusieurs ARNnc a permis la création de différents outils biochimiques utilisés régulièrement dans les laboratoires de recherche. Par exemple, la répression spécifique de certains gènes (gene knockdown) est couramment effectuée par l’utilisation de différents ARN interférents conçus pour cibler une séquence d’intérêt [47, 48]. De plus, l’utilisation de ribozymes en tant qu’enzymes de restriction s’est montrée fort utile dans la production d’ARN pour des études biochimiques et structurales. En effet, ces ribozymes permettent l’obtention d’extrémités 5' et 3' homogènes suite à une transcription in vitro [49-52]. Aussi, l’utilisation combinée de ribozymes et de riborégulateurs a permis de développer des protocoles de purification d’ARN par affinité qui sont rapides et permettent l’utilisation de conditions

non dénaturantes tout en permettant l’obtention d’ARN aux extrémités homogènes [53- 56].

Ensuite, les ribozymes et riborégulateurs se sont avérés prometteurs pour la création de biosenseurs, notamment dans le diagnostic médical et l’analyse en laboratoire [57-60]. Par exemple, des ribozymes allostériques ont été développés pour permettre la détection d’une grande variété de ligands tels que des ions, des protéines, des bactéries, des nucléotides et différents métabolites dans des mélanges plus ou moins complexes [57, 59]. Ces ribozymes allostériques comprennent une partie aptamère et une partie ribozyme. La partie aptamère est une molécule d’ARN ou d’ADN naturelle ou évoluée artificiellement qui lie son ligand de façon spécifique. De façon générale, la liaison du ligand à l’aptamère cause un changement dans l’activité catalytique de la partie ribozyme [61, 62], ce qui permet la détection de ce ligand. Par contre, bien que l’utilisation de ces ribozymes allostériques soit intéressante, davantage de biosenseurs ont été développés avec uniquement une base d’aptamère d’ARN ou dans la plupart des cas d’ADN [60, 63, 64], sans nécessiter de ribozyme. Ces biosenseurs sont néanmoins couplés à différents systèmes de détection pour obtenir le signal de la liaison du ligand, comme par exemple de la fluorescence ou encore de l’électrochimie [64]. Bien que les aptamères d’ADN soient plus stables, la stabilité et la résistance aux ribonucléases des aptamères d’ARN peuvent être améliorées par l’introduction de groupements 2'-deoxy, 2'-NH3, 2'-F ou 2'-OMe [60, 65]. Ainsi, avec une stabilité

améliorée, une capacité à adopter une structure tertiaire et lier spécifiquement un ligand avec une grande affinité, l’ARN est une molécule prometteuse comme biosenseur et outil diagnostique. Plusieurs aptamères d’ARN font l’objet de recherches, notamment pour le diagnostic de différents cancers et maladies [60] et la détection de pathogènes infectieux et alimentaires [63, 66].

Aussi, plusieurs ARNnc ont été utilisés dans le développement de thérapies géniques, qui sont des stratégies visant à réparer ou modifier un gène ou encore en altérer son expression dans le but de traiter des maladies ou cibler des virus. Par exemple, le ribozyme hammerhead, un des ribozymes les plus étudiés et mieux

caractérisés, s’est avéré prometteur pour la conception d’agents thérapeutiques. Notamment, il a été la base dans la conception d’ANGIOZYME, un agent anti-cancer et d’OZ1, un agent antiviral contre le VIH-1 (virus de l’immunodéficience humaine de type 1, VIH-1), ayant tous deux fait l’objet d’essais cliniques [67-69]. Néanmoins, bien que ces derniers, ainsi que certains autres ribozymes se soient montrés prometteurs [67- 71], il semble que les ARN interférents et antisens démontrent plus de succès dans le développement de thérapies géniques. Ceux-ci sont notamment utilisés pour inhiber ou encore réduire l’expression de gènes surexprimés dans les tumeurs [72-74]. Par exemple, le vaccin FANG par Gradalis Inc, à base d’ARN interférent, cible l’ARNm codant pour la protéine furine [75]. Ce vaccin s’est montré efficace pour diminuer l’expression des facteurs de croissance immunosuppresseurs endogènes TGFß1 et ß2 (immunosupressive

transforming growth factor, TGF) chez des patients atteints de cancer avancé, c’est

pourquoi il se retrouve actuellement en essai clinique de phase II [75]. Plusieurs autres ARN interférents et antisens se retrouvent également en essai clinique pour traiter des cancers [74]. Même si les ribozymes et les ARN interférents semblent prometteurs indépendamment comme agents thérapeutiques, une approche combinée de plusieurs de ces ARN pourrait procurer des avantages additionnels. Par exemple, une approche combinant un ribozyme et des ARN interférents contre le VIH s’est montrée positive et a récemment fait l’objet d’essais cliniques [76-79]. De plus, un des défis actuels dans l’utilisation des ARN interférents, des ARN antisens et des ribozymes est leur mode d’administration systémique et intracellulaire. À cet égard, les aptamères d’ARN s’avèrent fort intéressants, puisqu’ils peuvent servir, par exemple, de véhicule à ces ARN interférents en les transportant à l’endroit approprié en reconnaissant un type de cellule spécifique [60].

De toute évidence, il est clair que les outils de recherche et les agents thérapeutiques à base d’ARN sont très prometteurs. Cependant, leur fonctionnement requiert encore des améliorations, notamment en minimisant les erreurs de ciblage (off-

target effect) et en optimisant les modes d’administration et l’efficacité des effets

médicament est possible. En effet, un aptamère d’ARN appelé MACUGEN [80] est distribué par Pfizer (MACUGENTM) au Canada depuis 2006 pour traiter la dégénérescence maculaire liée à l’âge (age-related macular degeneration, AMD).

Jusqu’ici, plusieurs outils biochimiques et agents thérapeutiques ont été conçus pour reconnaître une séquence simple brin d’ARN par un appariement Watson-Crick (W-C). Par exemple, le site de reconnaissance du substrat du ribozyme hammerhead est une région simple brin qui va se lier à l’ARNm cible par un appariement W-C (Figure 1.4). Cependant, plusieurs ARN fonctionnels dans les cellules sont repliés, souvent en forme de tige-boucle, plutôt que linéaire et simple brin. Ainsi, une façon intéressante d’améliorer le ciblage de certains outils biochimiques et des agents thérapeutiques serait d’exploiter un mode de reconnaissance plus complexe du substrat. Par exemple le ribozyme VS de Neurospora, bien qu’il soit plus complexe que le hammerhead, a l’avantage de pouvoir reconnaître un ARN replié.

Figure 1.4 : Représentation schématique du mécanisme d’action du ribozyme hammerhead dans le contexte d’une application thérapeutique. Un ribozyme hammerhead est conçu pour

cibler spécifiquement un ARNm cible. Le ribozyme lie l’ARNm en formant plusieurs appariements W-C. Le complexe ribozyme-ARNm est clivé par le ribozyme et celui-ci se dissocie en libérant les produits de clivage. Le ribozyme libre redevient alors disponible pour cliver une autre cible. (Adapté de [71]).